Par Arezki Metref [email protected] Dimanche 23 janvier : Marche apr�s marche ! �a bruisse encore des �chos de la r�pression contre la marche du RCD � Alger. Avec ce pouvoir, tu ne sais jamais quelle face de la matraque s'abattra sur toi. On aurait pu croire que s'il avait sorti son armada pour frapper sur les �meutiers de janvier, c'�tait pour privil�gier l'action politique. Et voil� que sa r�action face � une marche pacifique est pire encore ! Dans l'�paisse confusion dress�e par la fum�e des gaz lacrymog�nes, on parvient toutefois � distinguer cette �vidence : l'action pacifique, il n'aime pas ! Combien de centaines de policiers ? De barrages muscl�s ? Une d�termination d'acier. Si la peur donne des ailes, elle gonfle aussi les muscles. Mais ils peuvent sortir les flics, faire valser les h�licopt�res, planter les chars aux carrefours, faire voltiger les matraques, cliqueter les menottes, taper dans le tas, ils ne parviendront pas � entamer cette certitude ancr�e : �C'est possible !� Qui aurait dit qu'en Tunisie ? �Un boomerang, c�est un b�ton qui a le mal du pays�, Jean-Loup Chifle. Lundi 24 janvier : A vos cas� Lu avec consternation le compte-rendu d'une interview donn�e par le b�tonnier Menad Bachir � El Khabar. Tandis que les avocats tunisiens d�filaient aux c�t�s des manifestants, il affirmait que lui et ses confr�res alg�riens ne d�fendraient jamais les �meutiers � titre b�n�vole sous pr�texte qu'ils ne sont que des casseurs. Outre que la d�ontologie impose � l�avocat de d�fendre qui en a besoin, faut-il rappeler � ce membre du barreau effarouch� qu'un casseur n'est qu'un �meutier en col�re et qu'un �meutier n'est autre qu'un citoyen auquel on a �t� toute possibilit� d'expression politique ? Ce truisme rend doublement anachronique la d�claration aveugle de l'avocat. Un : un avocat n'est pas un juge. Deux : un avocat d�fend traditionnellement la veuve et l'orphelin, c'est-�-dire les faibles contre les puissants. C'est ce type de d�claration qui pourrait discr�diter une soci�t� civile. Heureusement, ses propos n�engagent que lui, et encore ! �Le silence est le meilleur avocat des morts�, Jules Supervielle. Mardi 25 janvier : Prolongations de jeu pour le pharaon ! Je n'en crois pas mes yeux ! �a p�te en Egypte. Phagocytant une date de comm�moration du calendrier policier �gyptien, des milliers de manifestants ont cri� dans la rue : �D�gage, Moubarak !� Tout cela s'est concoct� gr�ce aux r�seaux sociaux, ces samizdats de l'�re num�rique. Affrontements rudes avec la police dans un pays, l'�gypte, qui est un r�gime policier comme l'�tait celui de la Tunisie, et militaire comme le demeure l'Alg�rie de toujours. La protestation a beau �tre intense, profonde, d�cisive, elle aboutira difficilement comme en Tunisie. Eh oui, l'�gypte n'est pas la Tunisie, g�opolitique oblige ! On voit mal un r�gime d�mocratique arabe partager une fronti�re avec Isra�l. Les parrains am�ricains autant que les filleuls isra�liens s'accommodent �videmment mieux de r�gimes autoritaires et corrompus tels que celui de Moubarak car, discr�dit�s, ils leur mangent dans la main. �Je resterai � vos c�t�s, assurant les responsabilit�s tant que mon c�ur battra, et jusqu'� mon dernier souffle�, Hosni Moubarak. Mercredi 26 janvier : Un jour, toi aussi, etc. ! �a craque aussi au Y�men, pays d'origine de Ben Laden et fief d'Al Qa�da patent�. Pourtant, pas plus l� qu'en Tunisie ou en �gypte, on n'a vu d'islamistes. Lu une pancarte brandie a Sana� : �Ben Ali est parti apr�s vingt ans, trente ans au Y�men, �a suffit.� A Sana� toujours, � l'appel de l'opposition, les manifestants r�clament �son� d�part. Ali Abdallah Saleh a battu le record de Ben Ali, en �tant au pouvoir depuis... depuis 1978. Un projet d'amendement de la Constitution pourrait ouvrir la voie pour une pr�sidence � vie... Comme en Tunisie, �gypte, Alg�rie... L� o� �a p�te pr�cis�ment. Et tout comme dans ces pays, le pr�sident a pour arri�re-pens�e de transmettre la pr�sidence � son fils a�n� Ahmad, chef de la Garde r�publicaine, unit� d'�lite de l'arm�e. Comme quoi, c'est lorsqu'on se tait que l�on se fait avoir, car les manifestations ont eu pour effet d�obtenir que Saleh vienne d�clarer � la t�l�vision : �Nous sommes une r�publique, et je suis contre la transmission du pouvoir.� �L�h�ritage est un g�teau que vous recevez lorsque vous n�avez plus de dents pour le manger�, Fred Allen. Jeudi 27 janvier : Les riches ont peur� de quoi ? Davos. Club des riches sous les cristaux de neige suisse. Pour participer � des discussions qui font un �cho cossu � la d�sesp�rance des peuples, il faut casquer 115 000 euros par t�te de pipe. �a co�te cher la larme de crocodile ! Alors que les peuples r�affirment leur ras-le-bol des dictateurs, les puissants r�unis � Davos, qui eux s'en accommodent, peinards dans leur station helv�tique, en se fichant du tiers comme du quart que les banques d�vorent les biens de l'humanit�, la contraignant � la mis�re, parlent... de s�curit� et de terrorisme ! Tous ceux qui se soul�vent contre l'incroyable puissance des ma�tres du monde ne peuvent �tre que des islamistes et des terroristes ! On le sait ! La Tunisie, le Y�men, l'�gypte et l'Alg�rie ont beau prouver le contraire, rien n�y fait ! Ils se ressassent tant et si bien � cette vieille fiction qu�on en arrive � les croire ; ce n'est pas que les islamistes n'existent pas, on est h�las bien plac�s pour le savoir ! Mais de l� � surarmer des r�gimes corrompus pour combattre leur peuple sous pr�texte que le danger islamiste est tapi l�, il y en a un peu assez, non ? �Il n�y a pas de mauvais riches. Il y a des riches et c�est tout�, Jean-Paul Sartre. Vendredi 28 janvier : Moubarak grogne ! Le sphinx de Kahira est sorti de sa tani�re. Toute la journ�e, il a fait le mort, envoyant ses soldats et ses flics tabasser ce populo criant � pleins poumons : �D�gage Moubarak !� Puis, dans la nuit, alors que des milliers d��gyptiens se sont moqu�s du couvre-feu qu�il avait instaur�, il condescend enfin � parler. Tandis qu�on lui demande � lui de d�gager, il consent � changer... de gouvernement ! C�est l�ennui avec l�autisme ! Encore un qui ne daignera comprendre l'in�luctable que forc� et contraint ! Il faut le sortir, ce gars, pour qu�il pige ! Et l�ennui, c�est qu�il a des �mules dans le monde arabe. Quand comprendront-ils, ces vieux croulants, que les peuples ne sont pas des jouets entre leurs mains et que le pouvoir n�est pas un legs transmissible de p�re en fils ? On n�est pas dans la politique mais dans l��ducation : un peu de pudeur, pardi ! Ils poussent les peuples � les mettre � la porte ! �La pyramide reste et on le voit. Mais on oublie le pharaon�, Uuno Kailas.