L'affaire de l'assassinat de Djamel Bensmaïl enflamme la Toile au risque d'attiser le feu dans les cœurs, alors que le moment exige raison et retenue. Le crime abominable perpétré à Larbâa Nath Irathen hante le pays, mais surtout enflamme les esprits. Il est venu s'ajouter aux dizaines de victimes des incendies criminels qui ravagent la région. Il l'est de par la sauvagerie avec laquelle le jeune Djamel Bensmaïl a été tué. La dénonciation est unanime. La brutalité de l'acte a choqué les Algériens au plus haut point suscitant une indignation générale. Elle a aussi provoqué une levée de boucliers. Sur les réseaux sociaux, le discours haineux et les appels à la discorde surplombent ceux de la raison et de la retenue. La diffusion incessante des vidéos du meurtre alimente dangereusement la violence virtuelle qui a tout moment risque de devenir réelle. Aux feux brûlant les forêts se sont greffées les flammes qui attisent les cœurs. Fort heureusement, l'attitude hautement digne du père de la victime, Noureddine Bensmaïl a réussi à apaiser les esprits. La situation, en effet, et plus que jamais, recommande sagesse, retenue et discernement. Le calme et la sérénité sont les meilleurs alliés pour surmonter ce moment chargé d'inquiètude. L'urgence est de faire face rapidement à la proléfiration des appels aux représailles et à la vengeance qui pullulent sur la Toile. Des appels à la raison et à la retenue viennent, fort heureusement, appuyer celui du père du défunt Djamel. Digne, le père de la victime a vite coupé court à tous les flatteurs de bas instincts. Son appel a résonné aux quatre coins du pays. Les appels similaires se multiplient. Des citoyens de la ville d'Oran, dans un texte rendu public, estiment que "la fraternité tant prônée par le Hirak et ciment de l'unité nationale contre la hogra et l'exclusion, contre la corruption et la dilapidation des biens publics, vient de prendre un coup avec l'assassinat barbare du jeune Djamel Bensmaïl". Ils expliquent que "Djamel a été victime d'une haine inexplicable au plan humain, mais cultivée par un pouvoir divisionnaire, relayé par des appareils aux desseins inavoués." "Il a été victime de la démission d'un Etat qui a refusé de le protéger après un simple soupçon avéré sans fondement, le lâchant à la vindicte impopulaire d'autres jeunes Algériens qui l'ont brûlé vif sur la place de l'un des plus valeureux villages du pays." Invitant la justice à se saisir "de ce meurtre avec préméditation" aux fins "de punir les auteurs et complices de ce triste forfait", ils appellent "nos frères les citoyens de Larbaâ Nath Irathen à se démarquer de cet ignoble crime en dénonçant les criminels et à baptiser la place qui a servi de bûcher du nom de notre Djamel national". "(...) C'est là le signe du civisme dont se distinguent les habitants du fief d'Abane Ramdane, un autre martyr mort assassiné par ceux qu'il pensait être ses frères", ajoute le texte. Même réaction de la part d'autres intellectuels, militants et citoyens de divers horizons. Dans une déclaration rendue publique, ils se sont interrogés sur la situation que vit le pays. "Pourquoi plusieurs régions du pays, dont la Kabylie, brûlent-elles ? Pourquoi Djamel Bensmaïl a-t-il été horriblement assassiné ? Pourquoi les malades manquent-ils d'oxygène ? Pourquoi les robinets sont-ils secs ?... Combien de questions encore pourrions-nous poser pour nous insurger contre la crise que connaît l'Algérie ? Ces questions sont justifiées, mais elles ne sont pas opportunes", ont-ils écrit dans leur texte, estimant que les "citoyens anonymes, soldats, pompiers et gardes forestiers combattent le feu, mais plus encore, ils bâtissent un peuple solidaire. Ils créent du lien social et du sens. Ce peuple s'organise en réseaux. (...)". Plus loin, les rédacteurs de la déclaration ajoutent que "les Algériens ont réinvesti leur territoire. Ils ont brisé le régionalisme, le tribalisme et le âarouchisme. Ils ont mis de côté leurs différences, leurs croyances, leurs appartenances idéologiques. Les Algériens sont en train de se prouver à eux-mêmes et à tous les autres qu'ils sont capables de se prendre en charge. L'Etat rentier a vécu et avec lui la distribution des allocations pour louer la paix sociale. Un nouvel Etat social et solidaire est en train de naître". "La vengeance n'est pas la justice", soulignent-ils, ajoutant que "nous, Algériens, affirmons que cet acte ne doit en aucun cas servir de prétexte pour attiser les divisions, la haine et la vengeance" et "s'il est urgent de combattre le feu et ses auteurs, il est tout aussi urgent de barrer la route aux pyromanes de la sédition et de la division". Tayeb Mokaddem, ancien député et responsable politique, a également appelé au calme et à la retenue. Dans une déclaration rendue publique, hier, l'ex-député de Tizi Ouzou a estimé que les citoyennes et les citoyens doivent "rester lucides et vigilants" pour "faire face à toute tentative de déstabilisation émanant des ennemis de l'Algérie". De son côté, le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) a dénoncé dans un communiqué "les discours de haine et de fragmentation identitaire - adossée à un arsenal technologique - des plus adaptés, s'ils n'ont pas affecté la quasi-majorité de nos concitoyens, ils ont, néanmoins, contaminé les plus fragiles et les plus crédules". Le HCA a estimé que toutes ces pratiques "doivent être bannies et criminalisées".