Il paraît que le Sénat, alias le Conseil de la Nation, va enquêter sur cette histoire d'huile et de lait. Si vous ne faites pas partie des gens qui appellent un chat un chat, vous pouvez remplacer le lait et l'huile par «les produits de large consommation». Vous obtiendrez dans la foulée des mots aussi vieux et ringards que Salah Goudjil, le frais émoulu président de l'auguste institution et, des fois que vous l'auriez oublié, deuxième personnage de l'Etat dans l'ordre protocolaire. C'est-à-dire un truc dont vous vous moquez comme de votre dernière chemise. Ce n'est d'ailleurs pas l'unique machin qui ne vous dit rien, dans cette histoire. Avant de parler de l'enquête donc, essayons de parler d'abord du Sénat. Il serait intéressant de savoir dans quelles proportions les Algériens savent ce que c'est. On ne sait pas combien ne savent pas mais ils doivent être majoritaires, selon les calculs de la logique et le bon sens. Comme c'est parfois la minorité qui fait l'événement et c'est le cas, on va donc s'attarder plus sur ceux qui savent. Parmi eux, il y a les plus perspicaces qui ne se posent jamais de questions. Ceux-là vous expédieront l'affaire en deux mots et un mouvement : c'est tout le Parlement qui ne sert rien. Mal élu, sinon pas élu du tout, il est un appendice comme un autre du système. Il y a ceux qui croient plus ou moins aux institutions mais ne voient pas l'utilité pratique d'un «conseil», chichement budgétivore qui plus est. Il y a enfin ceux qui posent cette question, ou plutôt ce... commentaire : comment des sénateurs désignés par le chef de l'Etat peuvent-ils être libres de leur parole et de leur action ? Maintenant, venons-en aux «enquêtes». Tout n'est peut-être pas dans les guillemets mais ça permet quand même de bien introduire le sujet. Passons sur les formules de dérision, les sarcasmes, les haussements d'épaules entendus et les petits sourires qui se passent de commentaires à chaque fois qu'une «enquête est ouverte». Disons seulement ceci : déjà que les résultats n'ont pas été brillants - pour rester sobre dans le choix des mots - quand les enquêtes ont été confiées à des entités ou des personnalités qui ont quelque crédibilité. Le Sénat, vous avez dit le Sénat ? Sérieux... Terminons maintenant avec le lait et l'huile, à moins qu'entre-temps, vous n'ayez choisi d'appeler un chat un chien. Comme pour l'autre question, il y en a qui ne s'encombrent pas de... questions. La formule est en décomposition organique mais ils n'ont pas encore trouvé mieux pour y renoncer : il n'y a pas de problème de produits alimentaires, c'est juste pour détourner les Algériens de la contestation politique. C'est bon. Il y en a pour qui seule compte leur grille de lecture et ses implications : voilà enfin les questions essentielles. Les choses sérieuses commencent. Comment ? Et vous avez les... sénateurs de la commission d'enquête qui ont déjà entamé leur travail. Vous savez où ? Dans les «wilayas frontalières», si vous voyez ce qu'ils veulent - déjà - vous dire ! S. L.