Par Hassane Zerrouky Depuis que ce site a publi� quelque 250 000 documents confidentiels �manant du d�partement d�Etat � Washington, des ambassades et des consulats am�ricains de par le monde, on assiste � un �tonnant concert d�indignations. La diffusion de cette �norme masse de documents a jet� un formidable pav� dans la mare diplomatique. Ils r�v�lent en effet les propos, les confidences de chefs d�Etat, de ministres, de dirigeants politiques, de militaires de haut rang, auxquels les diplomates am�ricains ont pr�t� une oreille attentive avant de les transmettre � leur hi�rarchie, le d�partement d�Etat. Il se trouve que cette mine d�informations ne pla�t pas � tout le monde. Qu�elles aient r�volt� en premier lieu les dirigeants am�ricains adeptes de la culture du secret, surtout quand il s�agit des coups tordus pr�par�s ou ex�cut�s par leurs services, ou d�autres dirigeants de la plan�te, cela n�a rien de surprenant pour des hommes qui font de l�opacit� une m�thode de gouvernance des Etats dont ils ont la charge. Mais qu�elles scandalisent des journalistes et des intellectuels ayant pignon sur rue, qui ont fait feu de tout bois contre ce qu�ils appellent la �dictature de la transparence �, allant m�me jusqu�� invoquer �la raison d�Etat�, renseigne sur le peu de consid�ration qu�ils ont envers ceux qui les lisent ou les �coutent et sur leur conception de la libert� d�informer ! Comme si les lecteurs et les auditeurs �taient d�nu�s de toute intelligence, incapables d�interpr�ter les faits, en l�occurrence l�information brute, sans l�aide de ces sp�cialistes proclam�s, ces �fastthinking � qui �pensent plus vite que leur ombre�, comme se plaisait � les qualifier le sociologue Pierre Bourdieu. Il faut rappeler que certains, parmi ces intellectuels, s��taient d�j� insurg�s contre ces millions d�internautes qui donnent leur avis sur tel ou tel �v�nement, voire sur le contenu de certains livres b�n�ficiant d�une surm�diatisation ! Certes, sans aller jusqu�� qualifier Assange de Robin des Bois, on peut s�interroger l�gitimement sur le fait de savoir comment les concepteurs de Wikileaks ont pu parvenir � r�unir autant de documents, �tant donn� leur volume. Mais l� �galement, invoquer le complot ourdi par on ne sait qui, pour d�cr�dibiliser Wikileaks et emp�cher toute transparence, ne m�ne � rien sinon � revenir � cette opacit� qui fait l�affaire de ceux qui pensent et interpr�tent le fait politique � la place du plus grand nombre. Plus g�n�ralement, Wikileaks � je prends le cas de l�Alg�rie et du monde arabe et maghr�bin � ne r�v�le que ce que chacun devinait et n�osait dire, ne savait pas ou faisait semblant de ne pas savoir. Mais que ce soient des diplomates am�ricains, dont c�est le travail de s�informer sur le pays avec lequel Washington entretient des relations, qui �voquent entre autres les affaires et la corruption s�vissant dans ces pays, change la donne. Car, n�oublions pas que des journalistes, notamment en Alg�rie, ont �t� condamn�s pour diffamation pour avoir �crit sur quelques affaires (pas toutes) avant qu�elles n��clatent publiquement sur la place quelques ann�es plus tard. Plus g�n�ralement, ce qui g�ne les politiques, c�est que Wikileaks a contourn� les barri�res juridiques dress�es par des Etats, visant � emp�cher la publication des informations g�nantes. Que va-t-on par exemple opposer d�sormais � un journaliste qui �crirait sur une affaire d�j� r�v�l�e ou �voqu�e par Wikileaks et balanc�e sur la toile informatique, donc connue par des millions de gens dans toutes les langues ? Que va-t-on lui opposer s�il �crivait ou commentait la corruption qui, selon ce qu�a publi� Wikileaks, est ancr�e au sommet de l�Etat alg�rien ? En v�rit�, le pav� de Wikileaks rend de fait caducs les d�lits de presse et, avec, ce journalisme responsable�, c�est-�dire un journalisme bien dans les souliers des ma�tres du moment, qu�appellent de leurs v�ux nos dirigeants. Les temps ont chang� : quoi qu�il arrive � Julian Assange et � son site, il faudra que les politiques admettent que la libert� d�expression ne se divise pas, qu�il y aura un avant et un apr�s Wikileaks.