Abdelmoumen Ould Kaddour, un nom intimement lié à quelques-uns des épisodes de la série de scandales qui ont éclaboussé la plus grande entreprise du pays. Des scandales dont le dernier en date, l'acquisition de la vieillotte raffinerie d'Augusta, est venu sceller un palmarès qu'il a même enrichi d'une condamnation pour espionnage au profit de puissances étrangères en novembre 2007. La longue et troublante aventure d'Abdelmoumen Ould Kaddour est donc arrivée à son terme avec son extradition consommée. C'est qu'il a accompli du parcours, l'homme auquel ont été confiées, entre mars 2017 et avril 2019, les destinées de la compagnie qui nourrit le pays bien que son casier judiciaire ne fût pas le plus banal de ceux de tous les malfrats de haut vol que l'Algérie ait connus. En fait, le nom d'Abdelmoumen Ould Kaddour est devenu familier aux Algériens lorsque avaient commencé à être divulgués les innombrables méfaits commis par Chakib Khelil à l'époque où celui-ci s'était approprié, entre 1999 et 2010, le ministère de l'Energie tout en cumulant la présidence de Sonatrach. Le premier haut fait d'armes d'Ould Kaddour, sur lequel d'ailleurs tout n'a pas été encore dit, remonte à l'époque où il dirigeait la joint-venture Brown & Root - Condor, la fameuse BRC, née d'un accord entre Sonatrach et Haliburton. Tout autant que son «père spirituel» Chakib Khelil, l'homme au nom intimement mêlé aux grands scandales qui ont amoché l'image de Sonatrach, le patronyme Abdelmoumen Ould Kaddour est en effet apparu en grand dans l'affaire BRC qui, selon ce qui a été divulgué jusque-là, a de quoi laisser sans voix, tellement les révélations sont troublantes avec ses intrigues dignes d'un blockbuster d'espionnage et de malversations à coups de millions de dollars. Abdelmoumen Ould Kaddour, P-dg de BRC en 1993 avant d'en devenir le président du Conseil d'administration en 2005, s'était retrouvé dans un des «beaux rôles» d'un scénario dans lequel Sonatrach a servi en même temps de vache à traire et de moyen pour amasser indélicatement des fortunes. «Sonatrach a confié 27 projets à la société mixte Brown and Root Condor (BRC) pour un montant global de 73 milliards de dinars. Pour l'ensemble de ces projets, le gré à gré a été érigé en règle. Sonatrach a allègrement violé le décret présidentiel N° 02/250 relatif à la réglementation des marchés publics. Le client principal de BRC a en effet signé des contrats clés en main, confiant à la société l'étude du projet, l'acquisition des fournitures, la supervision et la réalisation jusqu'à la réception définitive», écrivait Le Soir d'Algérie dans une de ses éditions d'octobre 2006. Notre journal révélait encore : «En l'absence de bureau d'études indépendant chargé du suivi, les maîtres de l'ouvrage n'ont pas pu assurer le suivi des projets. Pire encore, les coûts sont fixés de manière forfaitaire et sans cahiers des charges. N'ayant pas la qualification requise, BRC a souvent eu recours à la sous-traitance. Souvent, son rôle s'est limité à faire l'intermédiaire. Pour certains projets, elle s'est octroyé des marges bénéficiaires atteignant 65% du coût global. Souvent, les prix ont été multipliés par 20. Une ''règle'' souvent appliquée pour l'équipement des deux tours abritant le siège du ministère de l'Energie. L'entreprise nationale a payé des sommes faramineuses pour leur ameublement. Petit exemple : pour l'acquisition d'une salle à manger, de quatre oreillers et d'un traversin, Sonatrach a été sommée de payer 64 500 euros...». D'effarantes révélations qui feront l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) à travers lequel il était rapporté : «Il est singulier qu'une entreprise mixte créée depuis une douzaine d'années et spécialisée à l'origine en engineering pétrolier se soit orientée vers la réalisation de projets d'infrastructures au profit exclusivement de deux clients.» Une histoire qui constitue un des hauts faits de la carrière d'Ould Kaddour avant qu'il clôture sa carrière par un autre coup, plus récent celui-ci, qui a alimenté un tas de soupçons : l'acquisition de la raffinerie d'Augusta, en Sicile, auprès d'Esso, la filiale italienne d'ExxonMobil. Une acquisition venue enrichir le patrimoine de Sonatrach qui ne s'imposait pas, selon des experts qui, depuis que l'affaire a été conclue vers la fin de l'année 2018, n'ont pas fini de remettre en cause et de l'opportunité de cet achat et des conditions contractuelles. Un de ces autres méfaits dont on saura peut-être le fin mot, comme ceux de quelques-unes des affaires qui ont contribué à faire traverser au groupe Sonatrach des périodes parmi les plus sombres de son existence. Azedine Maktour