Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Apr�s avoir �t� longtemps un obscur t�cheron du parti unique, il conna�tra enfin la gr�ce de la notori�t� politique au milieu des ann�es 1990. Mis en lumi�re apr�s sa d�signation au CNT (Conseil national de transition), il n�occupera cependant que des hautes fonctions dans l�appareil l�gislatif. Passant du perchoir de l�APN � celui du S�nat, il est devenu, par le hasard de la connivence, le second personnage de l�Etat dans l�ordre des pr�s�ances. Une ascension tout � fait formelle puisqu�elle n�offre aucune possibilit� d�h�ritage de pouvoir, dans le cas particulier de l�Alg�rie. De surcro�t, le personnage, tel qu�en lui-m�me, a tout du falot sans relief que soulignent, d�ailleurs, ses rondeurs physiques et son d�ficit oratoire. Ni tribunitien � forte conviction ni m�me subtil n�gociateur, il n�est finalement reconnaissable qu�� son inclination � l�ob�issance. Celle qui, � travers un vocable moins valorisant dans l�exercice politique, est synonyme de docilit�. Autrement dit, l�aptitude permanente � se couler dans le moule des coteries triomphantes sans toutefois �prouver de g�ne intellectuelle et a fortiori le moindre remords moral. Car chez ce genre de personnalit�, tout doit s�organiser en fonction des privil�ges � tirer en contrepartie de la compromission. Homme de servitude parmi tant d�autres, il a toujours su d�instinct que l�engagement politique n�a de sens que pour ceux qui ignorent de quoi sont faites les gratifiantes fr�quentations du s�rail. Il fait partie de la baronnie du r�gime aux c�t�s de Belkhadem, Ouyahia et certains seconds couteaux du chef de l�Etat. Or, c�est � ce Bensalah, ci-devant premier parmi les pairs d�un S�nat d�op�rette, qu��choit la mission de conduire le dialogue national avec les repr�sentants d�une soci�t�, elle, dramatiquement, r�elle. Une d�cision de Bouteflika qui non seulement jette un autre trouble dans la classe politique tout enti�re mais rend, de fait, caduques toutes les promesses contenues dans son discours du 15 avril. Incapable de se d�partir de la rouerie, � l�origine d�ailleurs de la long�vit� de sa carri�re, le pr�sident ass�ne, par anticipation, un premier coup de canif au projet � travers une telle d�signation. En effet, de par ce qu�il repr�sente dans l��chiquier du palais et ce que sa personnalit� incarne, Monsieur Bensalah n�est-il pas l�arch�type du repoussoir ? Loin de poss�der les qualit�s de mod�rateur d�un dialogue ouvert et surtout le cr�dit de l�impartialit� pour mener les discussions, voire de les synth�tiser objectivement, ce choix du pr�sident du S�nat est d�ores et d�j� jug� par l�opposition comme une provocation. L�on y d�c�le d�j� les indices de l�escamotage futur des r�formes en poussant, par le biais de la d�signation d�un interlocuteur sans qualit� requise, au boycott des consultations. Le sentiment largement partag�, m�me par le MSP, est que le chef de l�Etat vient d�engager des man�uvres en ce sens afin de parvenir � contr�ler la reconfiguration prochaine des institutions de l�Etat. Le reproche est d�autant plus fond� qu�il d�passe la question personnelle du �pilote� et s�attache � la somme de pr�alables que le chef d�sire imposer � l�ensemble de la proc�dure. La relecture du communiqu� du dernier Conseil des ministres est �difiante � ce sujet. A aucun moment il n�a �t� question de �changement� de Constitution mais seulement d�une �ni�me �r�vision� dont pourtant nul n�ignore qu�elle op�re sur les perspectives, lesquelles ne sont que des effets d�optique, alors qu�il faut donner � l�Etat une nouvelle �maison�. Fid�le � l�esprit du syst�me, Bouteflika �vite de d�roger aux r�gles immuables qui le p�rennisent dans ce domaine. Ne prenant pas en compte les exigences que l�histoire des �checs impose, il demeure dans la certitude que le recours � l�hom�opathie des r�formes d�lie des engagements solennels m�me lorsque le pays sombre dans l�incertitude totale. Tout comme les pr�sidents qui l�ont pr�c�d�, l�actuel est �galement impr�gn� de l�id�e fausse que le temps gagn� par le pouvoir le bonifie au lieu de l�user. Et tout aussi bien que ceux qui l�ont devanc�, il continue � s�parer le discours de la m�thode. A partir du premier, il se pr�sente avantageusement comme l�homme providentiel du changement pour ensuite choisir dans la pratique, les voies de traverse afin que rien ne change sur l�essentiel. C�est cette caract�ristique des pouvoirs qui est toujours op�ratoire. Celle du couple suivant : engagement public, ici, et reniement permanent dans l�exercice quotidien, l�. Alors que de toutes parts, des consciences morales tirent la sonnette d�alarme comment expliquer l�amoralit� froide du pouvoir qui l�irrigue de ce cynisme politique visant ni plus ni moins qu�� laisser � quai le train des r�formes promises ? Par sa r�cente initiative, le pr�sident de la R�publique ne commet pas uniquement une erreur d�aiguillage pour le restant de son mandat mais, bel et bien, une faute majeure qui risque de faire d�railler l�Etat lui-m�me.