Respecté, craint, garant de la propreté de l'espace commun, le concierge d'immeuble représentait l'image vivante d'un immeuble ou d'une cité. Force est de constater que son métier est en voie d'extinction. Et pourtant, son inexistence ou sa disparition a provoqué une déchéance lente, mais réelle, des immeubles et autres propriétés collectives. Et pourtant, tout un arsenal juridique existe, mais qui reste à moderniser. Les habitants des immeubles s'organisent entre eux pour disposer d'un espace commun propre. «Il y a eu une femme d'un certain âge qui s'est présentée dans la cité ; elle a fait le tour des immeubles en demandant, à qui cela intéresse, qu'elle nettoie régulièrement les escaliers et les cages d'immeuble. Nous avons opté pour cette solution un peu bancale, mais c'est mieux que rien», a rapporté Nawel, résidant dans une cité OPGI à Draria. C'est le même son de cloche dans plusieurs cités. «Nous n'avons pas la culture de la conciergerie même si certains comités de quartier essaient de s'organiser pour garder calme, propreté et sérénité, mais rien ne vaut une conciergerie en bonne et due forme.» Pourtant, jusqu'aux années 1980, les immeubles de la capitale et des grandes villes du pays étaient l'exemple à prendre en matière d'hygiène et de gestion des locataires quant au bon voisinage et au respect des règles imposées par les concierges. «Dans notre immeuble, à Belcourt, je me rappelle, dans mon enfance, le concierge veillait de près comme de loin à la salubrité des parties communes des bâtisses. Il faisait respecter l'horaire de sortie des poubelles ou encore le remplacement des ampoules ou des miroirs. Il était craint et respecté. La nuit venue, si un indélicat rentrait tard, il devait faire très attention à ne pas le réveiller pour ne pas ameuter les voisins et éviter des scènes colériques. À sa mort, comme il n'a pas été remplacé, l'immeuble, petit à petit, a versé dans la déchéance, comme tout le quartier d'ailleurs», raconte, avec nostalgie, Mouloud, un sexagénaire. Dès l'indépendance, la gestion des bâtiments a été attribuée aux services des biens vacants, ensuite aux Offices de promotion et de gestion immobilières (OPGI). Leur gestion dépendait d'un syndic d'immeuble et d'une conciergerie. Cependant, avec la cession des «biens de l'Etat», au début des années 80, l'entretien de ces immeubles a commencé à se détériorer. Les concierges, de leur côté, ont abandonné leur métier et la relève n'a pas été assurée. SOS concierge Les désormais propriétaires d'appartement estiment qu'ils ne sont plus obligés de gérer les parties communes. «Chacun pour soi. C'est un mélange d'égoïsme, de je-m'en-foutisme et d'économies de bouts de chandelles. Même si nous demandons à nos voisins de cotiser à raison de 50 dinars par mois, certains d'entre eux estiment que c'est cher. Il y a un déni total de responsabilité commune. Les habitants ne savent que rejeter la faute sur autrui ou bien sur l'Etat. C'est tellement plus facile», déplore Nawel, la quarantaine, vivant dans une cité à Kouba. Et d'ajouter : «Pourtant, il suffit de payer une personne qui pourra s'occuper de tout pour assurer une certaine sécurité. Nous sommes en plein cœur de la capitale, nous ne pouvons pas nous organiser pour encourager au moins un concierge. Je suis jalouse quand je vois les autres cités décider, d'un commun accord, de recruter une personne qui joue le rôle de gardien et de concierge.» Ce sont des cités qui font preuve d'exception. En effet, les Algériens estiment que la vie de cité ne les concerne pas. Safar Zitoun Madani, dans Confluences Méditerranée, sous le titre : «Le logement en Algérie : programmes, enjeux et tensions», explique que «la quasi-totalité des nouveaux copropriétaires, à quelques exceptions près, semblent, comme par un accord tacite, s'être entendus pour ne pas s'organiser en ce sens, laissant à l'Etat le rôle ingrat de responsable de la gestion et de l'entretien des parties communes». C'est pour cela que le métier de concierge est à réhabiliter même si sa «réinvention» a été tentée par les pouvoirs publics par le biais de la formule AADL. Sur le site internet de ce gestionnaire immobilier, il est noté que le gardien d'immeuble est chargé de moult tâches ou merveilles ; il est noté 30 missions dans la fiche de poste de ce gardien d'immeuble. Cela va de l'obligation de veiller au libre fonctionnement des accès principaux et secondaires de l'immeuble, à sa propreté jusqu'à la participation aux opérations hebdomadaires d'entretien des parties communes de première catégorie (celles affectées à l'usage de l'ensemble des copropriétaires, notamment les terrains à usage de parking ou de jardin, les cours et les voies d'accès, les réseaux d'égouts, les canalisations d'écoulement des eaux, ainsi que les équipements des stations de pompage d'eau desservant les groupes de bâtiments et les ouvrages d'intérêt général à usage commun de tous les bâtiments, jusqu'aux opérations d'assainissement et de reboisement programmées de la cité. Mais force est de constater que même si les occupants s'acquittent toujours de leur quote-part, les immeubles sont à l'abandon du fait que, après que les concierges ont régularisé leur situation de propriétaires de logement, les immeubles ne sont plus entretenus. Un arsenal juridique à moderniser Même topo du côté des promotions immobilières privées. En effet, le décret exécutif n°14-99 du 4 mars 2014, fixant les modalités de règlement de copropriété applicable en matière de promotion immobilière, est à moderniser, notamment la loi 11-04 relative à la promotion immobilière. Les experts proposent d'amender cette loi pour combler le vide juridique lors du retrait de l'agrément du promoteur immobilier pendant les deux années de gestion immobilière obligatoire et permettre ainsi au promoteur de gérer la copropriété indépendamment de l'état de son agrément, afin de garantir le bon fonctionnement en continuant à gérer la copropriété. Il a été recommandé également de conférer aux promoteurs immobiliers le statut d'administrateur de biens ou de leur faire obligation de sous-traiter la gestion avec un professionnel agréé. Enfin, il a été proposé de revoir ladite loi pour que la période de gestion de copropriété incombant au promoteur soit effective dès l'installation de l'assemblée générale des copropriétaires. Sarah Raymouch