Mohammed VI dirige-t-il encore son royaume ? À chaque intervention, le roi du Maroc sème des indices inquiétants sur l'état de son pays et sur sa capacité à gouverner. Le dernier en date, son discours du 20 août, où il démontre son décalage absolu par rapport à la réalité. Dans un discours monocorde, même apathique, Mohammed VI, dont on ne relève plus la troublante léthargie physique, s'en est pris à tout le monde : l'Union européenne, les ONG, les médias, ses voisins. Enfin, presque tout le monde, car, sagement, il n'a pas glissé un mot sur son encombrant allié du moment, Israël. Dans sa bouche, tout est complot et machinations contre le royaume. Le roi du Maroc dézingue à tout-va «certains pays et organisations notoirement hostiles», qu'il n'a même pas eu le courage de nommer à cause du scandale Pegasus. Le discours qui semble avoir été écrit par plusieurs marionnettistes de ses collaborateurs est un chef-d'œuvre de fuite en avant, de déni de la réalité et de contre-vérités. Notamment dans sa partie économique relative au gaz algérien. En effet, M6 indique que «quelques pays, notamment des pays européens comptant, paradoxalement, parmi les partenaires traditionnels du Maroc, craignent pour leurs intérêts économiques, leurs marchés et leurs sphères d'influence dans la région maghrébine». Le message est adressé aux Espagnols, qui lui ont rendu la monnaie de sa pièce dans l'affaire Brahim Ghali et le morbide lâcher des enfants dans la mer Méditerranée. Il est également adressé à ses alliés historiques français, dont toute la sphère médiatico-politique a été espionnée par les services marocains, sans réaction jusqu'à maintenant du côté de Paris. Mais le message s'adresse aussi à l'Algérie, avec des insinuations sur son influence dans l'affaire du gaz. Si le roi du Maroc est en droit de vendre la chimère de l'influence régionale à ses sujets, il n'en demeure pas moins que ses assertions sur la reconduction du contrat au 31 octobre prochain avec l'Algérie est un pur fantasme. Car aucune décision de reconduction n'a été prise. Le mensonge royal omet le fait que si reconduction il y a, elle doit impérativement obtenir l'aval de la partie algérienne. Pour rappel, ce gazoduc alimente uniquement le Maroc par le gaz algérien avec, actuellement, 900 000 mètres cubes par an. Or, Mohammed VI, qui y va au bluff, veut contraindre l'Algérie à augmenter ce quota afin que ses usines et ses installations industrielles dépendant du gaz algérien ne subissent pas de plein fouet un arrêt des approvisionnements. En adoptant la posture de «victime» de machinations, dont celles de son voisin de l'Est, Mohammed VI veut rassurer les investisseurs marocains et étrangers avec du gaz qui ne lui appartient pas. Comme il veut faire passer un signal à Madrid, que l'Espagne dépend du bon vouloir énergétique marocain, alors que Rabat est payé par l'Algérie avec un tarif en gaz. Un argumentaire erroné et pathétique qui en dit long sur la douce dérive de la Monarchie. Mokhtar Benzaki