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Migrations subsahariennes : gérer avec le cœur et la raison !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 09 - 2021

Sur un canard en ligne, un sociologue algérien, complotiste en diable, a développé récemment une hallucinante thèse raciste sur une supposée guerre migratoire contre l'Algérie ! Et il en parlait benoîtement comme d'une invasion de criquets pèlerins ! Saperlipopette comme se serait écrié un célèbre personnage de BD de notre enfance !
Ce délirium tremens ségrégationniste, habillé de sociologisme, ne diffère en rien de la sempiternelle expression de négrophobie et de racisme hideux sur les réseaux sociaux et dans une partie de la presse, arabophone et francophone sans distinction. À l'opposé, et fort heureusement, des pouvoirs publics qui ont eu à exprimer leur attachement aux valeurs humanitaires et aux principes de solidarité, d'entraide et de fraternité bien algériens avec les migrants subsahariens. Le gouvernement, dirigé en 2017 par M. Abdelmadjid Tebboune, avait notamment annoncé l'élaboration d'un fichier des réfugiés et l'évaluation de leur situation globale en vue d'une prise en charge humaine et efficiente. Il avait donc laissé parler le cœur et la raison à la fois.
Les vagues de racisme abject contre les ressortissants venus du Sahel, d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Ouest sont récurrentes. Elles inquiètent et laissent même craindre le pire. C'est-à-dire des agressions physiques, voire des expéditions punitives, contre des migrants clandestins de plus en plus visibles dans l'espace public à travers le pays, et particulièrement dans la capitale et sa périphérie. Le pire est d'autant plus à redouter que ces vagues sont suscitées par des mains invisibles sur Facebook et Twitter. Sans doute par des professionnels de la haine, relayés par des sites interlopes qui diffusent, à grande échelle et de manière quasi cyclique, des «fakes» particulièrement toxiques annonçant des assassinats de ressortissants d'Afrique noire, et, dans certains cas, de mini-pogroms ! Campagnes favorisées aussi par des pros de la déstabilisation politique et de la guerre cybernétique. On a même vu des sites électroniques marocains reprendre abondamment des fakes de sites africains suspects, en donnant largement la parole à des internautes de leur pays pour mieux amplifier l'idée que les Algériens sont foncièrement un peuple raciste !
Cette manière d'accentuer l'effet de loupe vise à renforcer le sentiment d'exaspération chez certains Algériens, racistes ou pas, pour mieux les inciter au passage à l'acte agressif contre les migrants subsahariens. Fort heureusement, on n'a pas enregistré jusqu'ici d'actes assez graves, hormis, d'une manière générale, de banales ou de violentes réactions verbales racistes entendues dans l'espace et les transports publics, ainsi que sur les réseaux sociaux. En revanche, on a noté que l'écrasante majorité de nos compatriotes se montrait digne, parfois réservée ou même indifférente. Parfois sur la défensive, il est vrai, mais le plus souvent calme, bien disposée et, dans beaucoup de cas, solidaire et généreuse par la parole et par l'acte.
Ceci dit, le racisme existe, et il s'exprime de différentes façons, il ne faut pas le nier. L'existence d'un racisme latent ou manifeste, qui caractérise une partie de la population, en particulier certains jeunes, incite plus que jamais à appréhender le problème avec le cœur et la raison, nous ne le répéterons jamais assez. La mémoire collective des affres de la colonisation est encore assez vivace et les Algériens sont eux-mêmes victimes du racisme à l'étranger pour devenir racistes eux-mêmes, quelle qu'en soit la proportion. L'effet de loupe amplifié par les médias et l'internet doit être combattu, à grande échelle et au quotidien, par la force de la loi et par le biais de la solidarité nationale nourrie par la générosité traditionnelle des Algériens. Donc, comme s'y orientait en 2017 le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune, il faudrait évaluer aujourd'hui, avec précision, la situation humanitaire des réfugiés subsahariens et les recenser avec la rigueur extrême. Donc, identifier pour mieux agir, pour mieux aider. Et, en même temps, pour utiliser cette immigration comme un atout économique et social. Oui, comme un avantage indéniable, car ces migrants clandestins pourraient être bénéfiques pour un pays qui a tant besoin d'une certaine main-d'œuvre, surtout de main-d'œuvre qualifiée dans les secteurs du BTP et de l'agriculture où la force de travail locale est insuffisante ou fait défaut tout simplement.
Cette approche humanitaire et pragmatique n'exclut pas pour autant une démarche sécuritaire du problème. Bien entendu, une immigration clandestine laissée dans la marge et l'opacité, c'est-à-dire non maîtrisée, risque fortement d'être un terreau fertile pour le banditisme et surtout le terrorisme. Les forces du mal, représentées par les groupes terroristes et certaines forces de l'ombre ayant un intérêt évident à provoquer les scénarios libyen ou syrien en Algérie, pourraient y trouver les recrues nécessaires et en nombre suffisant. Des attentats terroristes perpétrés par les éléments les plus fragiles ne sont absolument pas à exclure. Il ne faut donc pas l'oublier, une immigration clandestine non identifiée, livrée à elle-même dans la nature, est un vrai cauchemar pour nos services de sécurité qui ont déjà fort à faire dans la lutte contre le terrorisme à l'intérieur du pays et à tout type de menaces tactiques et stratégiques à nos vastes frontières.
C'est évident, il faudrait donc guérir et prévenir. La question des migrations est un sujet sensible au plus haut point et une préoccupation de premier plan. L'émotion, en premier lieu les réactions racistes suscitées par la situation de crise actuelle ne doit cependant pas faire oublier les enjeux de long terme. Seule une approche précise et objective des phénomènes de mobilité permettrait l'émergence de la politique migratoire pertinente dont le pays a tant besoin. Cette politique débute par le travail de collecte, d'analyse et de diffusion de données rigoureuses et objectives sur les migrations. En somme, commencer déjà par faire pour l'immigration subsaharienne ce qui a été déjà fait pour les réfugiés syriens et palestiniens qui sont globalement identifiés, organisés et intégrés.
N. K.


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