Plus que toutes les éditions passées, celle-ci a consacré quelques énormités -algériennes - dont il sera difficile de revenir. Journalistes sportifs, commentateurs et consultants parlent quasiment de la même voix maintenant pour exprimer des horreurs qu'on ne savait pas si proches de la banalisation. Sinon, on a peut-être été plus loin que ça : désormais, c'est carrément de bon ton, inspiré et qui sait, génial, de faire ainsi le... tri : à la Coupe d'Afrique des Nations, il y a les... Africains et les Arabes ! C'est encore plus grave quand on en saisit l'arrière-pensée et, du coup, appeler les choses par leur nom, tellement les conclusions sont évidentes. Ou on soutient que les Nord-Africains sont des Arabes pour ne pas dire qu'ils sont des... Blancs, ou alors on suggère que les «autres» sont des Africains parce qu'on n'ose pas encore - allez savoir pourquoi d'ailleurs, puisqu'on en est là - dire qu'ils sont... noirs ! Il est difficile de savoir ce qui est le plus grave, tellement ça émane de la même matrice, le reste relevant juste des choix de forme et de formulation. Depuis que toute l'Afrique hors «Maghreb» est devenue la... jungle (adghal ifriqia) dans la bouche des plus célèbres et des plus populaires commentateurs du foot et accessoirement d'autres sports, on a eu le temps de passer allégrement aux choses sérieuses. L'Algérie - arabe, bien évidemment - éliminée d'une compétition ? Il faut, sans autre forme de procès, se ranger derrière une sélection arabe encore en lice. En Algérie, on peut être fan du Brésil, du Portugal ou de l'Espagne, jamais du Sénégal, de la Côte d'Ivoire ou du Mali ! Et pas pour des raisons sportives. D'ailleurs, ces pays, avec tous les «autres», ne font que comploter contre les «Arabes d'Afrique». Ils ont tellement comploté que l'Egypte a gagné cinq trophées dont trois dans la... jungle africaine ! L'Algérie éliminée, l'organisation de la CAN ayant tourné au fiasco, voilà qui installe plus confortablement dans leurs certitudes nos spécialistes du foot, de la géographie, de l'anthropologie et de l'hémoglobine. Ils viennent nous dire maintenant qu'ils ne sont pas... seuls. Plus que ça, ils ont la profondeur populaire dont ils revendiquent la représentation. Ils nous le font savoir en allant tendre le micro et nous ramener son et image. De tous les interviewés, il y en a qui sont avec «nos frères arabes» de Tunisie, d'Egypte ou du Maroc. Même pas un supporter du Sénégal, ni même du Mali, profondeur naturelle de l'Algérie. Il ne fallait pas l'oublier : le Mali, c'est déjà la jungle africaine ! S. L.