Par Ammar Belhimer [email protected] Le complexe militaro-industriel capitaliste prend conscience du danger que repr�sentent pour sa survie les injustices, les in�galit�s, la pauvret� et l��largissement du foss� entre une infime minorit� de riches et une masse de plus en plus large de pauvres, un processus par ailleurs g�n�ralement associ� au laminage des couches moyennes. Le hic est que rien de probable n�indique que cette tendance pourrait �tre invers�e sur le court ou le moyen terme. La Banque mondiale vient de publier son rapport sur les perspectives �conomiques mondiales (PEM). Ses projections sur la croissance �conomique future sont pessimistes : �Les taux de croissance risquent de ne pas �tre suffisamment rapides pour �liminer le ch�mage.� En guise de rem�de face au ch�mage galopant, le rapport pr�ne l�aust�rit� fiscale. D�apr�s Sharan Burrow, la secr�taire g�n�rale de la Conf�d�ration syndicale internationale, qui a vivement r�agi au document d�s sa publication ce week-end, �l�aust�rit� fiscale pr�n�e par le rapport est, en r�alit�, un frein pour la croissance et l�emploi�. �La Banque mondiale devrait, � la place, favoriser une relance �conomique inclusive bas�e sur des salaires rehauss�s et une protection sociale renforc�e�, ajoute Mme Burrow. �Il semble extr�mement illogique que le PEM pr�ne une r�duction des prestations sociales et des salaires alors que les rapports de l�OIT font �tat du d�clin ou de la stagnation des salaires r�els dans un grand nombre de pays et que les rapports de pays du PEM montrent que la hausse des salaires contribue en r�alit� � la relance �conomique dans certains pays�, a d�clar�, non sans raison, Mme Burrow qui pr�ne ainsi une relance par la demande. Fort heureusement, la Banque mondiale semble faire cavalier seul dans ses th�rapies hostiles aux salaires et � la d�pense sociale. Aussi bien le Fonds mon�taire international que le Forum �conomique mondial de Davos ne sont pas de cet avis. Dans une r�cente �tude consacr�e � l�impact des in�galit�s des revenus sur les deux derni�res grandes crises du capitalisme (la Grande D�pression de 1929 et la Grande R�cession de 2007), deux experts du d�partement des �tudes du FMI n��cartent pas que les in�galit�s de revenu aient �t� �� l�origine des deux� crises en raison d�une similitude remarquable entre les p�riodes ant�rieures � ces crises : la forte augmentation de ces in�galit�s et du ratio dette/revenu des m�nages (**). Ce faisant, ils rejoignent d�autres experts qui les ont pr�c�d�s pour soutenir que �la crise r�sulte d�une dynamique � long terme entra�n�e par l�in�galit� de revenus�. En effet, les riches pr�tent une grande part de leurs actifs (capitaux exc�dentaires ou surcro�t de revenus disponibles) aux pauvres et aux couches moyennes qui s�en servent pour r�sister � l��rosion de leurs revenus relatifs et pour conserver leur niveau de vie. Il s�ensuit, � la faveur de cette relation, une croissance de la demande d�interm�diation financi�re qui favorise le cr�dit facile. La paup�risation qui r�sulte de ce processus est frappante : les d�tenteurs de capitaux qui ne repr�sentent que les 5% au-dessus de l��chelle de r�partition des revenus tirent la totalit� de leurs revenus du rendement du stock de capital et des int�r�ts de pr�ts, alors que les 95% restants sont des travailleurs qui vivent de leurs salaires. L�une des nombreuses expressions manifestes de l�injustice est que ces derniers, les plus pauvres (dont la consommation repr�sente jusqu�� 71% du PIB), doivent s�adapter en permanence en abaissant leur consommation et en empruntant davantage pour freiner cette baisse. �L�endettement accru des pauvres et de la classe moyenne g�n�re fragilit� financi�re et risque de crise. Comme le pouvoir de n�gociation des travailleurs, et donc leur capacit� � rembourser leurs emprunts, se redresse tr�s lentement, l�endettement continue � progresser et le risque de crise persiste�, d�plorent les auteurs de l��tude avant d�envisager deux possibilit�s d�action : le �d�sendettement ordonn� et le redressement des revenus des m�nages. �R�tablir l��galit� en redistribuant les revenus des riches aux pauvres ne plairait pas seulement aux Robin des bois du monde entier : cela pourrait aussi �pargner � l��conomie mondiale une autre crise majeure�, concluent, contre toute attente, les honorables serviteurs du FMI. M�me inqui�tude du c�t� de ce qui s�apparente d�sormais � un produit phare du �think tank� (qu�on peut traduire en langue fran�aise par �r�servoir � penser�) du monde n�olib�ral : le World Economic Forum Global Risks Survey dont la version 2011, la sixi�me �dition, vient juste d��tre rendue publique. Un fid�le r�v�lateur des craintes qu�exprime l�id�ologie dominante puisque 580 dirigeants et d�cideurs du monde entier ont particip� � sa r�daction. Le document recense les 37 risques qui menacent le monde en 2011. Ils sont d�abord d�ordre �conomique : effondrement des prix des actifs, extr�me volatilit� des prix des produits, des prix � la consommation et des prix de l'�nergie, d�s�quilibres mondiaux, volatilit� des monnaies, fragilit� des infrastructures, resserrement du cr�dit de tr�sorerie, d�faillances de la r�glementation, repli de la mondialisation, ralentissement de l'�conomie chinoise - croissance inf�rieure � 6%. Les risques sont aussi environnementaux, g�opolitiques et technologiques, mais ils sont aussi soci�taux, avec des disparit�s jug�es �inqui�tantes �. Deux risques, dits transversaux, sont jug�s �particuli�rement importants compte tenu de leur haut degr� d'impact et d'interd�pendance : les disparit�s �conomiques (la richesse et les disparit�s de revenus, tant � l'int�rieur des pays qu�entre pays) et les �checs de la gouvernance mondiale�. Les avantages de la mondialisation �semblent in�galement r�partis � l�int�rieur des pays�, est-il mentionn�, m�me si la croissance des nouveaux champions a op�r� un r��quilibrage du pouvoir �conomique entre les Etats. En conclusion, le rapport souligne que �les disparit�s �conomiques et les �checs de la gouvernance mondiale, deux risques �troitement li�s, sont per�us comme � la fois tr�s probables et de fort impact. Ils influent sur le contexte dans lequel �voluent les autres risques mondiaux et peuvent survenir de deux fa�ons essentielles : d�une part, ils peuvent aggraver aussi bien la probabilit� que l'impact des autres risques ; d'autre part, ils peuvent inhiber l�efficacit� des rem�des apport�s aux autres risques�. �De nombreux facteurs peuvent avoir contribu� � cette tendance au sein des pays, y compris l'�rosion de la culture de l'emploi, le d�clin du mouvement syndical et les �checs des syst�mes �ducatifs pour faire face � la demande croissante du milieu de travail.� Les disparit�s �conomiques sont �galement consid�r�es comme contribuant � un processus plus large de fragmentation sociale dans le monde. On n�est donc pas au bout de l��meute.