Les autorités marocaines savaient dès le départ qu'elles avaient beaucoup plus à perdre qu'à gagner si d'aventure elles décidaient de surseoir au renouvellement du contrat de passage du gazoduc Maghreb-Europe. Contrat devant arriver à terme en octobre prochain. En fin de compte, sans que cela constitue vraiment une surprise, les toutes dernières déclarations émanant de personnes habilitées annoncent que le fameux contrat sera reconduit. La menace brandie par les autorités marocaines, parmi la panoplie des actes d'hostilité à l'encontre de l'Algérie puis de l'Espagne, n'a pas tenu longtemps. Agité comme une carte maîtresse dans la nouvelle guerre des nerfs qui oppose le royaume à deux de ses voisins immédiats, l'Algérie et l'Espagne, le renouvellement du contrat permettant au gazoduc Maghreb-Europe de transiter par les terres du royaume alaouite a été mis en avant vers la mi-mai dernière, lorsque des informations distillées à dessein à partir du Maroc soutenaient que les têtes pensantes de chez nos voisins de l'Ouest avaient convenu de mettre un terme à l'acheminement du gaz algérien du cœur du Sahara vers le sud de l'Europe en traversant le Maroc. Une publication comme l'espagnole El Confidencial mettait en avant, en plus des relations tendues entre l'Algérie et le Maroc «le conflit entre Madrid et Rabat (qui) a compliqué ce renouvellement». En effet, les autorités du Makhzen étaient à ce moment, au printemps dernier, dans tous leurs états après le transfert pour des soins en Espagne du Président sahraoui Ibrahim Ghali. Déjà entré dans une guerre qui ne dit pas son nom contre l'Algérie, le Maroc s'est retrouvé face à une adversité espagnole contre laquelle il n'a pas trouvé meilleure arme que la menace de lui couper ses approvisionnements en gaz naturel à travers le gazoduc Maghreb-Europe. Une menace qui, à vrai dire, n'avait pas de quoi inquiéter plus que cela les deux partenaires que sont l'Algérie et l'Espagne. En effet, comme le relevaient de nombreux experts notamment des questions traitant des hydrocarbures, dans cette histoire de non-renouvellement du contrat de passage du gazoduc Maghreb-Europe, ce sont les autorités marocaines qui auront le plus à perdre. En effet, le Maroc se retrouvera confronté à de grandes difficultés : il devra s'approvisionner pour près de la moitié de sa consommation de gaz dans un marché indexé sur le Brent, qui ne cesse d'augmenter, et sans le soutien de l'Espagne qui sera, elle, assurée d'être approvisionnée par l'Algérie à travers l'autre gazoduc desservant les deux pays : Medgaz. Celui-ci dont une extension entrera en service au quatrième trimestre prochain. L'expansion de Medgaz, qui a fait l'objet d'investissements de 90 millions de dollars, permettra d'augmenter la capacité de transport de 2 milliards m3/an, soit une augmentation de 25%, pour atteindre 10 milliards m3/an à partir du quatrième trimestre, selon Naturgy. Un investissement stratégique pour les deux parties qui permet aux deux pays partenaires de passer outre le genre de crise créée par le Maroc et offre à l'Espagne l'occasion de renforcer sa sécurité d'approvisionnement en gaz, puis à l'Algérie de maintenir intacte la relation commerciale qui la lie avec l'Espagne par ces temps où sévit une concurrence féroce sur le marché mondial du gaz et des «incertitudes de voisinage» dans la région. Finalement donc, cette menace de non-renouvellement du contrat de passage n'est qu'un feu de paille, la directrice générale de l'Office marocain des hydrocarbures et des mines (ONYHM), Amina Benkhadra, a affirmé que «le Maroc est pour le maintien du Gazoduc Maghreb Europe, dont le contrat arrive à terme le 31 octobre 2021». La directrice de l'ONHYM attestant même que le gazoduc Maghreb-Europe «est un formidable outil de coopération gagnant-gagnant et un exemple de projet régional structurant et mutuellement bénéfique». On en connaît, en Algérie et en Espagne, qui doivent bien afficher des sourires après cette spectaculaire volte-face. Azedine Maktour