Après le gaz naturel, la fermeture de l'espace aérien et le bouclage hermétique de sa frontière nord-ouest, l'Algérie pourrait prendre de nouvelles mesures contre le Maroc dans le sillage de la rupture de ses relations avec son voisin. Des mesures qui pourraient être politiques et économiques. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Alger dispose d'une panoplie de mesures restrictives à l'encontre du Maroc. C'est ce qu'a laissé entendre Amar Belani, envoyé spécial chargé de la question du Sahara Occidental et des pays du Maghreb arabe, lors d'une interview accordée vendredi 24 septembre à l'agence Reuters. « L'adoption de mesures supplémentaires ne peut être exclue», a déclaré le diplomate algérien en indiquant que «l'Algérie fera preuve d'une extrême vigilance et d'une fermeté absolue pour la protection de son territoire national». Suite à l'annonce officielle de la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, le gouvernement algérien a pris des mesures essentiellement économiques. La première a été le refus de reconduire le contrat de livraison de gaz naturel à travers le gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui arrive à terme le 31 octobre 2021. Ce gazoduc qui traverse le Maroc pour alimenter l'Espagne permet à Rabat de produire une part importante de son électricité et d'alimenter son industrie et certaines agglomérations en gaz naturel. La seconde mesure a été annoncée mercredi 22 septembre 2021 au terme d'une réunion du Haut Conseil de sécurité présidée par Abdelmadjid Tebboune et concerne la fermeture immédiate de l'espace aérien algérien à tous les aéronefs civils et militaires marocains ainsi qu'à ceux qui portent un numéro d'immatriculation marocain. Le Maroc étant enclavé à l'extrême nord-ouest du continent africain, les avions de sa compagnie nationale sont tenus de traverser le ciel algérien pour atteindre de nombreuses destinations. Cela est notamment valable pour les autres pays du Maghreb, pour le Moyen-Orient mais aussi pour certaines villes d'Afrique de l'Ouest. La Royal Air Maroc, qui est une compagnie essentiellement africaine, va subir les contrecoups financiers de cette interdiction en termes de consommation de carburant et de taxes de survol d'espaces aériens d'autres Etats lors des contournements. Dans le registre de la souveraineté territoriale, Alger a décidé de bloquer la route marocaine numéro 10 qui relie les villes de Bouarfa à celle d'Agadir. Construite durant la colonisation française, cette voie stratégique a toujours empiété sur une partie du territoire algérien dans la wilaya de Béchar. Jeudi 23 septembre, une unité du Groupement des gardes-frontières (GGF) a été chargée de fermer l'accès à cette route. Cette action des autorités algériennes est un acte de souveraineté qui n'a, d'ailleurs, pas été remis en cause par la partie marocaine. Elle intervient dans le sillage de l'affaire de l'oasis d'El Arja, près de Beni-Ouenif, une localité où des agriculteurs marocains exploitaient des parcelles de terre. Leur présence a longtemps été tolérée par l'Algérie jusqu'au mois de mars 2021 lorsque l'ordre leur a été donné de quitter les lieux. Là encore, le Makhzen n'a rien eu à redire sur cette mesure malgré un battage de tous les médias du royaume. Visiblement, Alger ne compte pas en rester là et devrait décocher des mesures coercitives à mesure que le Maroc - soutenu par son allié israélien - poursuivra sa politique d'escalade. Une des cartes maîtresses est certainement l'énergie électrique. À partir du début du mois d'octobre, le Maroc devrait subir une forte baisse de sa production en électricité due à l'absence d'alimentation en gaz naturel. Il s'avère que l'Algérie transfère son surplus d'énergie électrique vers ses voisins dans le cadre du Comité maghrébin de l'électricité (Comelec), une instance dont la création remonte à 1974. Alger pourrait mettre un terme de manière unilatérale à son transfert d'électricité vers son voisin de l'Ouest. Bien sûr, le Maroc pourrait se tourner vers l'Espagne pour importer de l'électricité puisque les deux pays sont connectés. Sauf que les conditions de vente imposées par Madrid seront certainement plus coûteuses. D'un autre côté, le gouvernement algérien pourrait décider de ne plus siéger au sein d'instances multilatérales dans lesquelles les deux pays sont représentés. C'est là encore une décision souveraine. Enfin, Alger dispose de la légitimité d'imposer un visa à certaines catégories de ressortissants marocains. Par ailleurs, les services de sécurité algériens exercent une forte pression sur le plan du narcotrafic, empêchant depuis plusieurs mois le Makhzen de bénéficier d'une importante rente financière provenant de la vente de cannabis. Une chose est sûre, Rabat devra s'attendre à des réactions immédiates d'Alger en cas d'escalade. T. H.