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La d�colonisation ch�re aux chouhada n�a pas eu lieu
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 10 - 2010

�Il est tr�s dangereux de dire ce que l�on pense, tr�s p�nible de ne pas le dire et tr�s pernicieux de dire le contraire.�
(Saint Augustin de son nom berb�re Aour�gh n�Aferfan)
Par Ahc�ne Bouaouiche. Psychologue � Constantine
Ils �taient, assur�ment, dans la v�rit� sublime, tous ceux qui croyaient sinc�rement qu�une action de d�colonisation, pour �tre en phase v�ritable avec les aspirations du peuple, doit �uvrer � reconstruire l�homme dans la pl�nitude de sa dignit� et s�appliquer � restituer aux citoyens leurs droits fondamentaux et leurs valeurs essentielles, tous ces droits et valeurs, longtemps outrag�s par une succession de dominations �trang�res aussi d�vastatrices et aussi �pres les unes que les autres. Dans un des documents adopt�s par le Congr�s de la Soummam rapport� par Khalfa Mameri, dans son livre consacr� � Abane Ramdane, il est �crit : �La r�volution alg�rienne veut conqu�rir l�ind�pendance nationale pour installer une r�publique d�mocratique et sociale garantissant une v�ritable �galit� entre tous les citoyens d�une m�me patrie sans discrimination.� Cette d�colonisation, ind�pendantiste et r�volutionnaire, dans ses principes et ses desseins d�clar�s, n�a, malheureusement, pas eu lieu. Elle �tait pourtant un r�ve fusionnel de tout un peuple mobilis�, elle �tait l�id�al sacralis� pour lequel des centaines de milliers d�Alg�riens ont consenti le sacrifice de leur vie.
Les martyrs d�une Alg�rie libre, morale, juste et �galitaire
Il est des moments privil�gi�s de tr�s forte densit� socio-historique, o� l�histoire impose � un peuple des imp�ratifs existentiels et lui r�v�le des hommes exceptionnels, plus dou�s que d�autres � s��lever � la hauteur du destin national. Ces hommes lucides et courageux savaient et disaient, qu�on ne fonde pas une nation viable, s�re et durable sur la seule notion d�une ind�pendance m�me tr�s ch�rement conquise. Ils savaient aussi et surtout, que le sentiment de libert� ne pouvait �tre qu�une simple et volatile exaltation de l�esprit, dans tous les cas o� les valeurs de justice, de morale et d��galit� ne lui donnent pas une essence et un sens. Les peuples, qui ne savent pas ou ne veulent pas cultiver la m�moire des hommes d�exception, que l�histoire, en g�n�ral, r�v�le parcimonieusement, sont des peuples, qui contribuent eux-m�mes, probablement sans en avoir conscience, � la d�construction de leur propre histoire et � l�annihilation de leur propre g�nie. Abane, Amirouche, Ben Boula�d, Ben M�hidi, Didouche, Haou�s, Lotfi, Zighoud dominent l�histoire du mouvement de Lib�ration nationale. Je les cite par ordre alphab�tique, afin de ne pas para�tre les hi�rarchiser. Je suis intimement convaincu que sans leur disparition tragique et pr�matur�e, le destin de l�Alg�rie ind�pendante n�aurait pas �t� aussi hasardeux.
Aux historiens le devoir de v�rit�, non le droit au monopole
Les historiens s�assignent � eux-m�mes la mission de rechercher la v�rit� historique et le devoir de l�enseigner et de la transmettre en toute honn�tet� et en toute objectivit�. Encore faut-il convenir d�une d�finition consensuelle du concept d�objectivit� en histoire, des crit�res, du champ et des limites de sa d�monstration. Nulle part il n�est �crit que les historiens s�octroient le droit de monopole de l�histoire, de son �tude et/ou de son �criture. Ils n�ont jamais revendiqu� l�exclusivit� de ce droit. Les historiens, gens de culture et de disponibilit� intellectuelle, savent mieux que d�autres, que l�histoire est la m�moire collective de tous les hommes, de ce fait sa connaissance et sa diffusion n�appartiennent � personne en particulier ; quand bien m�me, l�enseignement universitaire, l��rige, pour des raisons didactiques et p�dagogiques, en une discipline scientifique sp�cifique d�volue aux historiens. Ceci �tant, quiconque d�tient un segment de v�rit� historique et qui poss�de le talent de l��criture ou le don de la narration orale, poss�de le droit, voire le devoir de t�moigner. L�histoire �v�nementielle n�est pas toute l�histoire, aussi scrupuleusement fid�le au d�roulement des faits historiques soit-elle, tant qu�elle est mutil�e des valeurs id�ologiques et morales, qui la sous-tendent et l�animent. L�histoire du mouvement national alg�rien, telle qu�elle nous est pr�sent�e � la lecture, amput�e de ses dimensions essentielles et particuli�rement d�grad�e par l�anecdotique au d�triment de l�historique, n�a pas le pouvoir scientifique ni la qualit� �thique de nous convier � cultiver une consid�ration positive des acteurs de l�histoire alg�rienne. En effet, l�histoire alg�rienne est, tr�s souvent pour ne pas dire toujours, r�duite � de malencontreuses narrations anecdotiques o� l�ambition suicidaire des uns le dispute sans cesse � la vanit� d�mesur�e des autres, dans des luttes fratricides, o� l��go�sme l�emporte souvent sur l�int�r�t g�n�ral. Tout n�est que conspirations et intrigues sur fond de sectarisme et de tribalisme. Les divergences d�opinion et l�affrontement des id�es, ailleurs d�velopp�es comme forces dynamiques de l��volution des peuples, sont pr�sent�es dans l�histoire de l�Alg�rie comme d�irr�ductibles tribulations dues au choc des motivations subjectives et � l�incompatibilit� caract�rielle des acteurs de l�histoire nationale. L�histoire de l�Alg�rie, en g�n�ral, celle du mouvement national alg�rien et de la guerre de Lib�ration nationale, en particulier, sont �crites pour se lire comme un roman historique de facture ordinaire. Il est inimaginable pour un esprit sain d�accepter que l�histoire d�un peuple puisse �tre � ce point rendue insignifiante. C�est de l�enseignement de l�histoire qu�un peuple tire les raisons et la force de croire en son pass�, en ses a�n�s et se donne la confiance en soi, les motivations positives et la volont� de se construire un pr�sent fait de dignit� et un avenir fait d�espoir. C�est certainement parce que les Alg�riens aspirent � cet id�al, qu�il y a en Alg�rie un immense besoin de l�histoire, la grande et vraie histoire, n�ont point de simples narrations des faits divers de la toute petite histoire.
A propos du t�moignage de Sadi consacr� aux colonels Amirouche et Haou�s Je tiens � souligner qu�il n�est pas dans mes intentions de raviver inopportun�ment et tardivement un d�bat � propos duquel je ne d�tiens, par-devers moi, aucune donn�e historique in�dite. La publication du t�moignage de Sa�d Sadi consacr� au colonel Amirouche a suscit�, j�aime � le dire, plus d�enthousiasme, qu�il n�a provoqu� de d�sapprobation. Les d�nigreurs de l�ouvrage ont fait � son auteur de nombreux griefs, dont je ne retiens que quatre d�entre eux : - Le grief fait � Sa�d Sadi pour �exercice ill�gal d��criture de l�histoire � est d�une aberration �vidente. J�ai fait, plus haut, allusion � l�inanit� du droit de monopole de l�histoire que certains, par ruse inavou�e, conc�dent aux seuls historiens patent�s, lesquels, il faut le reconna�tre, n�ont pas �t� dupes et n�ont pas, � ma connaissance, surench�ri dans ce sens. - D�aucuns, tout en d�bitant des flots ininterrompus d��loges exalt�s � l�adresse de quelques personnages politiques de leur choix ont ind�cemment reproch� � Sa�d Sadi d�avoir, davantage, fait l�apologie du colonel Amirouche, que de lui avoir consacr� un t�moignage historique objectif. Etrange posture intellectuelle et morale que celle qui consiste � s�octroyer complaisamment le droit et la latitude de louanger en toute libert�, tout en s��vertuant � les proscrire � autrui. - D�autres ont fait � Sa�d Sadi le reproche d�avoir �labor� sa version des circonstances de la mort des colonels Amirouche et Haou�s � partir de donn�es expos�es sans preuves de leur v�racit� historique. Curieux reproche, quand on sait que ces contradicteurs n�ont fourni, ce faisant, aucune preuve tangible � l�appui de leur contre-version des m�mes faits historiques. Il ne faut point se leurrer, les circonstances de la disparition des colonels Amirouche et Haou�s ne sont pas de celles dont on laisse le secret au hasard des investigations indiscr�tes. Tr�s certainement, les preuves existent, consign�es quelque part, dans les archives de l�arm�e coloniale fran�aise. - Ceux qui ont reproch� � Sa�d Sadi d�avoir manqu� d�objectivit� et de neutralit� feignent d�ignorer que l��criture de l�histoire n�est pas vraiment le lieu de pr�dilection pour une d�monstration id�ale de l�esprit d�objectivit� et de neutralit�. Cette observation d�ordre purement th�orique rel�ve, � vrai dire, de la comp�tence acad�mique � n�aborder qu�avec circonspection. Il faut que la sagesse et la raison triomphent et que le d�bat retrouve sa juste mesure. Sa�d Sadi n�a pas, que je sache, produit ou voulu produire un manuel d�histoire de grande ambition savante. Il a tout juste rendu un hommage particulier � une figure embl�matique de la guerre de Lib�ration nationale. Amirouche m�rite bien plus que cet humble hommage et Sa�d n�a pas d�m�rit� � le lui rendre. Le reproche majeur � faire �ventuellement � Sadi, s�il en est un, ne peut se rapporter qu�� la v�ridicit� de la trame historique du t�moignage. Or, ceux habilit�s � lui faire ce reproche de v�rit�, � savoir ceux qui ont combattu en Wilaya III, qui mieux que d�autres connaissent son histoire et ses hommes n�ont, � ce jour, produit aucune r�serve de nature � d�consid�rer le t�moignage de Sadi.
La s�questration des d�pouilles de Amirouche et Haou�s est une abomination
La s�questration des corps des colonels Amirouche et Haou�s, durant plus de vingt ans, dans une cave d�une institution militaire alg�rienne, est un acte sacril�ge d�une tr�s grande abomination. Un acte aussi d�mentiel ne pouvait �tre que l��uvre d�une conscience morbide en proie aux affres de sa propre mal�diction. Face � une si profonde d�ch�ance humaine, la raison, les sentiments et la morale perdent toute leur signification ; on est, comme l��crivait Nietzsche, le philosophe allemand, �au-del� du bien et du mal�, on est dans l�an�antissement de toutes les valeurs morales et mentales. Certains contradicteurs du t�moignage de Sadi, par d�ficit d�arguments et/ou par stratag�mes intellectuels, renvoient tout prosa�quement les circonstances de la mort des colonels Amirouche et Haou�s aux avatars et aux vicissitudes d�une histoire, dont chacun propose une lecture et une interpr�tation propres � lui. L��nigme de la tr�s longue s�questration des corps des deux illustres colonels, par deux fois martyrs, me dissuade de croire tout bonnement � la v�racit� de cette antith�se faite d�une inf�me banalit�. Deux questions essentielles se posent : - Pourquoi les protagonistes, au plus haut sommet du pouvoir, n�avaient-ils pas, respectant en cela, les traditions officielles �tablies par eux, �rig� une st�le comm�morative � l��poque m�me o� fut d�couvert le lieu o� sont tomb�s � morts pour la patrie � Amirouche et Haou�s ? - Pourquoi avoir s�questr� plus d�une vingtaine d�ann�es leurs d�pouilles dans une cave� � comble de l�horreur ! � avant de leur offrir des s�pultures d�centes? Ceux qui savent, quoiqu�approximativement, r�pondre � cette double question, sont tr�s peu nombreux et ils se taisent honteusement ; ceux qui ignorent tout de la question sont une v�ritable l�gion et ils �piloguent � profusion. Le silence insondable des uns et le vacarme assourdissant des autres ne peuvent pas occulter la monstrueuse r�alit� des faits historiques cach�s.
L�Alg�rie aujourd�hui dans l�incertitude de demain
L�Alg�rie est entr�e malencontreusement dans la configuration de la tourmente et de l�incertitude au lendemain m�me de la proclamation de sa d�colonisation officielle et de la c�l�bration populaire de son ind�pendance et de sa souverainet� recouvr�e. Les Alg�riens exultaient, ils croyaient fortement que leurs r�ves, forg�s dans les dures �preuves plusieurs fois s�culaires, allaient enfin se r�aliser. D�sorient�s par le d�ferlement d�une violence surgie de l� o� personne ne l�attendait, le peuple impuissant, d��u et frustr�, ne pouvait ou ne savait que r�clamer la paix en scandant le seul mot d�ordre �Sept ans, �a suffit !�, dont il avait encore le droit de jouissance. Dans leur grand d�senchantement, les Alg�riens, les uns optimistes, par temp�rament, d�autres par fatalisme, tous croyaient avec sinc�rit� que dans une Alg�rie alg�rienne enfin gouvern�e par des Alg�riens, la raison et la fraternit� allaient naturellement triompher de l�adversit�, de l��go�sme et des haines. Ils ne tarderont pas � apprendre, � leurs d�pens, que les hommes � natifs du pays ou venus d�ailleurs � qui par ambitions �quivoques ou par int�r�ts mat�riels sordides s�emparent d�un pouvoir absolu par la violence l�exerceront toujours par l�usage de la force et de l�arbitraire. A proprement parler, il n�y a aucune diff�rence dans les motivations psychologiques et les conduites politiques des uns et des autres, de nature � leur r�server des appr�ciations distinctives ; quand deux malfaisances sont d�un m�me genre et se manifestent selon une m�me intensit�, le bon sens moral �l�mentaire exige qu�on les r�prouve avec la m�me rigueur. Remonter aux conflits fratricides pour la prise du pouvoir survenus durant l��t� fatidique de 1962, � la recherche de l�origine premi�re du syst�me politique, qui pr�vaut en Alg�rie depuis l�ind�pendance et des causes fondamentales du d�sastre national, est une d�marche intellectuelle, qui ne convainc plus personne de nos jours. Non pas que cette d�marche manque de pertinence ou de sens des r�alit�s, peu s�en faut, mais parce que l�opportunisme politique est moins hasardeux que la rigueur intellectuelle. En un peu moins d�un demi-si�cle de r�gne absolu et arbitraire, ce pouvoir politique et les hommes qui le composent ont donn� la pleine mesure de leur nuisance morale et de leur insuffisance intellectuelle. Dans leur d�ch�ance inexorable, ils ont pr�cipit� la nation alg�rienne dans la d�sh�rence et la morosit� et l�ont impitoyablement fourvoy�e dans une impasse inextricable. Dans une contribution � intitul�e Lettre � la nation alg�rienne, parue dans Le Soir d�Alg�rie des 18, 19, 20 et 21 novembre 2007 �, j�avais �bauch� un �tat des lieux des r�alit�s socioculturelles, �conomiques et politiques de l�Alg�rie, le constat globalement n�gatif et particuli�rement alarmant s�est, on ne peut, aggrav� depuis lors. Force est de constater que trois ann�es apr�s, les processus de d�gradation et de r�gression ne font qu�empirer et s�acc�l�rer � un rythme de plus en plus inqui�tant. Nul besoin d��tre un �conomiste �m�rite pour constater que les gouvernants alg�riens � puisque, c�est d�eux qu�il s�agit � n�ont jamais opt� s�rieusement pour un mod�le �conomique d�finissable, coh�rent et clair. Ils ont toujours excell� dans l�art facile et dangereux de la bricole, ob�issant chaque fois � leurs pulsions d�magogiques. La v�rit� historique et politique atteste que ce sont les m�mes hommes issus directement ou par filiation du coup de force de 1962, qui p�rennisent le m�me syst�me et r�gnent en ma�tres sur l�Alg�rie d�aujourd�hui. Autrefois, ils �taient de fiers militants de l�id�al socialiste ; hier, � la stup�faction nationale, ils se proclamaient adeptes convaincus des bienfaits de l��conomie de march� ; aujourd�hui, ils s�appr�tent � professer les vertus salvatrices du patriotisme �conomique. C�est vrai que, pour un certain temps, la manne p�troli�re leur permettra encore de se livrer impun�ment, h�las, � leurs agissements dilatoires. En un demi-si�cle de gestion calamiteuse de l�Alg�rie, le d�labrement �conomique, ou de ce qui tient lieu d��conomie nationale, inscrit dans la dur�e, a provoqu� un marasme social g�n�ralis� et un mal-�tre s�rieux de l�homme et de la soci�t�. Ce qui est advenu aux Alg�riens, en ce laps de temps historique, est tout aussi singulier que vraiment consternant ; ils ont d�construit le sanctuaire des valeurs essentielles que des g�n�rations d�anciens ont mis des si�cles � construire. L�h�catombe tient de l�hallucination : d�liquescence des liens sociaux, perversion des valeurs individuelles et sociales, une effarante vacuit� morale, des symboles de la nation mutil�s et un martyrologe profan�. Le peuple alg�rien est, probablement pour l�une des rares fois de son histoire, confront� � lui-m�me, face � des horizons obstru�s et � un avenir incertain. Assur�ment, le pire reste � craindre, car, en d�pit de leur faillibilit� prouv�e et de leur �ge bien avanc�, ces gouvernants, �trangement inconscients des nuisances commises, s�obstinent ostensiblement � ne pas vouloir quitter le pouvoir et surtout la caverne d�Ali Baba.
Quelle prospective et quel avenir pour l�Alg�rie ?
Tenter une prospective positive et optimiste, dans ce contexte national marqu� par une chienlit permanente et un d�sarroi g�n�ralis�, est un d�fi immense � la raison, et pour cause : - un peuple, qui ne cr�e aucune richesse significative, qui ne produit que fort peu de ce qu�il consomme, qui ne survit p�niblement que par la gr�ce d�une rente fossile, ne saurait pr�tendre � un avenir fiable ; - une nation, qui a perdu ses rep�res essentiels, le sens �l�mentaire de civisme et de civilit�, qui ne cultive plus les sentiments de la justice et de la solidarit�, est une nation qui s�est notablement d�partie de tout g�nie d�imaginer un destin d�cent et de toute volont� apte � le construire ; - un peuple, qui privil�gie, � toute entreprise productrice de richesses, la pratique du simple mercantilisme, source d�enrichissement rapide et d�immoralit� f�conde, qui importe tout ce qu�il commercialise, qui n�exporte que les hydrocarbures en rar�faction acc�l�r�e, ce peuple n�a aucune force d�affronter les rigueurs d�un Sahara en expansion mais sans gaz ni p�trole ; - une nation, dont les gouvernants inamovibles et arrogants, entretiennent la culture mortif�re de la haine, de l�ostracisme et de l�intol�rance, et qui, dans l�impunit� totale, pratiquent avec cynisme la corruption d�brid�e et la subordination �hont�e, n�est pas une nation moralement arm�e pour se forger un avenir de grandeur. La passivit� psychologique peu ordinaire avec laquelle le peuple endure l�agressivit� virulente de ces m�faits socio-politiques, qui, de jour en jour, s�exacerbent, laisse pr�sager que le tr�s proche avenir alg�rien sera indubitablement th�ocratique et obscurantiste ou ne sera rien de bien d�finissable. Quel genre de sortil�ges a-t-on jet� au peuple alg�rien, lui qui a d�montr� une longue histoire de bravoure et d�honneur, pour qu�aujourd�hui, il exhibe, au monde qui l�observe et s��tonne, une image confuse d�un peuple soumis aux lubies meurtri�res d�une caste de malfrats ? En v�rit�, il est impossible de comprendre, qu�un peuple, hier encore valeureux et d�un attachement l�gendaire � sa dignit�, puisse, aujourd�hui, tol�rer, outre mesure, de semblables d�rives et d�aussi monstrueuses forfaitures, qui, plus est, toujours commises par les m�mes gouvernants aux commandes du pays, un demi-si�cle durant.
Aux anthropologues : le mot de la conclusion
Apr�s l�histoire, la sociologie et la politique, j�en appelle � pr�sent � l�anthropologie culturelle, non point pour conclure, mais plut�t pour m�autoriser l�occurrence de hasarder une r�flexion par laquelle j�aurais d� introduire ce texte. Ceci �tant, c�est probablement judicieux ainsi, car tr�s souvent, les lecteurs retiennent mieux d�un texte les termes de sa conclusion que les �nonc�s de son introduction. Science de l�homme par excellence, l�anthropologie d�veloppe l�intelligence d�appr�hender globalement les ph�nom�nes humains dans l�interactivit� de leurs dimensions mat�rielles et immat�rielles. Aussi enseigne-t-elle que les peuples ne se diff�rencient les uns des autres et ne se singularisent que par l�originalit� de leur culture et de leur histoire. Les anthropologues connaisseurs avis�s des peuples berb�res savent que les Alg�riens, en d�pit des apports et des influences culturels, plus ou moins contrariants ou plus ou moins significatifs, sont demeur�s des hommes particuli�rement �pris de libert� et profond�ment attach�s aux valeurs de justice, de solidarit� sociale et de d�mocratie politique. Ces anthropologues savent aussi que ces valeurs sup�rieures ont, de tout temps, constitu� le substrat �thique et le socle culturel des soci�t�s berb�res. Par ce mot de la conclusion, je tiens � rappeler quelques v�rit�s situ�es aux confins de l�anthropologie culturelle et de l�histoire de l�Alg�rie berb�re. Pour ce faire, je me limite � ne citer tr�s bri�vement que trois t�moignages d�une grande autorit� : - le premier attribu� � Aristote et rapport� par Eug�ne Guernier, dans son ouvrage ( L�Apport de l�Afrique � la pens�e humaine) consid�rait l�organisation sociale et politique des Berb�res comme �la meilleure Constitution pour �viter les exc�s de pouvoir, les dictatures et les r�voltes populaires� ; - le second, nous le devons � Justin, historien romain, qui dans ses �uvres consacr�es � l�histoire universelle, �crivait : �Des textes r�glementant l�exercice du pouvoir populaire, fort ancien en Berberie, existaient bien avant le Ve si�cle de notre �re.� ; - le troisi�me est tir� de l�ouvrage ci-dessus mentionn� d�Eug�ne Guernier : �Il est impossible de ne pas reconna�tre chez les Berb�res un sens politique tr�s avis�, une notion exacte de la pens�e d�mocratique et un penchant vers le social, qui constituent les assises int�ressantes d�une soci�t� moderne. Les civilisations, aussi bien carthaginoise que romaine, n�ont pas alt�r� ce caract�re d�mocratique et social du Berb�re.� N��tait la fascination du pouvoir, pour les privil�ges et les honneurs, qu�il prodigue ; n��taient la vanit� outranci�re et l�attrait ignominieux du lucre et de la luxure exerc�s sur les Alg�riens, qui, � l��poque, d�tenaient la puissance arm�e de la d�cision, le peuple alg�rien aurait pu faire de l�instant de la d�colonisation une opportunit� id�ale, d�une puissante densit� symbolique, pour se r�approprier ces valeurs essentielles et engager une extraordinaire entreprise de renouveau national et fonder une nation viable et apais�e, juste, �galitaire et d�mocratique. Un peuple ne rate jamais impun�ment le rendez-vous majeur de son histoire, moment et lieu sanctifi�s entre tous, en dehors desquels rien de grand ni de viable jamais ne se con�oit. Ainsi, subrepticement d�vi� de sa trajectoire naturelle de pr�dilection, d�poss�d� brutalement de sa victoire supr�me remport�e sur le mauvais sort plusieurs fois s�culaire, frustr� de ses r�ves les plus chers, outrag� impudiquement, le peuple alg�rien s�est trouv�, depuis lors, dangereusement expos� aux pires tribulations. Les Alg�riens, qui d�daignent tout � la fois les enseignements de l�anthropologie culturelle et de l�histoire g�n�rale et qui demeurent au stade de l�effarouchement r�actionnel, se contentant de s��tonner, de vitup�rer et de condamner les conduites psychosociales qui alt�rent sensiblement la soci�t� et mettent en grave p�ril son harmonie et son �quilibre, ces Alg�riens, par l�incompl�tude de leur posture moralisante, sans r�els efforts d�investigation circonstanci�e des causes premi�res et sans volont� s�rieuse d�y rem�dier, vouent, peut-�tre sans en avoir pleinement conscience, l�Alg�rie � une r�gression certaine. En beaucoup moins d�un si�cle, les gouvernants alg�riens, par leur gabegie et leur �go�sme intemp�rant, auront �puis� une richesse fossile et non renouvelable, que la nature avait mis plusieurs millions d�ann�es � produire. Un tour de force stup�fiant et une forfaiture r�voltante, au regard des larges couches de la population demeur�es dans un �tat d�extr�me pauvret�. Quoi qu�il en soit, il n�est pas n�cessaire d��tre devin pour deviner que, dans l��tat actuel de grande mis�re morale o� nous sommes, l��puisement imminent et drastique de la manne p�troli�re n�augure, d�ores et d�j�, d�aucun avenir rassurant.


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