Je suis un lecteur d�Ahmed Cheniki. Je ne rate jamais ses textes publi�s dans la presse. Je trouve son engagement dans le d�bat public courageux m�me quand - et c�est le cas en ce qui concerne la contribution � laquelle je r�agis ici - cela trahit ses arri�re-pens�es. Il pr�f�re �crire ce qu�il pense. Les contributions ant�rieures d�Ahmed Cheniki ne manquaient pas de clart�. Ce faisant, elles �clairent certains termes d�un d�bat pas toujours limpide. Par le Dr Omar Tibourtine J�ai lu avec un int�r�t particulier ses r�flexions sur la question amazighe. Et du coup, je trouve inqui�tante sa contribution publi�e dans Le Soir d�Alg�rie du 18/09/2010. Si inqui�tante que je me permets de r�agir m�me si je ne poss�de peut-�tre pas � ses yeux la l�gitimit� et le savoir de ces intellectuels dont il d�plore l�absence dans le d�bat et que, soit dit en passant, personne n�interdit de publication � ce que je sache. Pour ma part, si une l�gitimit� est n�cessaire pour que je m�exprime, je la tirerai du droit que nous avons en tant que citoyens de nous exprimer sur les questions qui nous concernent. Je fais partie de ce magma indistinct accabl� de ce vocable de �tout le monde�, autant dire �elghachi men ouala� opposable au brainstorming, unique producteur, consommateur et d�tenteur de v�rit�. Ce qui m�a d�embl�e inqui�t� dans cette contribution, c�est la posture suffisante, le pathos cod�, le ton magistral, la vision en plong�e. Je me suis dit qu�il faut �tre plac� bien haut dans l�Olympe du savoir pour se permettre de renvoyer avec une telle l�g�ret�, en une sym�trie insupportable, ce qu�il nomme extr�mismes. Dans l�absolu, bien s�r, il est juste de renvoyer dos � dos les extr�mismes. Mais classer dans la m�me cat�gorie int�griste les revendications d�mocratiques et culturelles du printemps 1980 et les diktats univoques des ba�thistes, c�est fort de caf�. Surtout quand on se targue, comme le fait Ahmed Cheniki, de scientisme. Il eut fallu relire les textes de 1980. Le professeur se serait aper�u que la revendication d�mocratique occupe une place primordiale dans ces textes. Peut-�tre, dans sa h�te de g�n�raliser, voulait- il parler de cet oxymore qu�est �l�int�grisme de la d�mocratie�. Mon inqui�tude est nourrie aussi de la convocation compulsive de tout un appareil conceptuel de citations pour habiller un �pouvantail restant malgr� tout d�une cruelle nudit�. Rien ne peut camoufler un anti-kabylisme primaire. D�sol� mais �a n�a pas d�autre nom ! Tant de circonlocutions pour �a ! Mais allons dans le texte lui-m�me. D�abord, on s�aper�oit tr�s vite qu�en guise de nouvelle contribution, ce texte n�est que le recyclage, adapt� � la bonne cause, d�un article publi� par le quotidien L�expression du 19 mai 2007. Ressortir du grenier ce genre d�outils prouve que le d�bat est p�renne et que Cheniki pense toujours la m�me chose depuis trois ans. Une variante cependant. Si dans la version de 2007, le mot �kabyle� n�est utilis� qu�une seule et unique fois, il fait flores dans celle de 2010. La radicalisation anti-kabyle est perceptible dans cette transposition du mot berb�re par le mot kabyle. Ahmed Cheniki a par ailleurs actualis� son propos pour voler, bon samaritain, au secours de Ali El- Kenz. Qu�importe que ce dernier n�ait pas besoin d�aide car personne ne l�attaque. Dans tous les cas, Ahmed Cheniki observe que l'une des difficult�s pr�sent�es par l'enseignement de tamazight r�side dans la diversit� des parlers locaux. Comme si cette diversit� �tait un handicap au lieu d'�tre une richesse. La proposition d�El-Kenz de transcrire tamazight en alphabet arabe a suscit� un d�bat et c��tait souhaitable et normal. Ce qui ne l�est pas, c'est que Cheniki voit dans les r�actions aux affirmations d�El-Kenz une �lev�e de boucliers �. Dr�le de conception du d�bat que cette propension � voir dans des r�actions utiles au d�bat quelque chose d�hostile. Pour que le d�bat s�accomplisse, si je comprends bien, il eut fallu qu�El-Kenz ne re�oive aucune r�ponse � sa proposition. Que celle-ci soit un diktat, par d�finition indiscutable ! Pour qu�il n�y ait pas de lev�e de boucliers, il eut fallu que le dialogue rest�t un monologue. Ce qu�il a �t� pendant tr�s longtemps. De surcro�t, la g�n�reuse aide de Cheniki � Ali El-Kenz, qui n�en demandait peut-�tre pas tant, fait partie de ces cadeaux empoisonn�s qu�on re�oit sans les demander. Pour avoir raison, Cheniki pr�te � El-Kenz des propos introuvables dans son texte. L� o� El-Kenz parle de langue amazighe, Cheniki, lui, r�duit � langue kabyle, une fa�on de r�duire � un probl�me de r�gionalisme un probl�me national. Le proc�d� est moins astucieux que perfide. Le mot r�gionalisme sonne comme quelque chose de p�joratif chez les Alg�riens. De plus, on ne sait pas toujours de quoi parle Ahmed Cheniki. Un coup, il qualifie de langue le kabyle, un autre de dialecte. Etrange approximation pour un universitaire ! Dans tous les cas, Ahmed Cheniki observe que l'une des difficult�s pr�sent�es par l'enseignement de tamazight r�side dans la diversit� des parlers locaux. Comme si cette diversit� �tait un handicap au lieu d'�tre une richesse. La m�me diversit� caract�rise l'arabe, ce qui ne l'emp�che pas d'�tre enseign� dans une version unifi�e. Il y a des langues arabes : l�arabe classique, arabe litt�raire, arabe litt�ral, arabe standard, arabe moyen, arabe m�dian, arabe interm�diaire, arabe moderne, arabe dialectal, arabe maghr�bin, arabe oriental, enseign�es, toutes, dans les bonnes universit�s ! Le glissement s�mantique n�est pas pour rassurer. Il met une sym�trie quasi maladive entre les diff�rents protagonistes, soit le pouvoir avec ses moyens et ses relais devenus traditionnels d�un c�t� et les quelques associations de d�fense des droits d�mocratiques de l�autre, qui n�ont de moyens que leur militantisme. N'est-ce pas inqui�tant de renvoyer �dos � dos� la revendication identitaire amazighe et l�arabisation forcen�e qui ne rel�ve que du souci de l�amarrage id�ologique de notre peuple � un espace g�opolitique et culturel auquel il n�adh�re pas naturellement ? Nous n�avons pour preuve que l��chec maintes fois constat� et apr�s une entreprise de plus de 48 ans, sans aucune contrainte et avec les moyens que tout le monde conna�t ! Etablir une sym�trie entre une revendication culturelle d�mocratique et le diktat d'un pouvoir autoritaire est pour le moins injuste. Dans le m�me registre, nous relevons l�euph�misme � propos des d�clarations de Tahar Ouettar, apr�s l�assassinat de Tahar Djaout. Ahmed Cheniki qualifie de �d�clarations d�plaisantes�, ce qui est fondamentalement tr�s grave et plus, au regard de la conjoncture. C'est une faute de go�t ! Par ailleurs, Ahmed Cheniki trouve que Abdelkader Hadjar et Othmane Sa�di (qui ne s�expriment sur notre sujet qu�en termes injurieux et d�un autre �ge) sont aussi neutralis�s que leurs contradicteurs ? Il me para�t utile de rafra�chir la m�moire des lecteurs afin d�appr�cier � leur juste valeur les termes utilis�s par deux ambassadeurs de notre R�publique ! Jugez-en : �Envahi par l�arabe de tous les c�t�s, l�Alg�rien se trouvera oblig� de s�arabiser de lui-m�me, ou alors il se sentirait effectivement �tranger dans son propre pays - Abdelkader Hadjar, El Moudjahid, 6/11/1973.� Quant aux d�clarations de Othmane Sa�di, il m�est impossible de les relater tant elles foisonnent. A l�abolition du discernement par le recours � la sym�trie, � l�euph�misme comme m�thode pour �mousser les asp�rit�s du discours des anti-berb�res primaires, vous concluez votre contribution par une �proposition� qui fait appel � la proc�dure r�f�rendaire ! Le mot est l�ch�. La probit� est mise � mal. La supercherie conclut votre �contribution �. Notre d�ception suit ! Je pense que le caract�re le plus normatif pour l'�criture de tamazight est le caract�re latin. Dans tous les segments de la vie active et � l��chelle universelle, il est celui qui sied le mieux, aujourd�hui, � notre langue amazighe pour son int�gration, son �panouissement et sa transmission en dehors des champs id�ologiques.