Si elle ne constitue pas une bonne nouvelle pour le personnel de santé qui subit une grande pression au niveau des structures hospitalières, la déferlante de l'Omicron constituerait l'occasion d'atteindre enfin l'immunité collective tant espérée face au Covid-19. Si l'hypothèse enthousiasme certains spécialistes, d'autres préfèrent relativiser. C'est le cas du président de la Société algérienne d'infectiologie pour qui la stratégie du «laisser-faire» a un prix trop élevé en raison des complications observées chez certaines personnes, de la saturation des structures de santé mais aussi de la très forte contagion auprès du personnel de la santé. L'immunité collective, assure le Dr Mohamed Yousfi, reste tributaire de la vaccination. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - La grande circulation du variant Omicron avec la multiplication des cas de contamination que cela occasionne ne serait pas une si mauvaise nouvelle. Une hypothèse, selon laquelle l'immunité collective pourrait être atteinte à l'issue de cette vague fait de plus en plus d'adeptes. L'Agence européenne des médicaments avait montré la voie à travers son chef de la stratégie vaccinale qui assurait qu'«avec l'augmentation de l'immunité dans la population - et avec Omicron, il y aura beaucoup d'immunité naturelle en plus de la vaccination - nous avancerons rapidement vers un scénario qui sera plus proche de l'endémicité». En d'autres termes, plus le nombre de contaminations est élevé, plus le nombre de personnes naturellement immunisées devient élevé, forçant ainsi le virus à devenir endémique avec pour caractéristiques, plus de stabilité dans le nombre de contaminés, plus de pics et donc de moins en moins de contaminations. Ce scénario peut-il se produire chez nous ? A cette question, le président de la Société algérienne d'infectiologie (SAI) répond que «personne n'a validé la thèse du laisser-faire», expliquant qu'«il faudrait d'abord qu'il y ait beaucoup de malades atteints et que la vaccination avance parce que pour atteindre l'immunité collective, il faut avoir au moins 80% de la population immunisée puisque maintenant on prend en compte les enfants. Cela suppose qu'ils soient immunisés soit par la maladie soit par la vaccination. Il faut savoir que la maladie n'immunise pas autant que la vaccination sauf si l'immunité est boostée trois mois après par la vaccination mais la maladie elle-même confère une immunité qui, au bout de trois mois, commence à diminuer». Le Dr Mohamed Yousfi ajoute qu'«ailleurs, dans les autres pays avec une vaccination qui atteint les 70% ou 80% et un grand nombre de personnes contaminées, automatiquement, ils pourraient arriver à cette immunité collective. Le bénéfice de l'immunité collective ne se fait néanmoins pas tout de suite : il faut du temps». Un scénario qui ne risque pas de se produire chez nous, pour plusieurs raisons mais qui, en plus, comporte des risques. Le Dr Yousfi explique, en effet, qu'«il faut beaucoup de temps et autant de risques parce qu'il ne faut pas oublier que l'Omicron, même si on dit que ses symptômes sont moins graves, il peut donner des formes sévères chez des sujets âgés ou immunodéprimés. Donc le prix à payer est important. Pour toutes ces raisons, l'idée qui circule selon laquelle il faut laisser les choses se faire n'est pas bonne. Même les pays où la vaccination est importante ne l'ont pas fait». Pour quelles raisons ? «Parce qu'on ne peut pas accepter les drames au niveau des malades mais aussi la saturation au niveau des hôpitaux et c'est ce qui est en train d'arriver en ce moment. Quand le virus est aussi contagieux et que les mesures barrières ne sont pas respectées et que la vaccination est faible, il y a un rush et une explosion des cas avec une pression énorme sur les consultations et les urgences. Si les personnes étaient vaccinées, elles auraient des petits symptômes et n'arriveraient pas en consultation. Mais, là, sans vaccination et avec la panique, ils viennent en masse et créent une pression sur les services. Plus grave encore, la contamination du personnel de la santé qui lui-même est peu vacciné. On a demandé depuis longtemps l'obligation de la vaccination du personnel de la santé mais le ministère de la Santé n'a pas pris cela en compte. Résultat : c'est une hécatombe chez le personnel de la santé qui ne fait pas des formes graves mais dont l'état nécessite un isolement de 10 jours et on se retrouve avec des services désertés ». La question avait également été posée au Dr Derrar, directeur de l'Institut Pasteur d'Algérie, qui a répondu que «ces hypothèses avancées par les scientifiques sont peut-être possibles, mais à condition que les taux de couverture vaccinale soient élevés, auxquels s'ajoutera une capacité de défense post-infectieuse qui renforcera cette immunité. Ce qui pourrait être suffisant pour prévenir les formes graves de la maladie et qu'il va falloir renforcer avec des rappels pour maintenir un niveau d'immunité important et continuer à respecter certaines mesures sanitaires en cas de vague». Des avis qui balayent d'un revers de main une hypothèse très en vogue en ce moment. N. I.