Par Boubakeur Hamidechi [email protected] �De violentes �meutes se sont produites de nouveau sur la RN 5, lundi dernier. Un bus et un camion ont �t� incendi�s. Les heurts ont dur� jusqu�� 23 heures et ont �t� d�une extr�me gravit�. Les diff�rents axes routiers reliant la capitale aux wilayas de l�est du pays ont �t� coup�s et l�on d�nombre une dizaine de bless�s parmi lesquels il y aurait 3 gendarmes.� (Les journaux de jeudi 18 novembre). C�est toujours des territoires provinciaux que les m�contentements s�embrasent mais, semble-t- il, de telles jacqueries inqui�tent rarement le premier cercle du pouvoir. Plut�t pr�occup� par sa propre r�sistance aux coups fourr�s que les institutionnels s�administrent entre eux, ce dernier n�glige et minore sciemment ce qui se passe � la p�riph�rie. En somme, les gouvernants actuels ne font que reconduire une vieille id�e re�ue de leurs pr�d�cesseurs. Celle qui �pense� puis �nonce et m�me d�cr�te qu�il n�est de p�ril r�el mena�ant le r�gime que celui qui se tramerait en �interne�. Convaincus de leurs capacit�s � dig�rer et dissoudre les mauvaises humeurs populaires qui enflent dans les terres lointaines, ne se sont-ils pas forg�s une dangereuse certitude quant � ce fameux �pays profond� jusqu�� en faire l�antidote � la nomenklatura indocile ? Ainsi, hormis la musicalit� po�tique qui les d�signe, les provinces ont fini par servir de masse de man�uvre politique toutes les fois o� la contestation affecte le microcosme de la capitale. Par l�usage excessif de la r�f�rence, l�on est parvenu � lui donner une signification pernicieuse � travers laquelle l�on met en opposition/apposition le centre o� se croisent les ambitions et la �discipline patriotique� (sic) du pays r�el. L�on aura, par cons�quent, compris que depuis la pens�e unique, le recours � la formule magique demeure op�ratoire au profit du discours officiel. Ce �pays profond� que l�on invite par le texte chaque fois que le pouvoir est en difficult� est cependant moins une r�alit� g�ographique et sociale en soi qu�une incantation politicienne pour n�avoir pas � r�pondre de ses errements. A travers cette autre �nation� qu�il donne pourtant en exemple sans �gard au discr�dit r�el qu�il subit cycliquement de la part de ses populations muettes, ne porte-t-il pas la marque d�une certaine immoralit� de l�appareil d�Etat ? L�histoire nationale des r�gimes est exemplaire � ce sujet. Quelles que furent les banni�res derri�re lesquelles le pays s��tait trouv�, les provinces ont toujours servi de fourriers aux populismes. Ceux qui, en toutes circonstances, sont � l�origine des contestables l�gitimations. Autrement dit, les infamies des pouvoirs se sont essentiellement impos�es � partir du terreau provincial. Il est la rampe de lancement pour formaliser d�magogiquement une conqu�te apr�s que des cabinets noirs eurent adoub� le bon imp�trant. A chaque renouvellement ou reconduction, c�est vers l�arri�re-pays que l�on se tourne pour bourrer les urnes et pi�ger, disent-ils, l��litisme actif dans la capitale. M�me si l�on sait par �vidence qu�Alger n�est pas toute l�Alg�rie, en quoi, cependant, cet ostracisme � l�envers est-il b�n�fique � la d�mocratisation de la vie politique et des choix qui en d�coulent ? Il est clair que, jusque-l�, le proc�d� visait moins � la promotion de la culture citoyenne qu�� manipuler en toute qui�tude les votes de la p�riph�rie. Expliquons-nous. Chaque fois que la �maison du pouvoir� s�est retrouv�e en butte � de l�hostilit� ne s��tait-elle pas r�fugi�e derri�re le vaniteux credo du �Peuple� avec un grand �P� ? En effet, l�on ne compte plus le nombre de fois o� cette rh�torique lui a servi � la stigmatisation. �Allez voir combien le pays profond se porte bien�, a-t-elle scand� par le pass�. Elle seule pr�tendait pouvoir sonder avec justesse les �tats d��me. D�positaire du diagnostic absolu, elle �tait dans la r�futation syst�matique des clignotants rouges et des interpellations de quelques personnalit�s politiques probes. R�fractaire � toute �coute, elle ne se donne m�me plus la peine d�envoyer sur le bitume de la route nationale num�ro 5 un ministre pour recueillir les dol�ances d�une population � cran la veille d�une f�te. Plus qu�un signe, nous avons l� le paraphe de la panne du pouvoir d�Etat. Son �chec, qu�il ne compense que par la r�pression, met � nu une d�cennie de mensonge et de tromperie. Qu�est-ce � dire si ce n�est que son art de gouverner, par ses approximations, le contraint � tout subvertir. La statistique comme l�incoh�rence des projets et des objectifs, la v�rit� humaine tout autant que les engagements. Enclin au maquillage et � la falsification, le pouvoir d�Etat fait abstraction des nuages et des orages qui alourdissent le climat social et poussent d�sormais le petit peuple des provinces � la pyromanie collective. Finalement, ce �pays profond� a bon dos. Lui qui ne devait �tre visible que dans l�all�geance est en train de muter pour devenir un �non-sens � aux yeux du pouvoir. Le th�or�me qu�il incarnait jusque-l� est en passe de changer en quadrature du cercle. C�est-�-dire l�insoluble casse-t�te du r�gime apr�s qu�il eut �t� son alibi id�al. De brasier en brasier, les feux de la col�re se sont d�clar�s cette fois aux portes de �Dar El Houkm�. Par transmission naturelle d�une m�me indignation, les provinces harc�lent dor�navant le bunker. D�ici � ce que l�on d�cide qu�elles sont devenues le chienlit de la nation, il y aura toujours un charg� de la communication officielle qui n�h�sitera pas � prononcer, ou bien � �crire, un jour pareille insanit�.