Par Karim Younès L'Algérie a failli être engloutie, dès sa renaissance en 1962, par une situation politique que ni le pouvoir de l'époque, incarné par le Gouvernement provisoire, présidé par Youcef Ben Khedda ni les détenteurs de la force militaire, à travers ses innombrables sacrifices ne pouvaient maîtriser. Le péril a été conjuré par d'authentiques forces nationales qui ont permis au pays à peine ré-émergent de suivre sa course dans l'histoire contemporaine naissante de l'humanité. Quelques années plus tard, en octobre 1988, un séisme de forte amplitude menaçait la République, il est vrai otage de luttes fratricides pour la prise de pouvoir de clans réveillant de lourds héritages idéologiques ou tout simplement de récupération politicienne, profitant de l'ardeur d'une immense jeunesse qui sombrait dans le mal-être et qui voulait se délivrer de toute tutelle pour une vie plus conforme à ses aspirations. Vacillantes, mais tenant quand même debout, les restes des institutions républicaines font appel aux figures de premier plan qui ont fait leurs preuves face au colonialisme qui a déstructuré la société algérienne, lui faisant perdre quelques repères vite retrouvés pour le bien de la Nation. Il ne fallait pas s'attarder sur des modalités d'ordre secondaire, alors que l'enjeu était d'assurer une politique de salut national et d'éviter toute dérive menaçante pour l'unité de la Nation. Il faut convenir que la phase qui s'était ouverte avait pour objet de promouvoir une démocratie effective que malheureusement un multipartisme mal conçu notamment et un processus électoral débridé ont mis sérieusement en péril. La situation politique d'aujourd'hui ne diffère pas des remous vécus par le passé, bien au contraire, ils sont multipliés et ébranlent dangereusement l'existence d'une certaine idée de la Nation. Les discours haineux, demeurés impunis, la stigmatisation de toute une région connue pour sa sagesse et le sens de solidarité, héritages d'une culture ancestrale entretenue depuis des lustres suite à des luttes pour la survie face aux plus féroces des prédateurs historiques n'ont pu déchirer le tissu social du peuple algérien. Des esprits serviles tentent de nuire à notre pays. Ils sont de tous bords ; n'incriminons pas les uns pour mieux autoriser les autres à la vindicte. Il appartient aux Algériens conscients de s'inscrire dans une nouvelle phase de lutte pour la libération nationale de tout ce qui mine son unité, ses assises et dressent devant eux des ponts en béton armé pour consolider son architecture, la mettant à l'abri de tous les séismes destructeurs. Il est clair que cette mission de sauvegarde est, au-delà des hommes et des femmes, des tendances de pouvoir et des velléités, passible de récupération politicienne, elle ne s'adresse qu'aux intérêts suprêmes et intangibles du peuple algérien. Tous ceux qui par conséquent sont allés, vont ou iront à contre-courant de cette mission mettent, inévitablement, à Dieu ne plaise, le pays en danger ! Nous devons tous nous interroger, serviteurs de l'Etat, partis politiques, mouvances citoyennes, en toute objectivité et en toute sincérité pour savoir si nous continuons de coller réellement aux aspirations populaires. Il serait peut-être bon de rappeler la revendication des Algériens, exprimée par le mouvement citoyen du 22 février 2019, pour une Algérie réellement démocratique, respectueuse de tous les droits, que l'ensemble des acteurs politiques, du pouvoir comme de l'opposition devrait en faire un credo. Djamel Bensmaïl, martyr de l'ignominie Un homme, un artiste, amoureux de la nature, et pétri d'humanisme, Djamel Bensmaïl a perdu la vie dans ce drame, victime de l'ignominie qui a endeuillé tout le pays, particulièrement sa famille. Son nom sera inscrit en lettres d'or au panthéon de l'histoire de notre pays. La population de Larbaâ-Nath-Irathen demeurera meurtrie, pour longtemps, par cette immense tragédie. Avant qu'il ne soit trop tard, l'heure est venue, pour nous tous, d'une réflexion profonde et d'un courage civique pour traduire les espérances et les ambitions légitimes d'un pays qui a tant souffert pour retrouver une indépendance nationale, une vie normale à l'aune de ce qui se passe dans le monde d'aujourd'hui, dans une formule nouvelle, dynamique et performante qui réponde à l'attente de cette masse de citoyens et de cette jeunesse angoissée mais disponible. Il faut souligner (ou reconnaître) que notre peuple, bien que contrarié par une campagne de haine, alimentée aux mamelles de l'anti-patriotisme, vient, encore une fois, donner l'image, ô combien réconfortante, de sa disponibilité et de son esprit de sacrifice pour soutenir une chaîne de solidarité en faveur des populations endeuillées par le déferlement de flammes et de suie qui étouffent toute vie dans ces zones sinistrées. Nous ne pouvons manifester que reconnaissance et déférence à la famille du martyr Djamel Bensmaïl, paix à son âme, la population de Khemis-Miliana, et aux sages de la ville martyrisée, Larbaâ-Nath-Irathen qui nous ont montré la voie de la raison et de la sagesse dont nous devons nous inspirer. Gloire à nos martyrs. K. Y.