Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Apr�s un mois de tergiversations silencieuses, le chef de l�Etat consent enfin � passer de timides messages au pays. Loin de la solennit� du discours � la nation, il a pr�f�r� donner des signaux � travers le canal du communiqu�. Celui qui, habituellement, sanctionne le traditionnel Conseil des ministres. Ainsi, au-del� du contenu de l��nonc� m�me, Bouteflika s�est efforc� formellement d�ignorer le caract�re grave de la situation en ne lui accordant que le diagnostic courant du cabinet de l�ex�cutif. Cette mani�re de manifester de sa capacit�, au moment o� l�on supputait du contraire, aussi bien que le style qu�il s�est choisi pour le faire savoir ne manqueront assur�ment pas de subtilit�s, en termes de communication. De celles qui rusent avec les faits et les �v�nements afin d�absorber les menaces qui les sous-tendent. Rem�de Comme certains observateurs perspicaces pouvaient s�y attendre, Bouteflika s�est, une fois de plus, efforc� de distiller, sous le contr�le d�risoire d�un gouvernement sans force de propositions, des solutions en �vitant soigneusement de s�adresser directement aux interlocuteurs qui lui faisaient probl�me. Il est vrai que dans l�art d�intoxiquer les saines revendications, qui � un moment ou � un autre surgissent, il n�a pas son pareil. En effet, parmi les annonces faites ce jeudi, celle qui concerne la prochaine lev�e de l��tat d�urgence r�sume parfaitement sa m�thode. Pour clore cette �pol�mique �, fait-il �crire dans le communiqu�, le chef de l�Etat n�y voit d�sormais plus aucun inconv�nient sinon celui d�exclure la capitale du b�n�fice des effets induits par son abrogation. Ainsi, les libert�s publiques n�auront d�autre choix pour s�exprimer � Alger que les espaces clos. Autrement dit, des ghettos sous haute surveillance. Or, non seulement cette concession de bon sens est d�s le d�part s�lective mais, de plus, elle n�entrera pas en vigueur imm�diatement. Car sous le couvert d�un l�galisme inappropri�, le chef de l�Etat a �galement d�cid� de charger le gouvernement d�examiner la proc�dure pour, dit-il, faire aboutir la d�marche. La ficelle est grossi�re d�s l�instant o� tous les juristes vous diront que le recours � l�ordonnance en la mati�re est du ressort exclusif du chef de l�Etat qui est en mesure d�abolir un texte identique vieux de 20 ans. Et cela d�un simple trait de plume. Soucieux de savonner la planche sous les pieds de ceux qui tentent d�organiser une marche le 12 f�vrier, avec pr�cis�ment un mot d�ordre relatif � la question, Bouteflika multiplie les artifices s�mantiques et proc�duraux pour, le moment venu, orchestrer la stigmatisation. La relecture plus fine de ce chef-d��uvre de rh�torique rancie sur la qualit� suppos�e des libert�s en Alg�rie, de son multipartisme et de l�honn�tet� des urnes convaincra les plus prudents dans le jugement que les clignotants que vient d�allumer le pouvoir ne sont pas ceux de l�ouverture mais de l��chappatoire. Echapper � la comparaison avec certains r�gimes arabes dans la tourmente auxquels l�opinion nationale s�int�resse passionn�ment comme elle le fait d�un match de football. L�incantation est pesamment pr�sente dans les propos qu�officiellement l�on attribue au chef de l�Etat. Subitement, l�Alg�rie de 2011 devient vertueuse globalement. D�ailleurs, nous dit-on, le ton, la vigueur et la critique acerbe de la presse n�en sont-ils pas un gage et un t�moignage ? Voil� que l�on devient admiratif des officines de la manipulation d�hier ! Rien donc n�est de trop dans la d�claration d�intention de ce jeudi. En marge de la batterie de mesures �conomiques et sociales en direction des jeunes, la litt�rature politique du pouvoir a du coup chang� de lexique pour amorcer � son profit un nouveau consensus. Sauf qu�il a �t� impossible � sa lecture, de �buter� sur la moindre allusion � l�id�e de �changement�. Pas m�me celui d�un gouvernement, parfois injustement d�cri�, mais dont le sacrifice devenait politiquement une n�cessit� psychologique. M�me si l�on admet que Bouteflika ne se laissera pas facilement d�loger, � moins que n�interviennent des d�rapages d�clencheurs, peut-il se pr�valoir encore longtemps de son autorit� s�il ne d�cidait, dans ces moments cruciaux, de donner un autre cap � l�Etat et de r�former, au pas de charge, les institutions ? La question est non seulement pos�e par ceux qui expriment leurs inqui�tudes en s�opposant � lui, mais �galement par les pr�toriens galonn�s qui depuis 1999 l�accompagnent en d�pit du d�senchantement inh�rent � une trop longue pr�sidence. Le fait qu�il se soit r�fugi� dans un proc�d� secondaire (le Conseil des ministres) souligne, une fois de plus, qu�il pr�f�re, dans les circonstances majeures, les louvoiements par canaux interpos�s � la franche explication qu�offre le discours personnalis�. Quelle que soit son habilit� tactique du moment, personne, cependant, ne s�y trompera dans les jours � venir. Moins pour se r�jouir de la fausse concession et des l�nifiantes caresses aux partis et � la presse que pour s�en indigner ou s�en inqui�ter. D�abord de la mani�re dont il pr�sente la situation et ensuite des fausses pistes qu�il semble pr�coniser. Apr�s un mois d�attente, ce premier message est plus que d�cevant pour son auteur. Il est ravageur par l�ambigu�t� dogmatique et �quivoque sur les promesses. Il ressemble d�ailleurs au pouvoir, tel qu�en lui-m�me, un peu plus pi�g� par ses contradictions.