Salu� par la critique, le livre Ma vie � contre-Coran, une femme t�moigne sur les islamistes (ed.VLB) est aussi best-seller au Qu�bec, la province francophone du Canada. L�auteure de cet essai bien document� est Djemila Benhabib, n�e en 1972 en Ukraine, d�un p�re alg�rien et d�une m�re chypriote. Mais c�est � Oran qu�elle a grandi au sein d�une famille de scientifiques engag�e dans les luttes politiques et sociales. Elle-m�me a fait au Canada des �tudes en physique, en sciences politiques et en droit international. Condamn�e � mort par les islamistes, Djemila Benhabib se r�fugie en France en 1994, avant de s�installer en 1997 au Qu�bec. Dix ann�es plus tard, elle publie Ma vie � contre-Coran, une femme t�moigne sur les islamistes (R��dit� en Alg�rie par Koukou), consid�r� comme �un vibrant plaidoyer pour l��galit�, la la�cit� et le vivre-ensemble au-del� des carcans ethniques et religieux�. Elle d�nonce �galement les m�faits de l�islamisme politique, en Alg�rie, dans le monde musulman et aussi en Occident en d�voilant ses strat�gies d�instrumentalisation des communaut�s musulmanes. Djemila Benhabib est aussi une journaliste qui a fait de nombreux reportage � travers le monde, notamment au Moyen-Orient. En novembre 2009, au S�nat fran�ais, elle a �t� consacr�e �Femme debout dans le monde� par deux organismes f�ministes fran�ais, dont un fond� par Simone de Beauvoir. Au classement du magazine Ch�telaine, elle figure parmi les cinquante femmes qui ont marqu� le Qu�bec ces 50 derni�res ann�es. Derni�rement, Djemila Benhabib s�est vu attribuer le prix �Femme du M�rite� 2010 du YWCA, dans la cat�gorie communication. Dans cet entretien, elle livre ses impressions, sans la moindre concession, sur son combat et ses principes. Le Soir d�Alg�rie : Le titre de l'ouvrage laisse croire que vous �tes contre l'islam en tant que religion, ce qui n'est pas le cas en lisant le livre. Pourquoi ce titre ? Djemila Benhabib : Je suis contre l�islam institutionnalis�. Je suis contre un Etat fond� sur l�islam comme l�est l�Etat alg�rien � travers l�article 2 de sa Constitution. Je suis fatigu�e d�entendre des hommes �voquer Allah pour battre leurs femmes et les r�pudier. Je suis terrifi�e de constater � quel point l�Etat est devenu une succursale de la mosqu�e. Mon mod�le n�a jamais �t� l�imam de mon quartier mais plut�t Kateb Yacine et les Djamila de la guerre de lib�ration. Quant au titre, c�est le reflet du cheminement d�une femme libre qui s�assume totalement. A vrai dire, pour rien au monde je ne c�derai, ne serait-ce qu�une infime parcelle de mon espace de libert� si ch�rement acquis. Je refuse de me faire violence. Je refuse de traverser les tumultes de l�histoire les bras ballants. En quoi cela est-il si scandaleux ? Vous n'�tes pas d'accord avec �des v�rit�s� dans le Coran ou la Bible, comme la cr�ation d'Adam et d'Eve, la cr�ation du monde en six jours ou �l'atome� dans le Coran. Vous savez, que des croyants croient en ces fables c�est une chose, et c�est leur probl�me. Par contre, que des Etats institutionnalisent l�ignorance et maintiennent des populations enti�res dans la mis�re intellectuelle, c�est un crime. C�est cela qui devrait nous pr�occuper car nous ne pouvons continuer d�ignorer les donn�es objectives de l�histoire. Dans le monde arabe et musulman, l�islam officiel sert � �liminer les �uvres scientifiques et critiques, � d�clarer subversive toute production intellectuelle, artistique, culturelle qui ne s�inscrit pas dans le discours dominant. Voil� concr�tement quelques aspects de l�islam en 2010. Des croyants, musulmans, chr�tiens, juifs ou d�istes, disent aujourd'hui que c'est Dieu qui a cr�� le temps et l'espace, ce qui fait qu'il n'a pas besoin d'un �temps� pour cr�er le monde. Votre avis ? Ce que disent des croyants au sujet de l�espace-temps n�a que tr�s peu de r�sonance en moi. Je pr�f�re nourrir ma r�flexion scientifique en me r�f�rant � Hubert Reeves, Georges Charpak ou Albert Einstein et bien d�autres. D�ailleurs, j�ai �tudi� en physique et c��tait un v�ritable bonheur que de pouvoir explorer certains aspects philosophiques du monde qui nous entoure avec des outils scientifiques. Le r�le des religions n�est pas de donner sens � la cit�, ni de la gouverner et surtout pas d�expliquer des ph�nom�nes naturelles. La religion est de l�ordre de l�intime et du priv�. Beaucoup croient que votre livre est un roman� Certes, mon livre se lit comme un roman, c�est pourtant bel et bien un essai qui est solidement document�. Ce qui lui a valu d�ailleurs de remporter le Prix des �crivains francophones d�Am�rique et d��tre finaliste pour le Prix du gouverneur g�n�ral dans la cat�gorie essai, ce qui est en soi extr�mement prestigieux au Canada. C�est d�ailleurs la premi�re fois qu�un Alg�rien se distingue dans ces deux cat�gories. Comment avez-vous retrouv� l'Alg�rie en cette ann�e 2010 ? La question demeure enti�re, comment un pays qui dispose de tous les moyens pour r�ussir s�enfonce de cette mani�re ? Nous n�avons pas suffisamment m�dit� notre exp�rience et appris de nos �checs. Si nous l�avions fait, un certain nombre de questions seraient d�j� tranch�es. Or, nous n�en sommes pas l�. La s�paration du politique et du religieux est toujours d�actualit�. Le respect des libert�s individuelles reste une aspiration r�elle et constitue un immense d�fi. Je vois bien, par exemple, ce qui se passe avec la dynamique cr��e autour des non-je�neurs. On est en plein dans la libert� de conscience. Si l�Alg�rie porte en elle des embryons de libert�, c�est surtout gr�ce au courage et � la d�termination de quelques personnes qui se sont affranchies des pesanteurs de l�islam pour briser des tabous et faire avancer la soci�t� qui contrarie toute perspective d��mancipation.