Point n�est besoin de s�interroger sur les ma�tres-d��uvre qui soufflent sur le vent du changement. A d�faut de comprendre que nous ne sommes plus dans les temps d�avant, ce sera le pari gagn�-perdu du syst�me. Ce ne fut pas un raz-de-mar�e. C�est �vident m�me aux yeux des organisateurs de la marche de ce 2 f�vrier, d�ailleurs confin�e par un impressionnant service de police � un �rassemblement� � la place du 1er-Mai. C�est le pari gagn�-perdu des autorit�s. Mais on parle d�au moins 3 000 participants d�origines socioprofessionnelles diverses et o� se sont c�toy�s, l�espace d�une journ�e, des curieux, des ch�meurs et des non-convaincus. Mais l�on doit dire que cette �marche� a plant� sa symbolique au c�ur m�me d�une atmosph�re g�n�rale de contestation sociale. En cela elle interpelle violemment les tenants du pouvoir en place somm�s de changer. Il souffle un vent de r�volte populaire g�n�rale dans les pays arabes avec pour cons�quence la chute des gouvernants et sa partie la plus visible les chefs d�Etat et la peur qui s�est saisie de ceux toujours en place. Les effets d�annonce sous forme de grandes d�cisions en faveur des populations se multiplient. Tant mieux. L�Autorit� palestinienne aussi n�y �chappe pas suite notamment aux accusations de compromission et de corruption. Pour preuve, la d�mission du principal n�gociateur Saeb Ereqat et l�annonce de l�organisation prochaine d'�lections g�n�rales � tous les niveaux de l�Etat palestinien. Paup�risation acc�l�r�e, train de vie insolant des dirigeants qui, au fil des ans, ont fini par se couper totalement de leurs administr�s (qu�il s�agisse de monarchies ou de r�publiques), absence de perspectives pour les g�n�rations arabes nouvelles, impatientes de s�affirmer dans la dynamique politique et donc de pr�tendre � une quelconque promotion sociale. Us�s par un trop long exercice du pouvoir, les dirigeants arabes ont fini par confondre Etat de droit et Etat de non-droit o� les d�nis de justice se g�n�ralisent, cr�ant alors un syst�me bloqu�, terreau de la protestation sociale et de conflits de tout ordre. Si les disparit�s entre les soci�t�s arabes sont r�elles tant pour ce qui concerne le niveau de vie (aucune commune mesure entre les Emirats arabes unis et l'Egypte ou la Tunisie) ou de l��volution sociale, elles souffrent toutes des m�mes maux : absence de libert�s individuelle et collective exacerb�e par diverses formes de pouvoirs r�pressifs. Aucune voix discordante n�est admise dans le concert d�unanimisme anim� par une client�le prompte � faire all�geance en �change d�avantages en milliards de dollars. Les soci�t�s arabes ou assimil�es vivront aussi de plus en plus mal les traumatismes n�s de l�occupation de la Palestine (premi�re Nakba), les agressions r�p�t�es et impunies des Palestiniens par les Isra�liens, la destruction syst�matique (m�thodique) de l�Irak (deuxi�me Nakba) depuis les ann�es 1990. Les dirigeants arabes, qui en ont conscience par ailleurs, nourrissent un grave complexe face � �l�ennemi isra�lien sioniste� du fait des d�faites militaires successives jamais accept�es par leurs populations au demeurant. C�est la fuite en avant dans le confort et la vie facile qu�offre une manne p�troli�re vue comme un bien personnel. L�argent du p�trole leur assure une certaine qui�tude par la distribution de dividendes � des cat�gories sociales plus conscientes, c�est-�-dire acheter leur silence ou les forcer � l�exil quand il ne s�agit pas tout simplement d�emprisonnements arbitraires, de harc�lements judiciaires, etc. En Alg�rie, � la diff�rence des autres pays arabes, le populisme � du fait m�me de la nature du pouvoir � est encore une pratique politique malgr� la disparition du parti unique, la fin de l�Etat providence. Le pouvoir redistribue une partie de la rente p�troli�re sous diverses formes (logements, augmentation des salaires, �quipements sociaux, sant�, �ducation�) dans une d�marche de (mauvaise) gestion des �quilibres socio-politiques, la paix sociale� L�av�nement du multipartisme a permis d�att�nuer les antagonismes pouvoir-opposition. Il ne faut pas oublier que la pr�sident s�appuie, du moins en apparence, sur une coalition de partis conservateur (FLN), d�mocrate ou se revendiquant comme tel (RND) et islamiste bon ton (MSP). Avec les autres formations politiques dont les plus en vue, le FFS, le RCD, le FNA, Ennahda, le syst�me s�offre une fa�ade d�mocratique que confirmerait le pluralisme de la presse, du moins priv�e. Mais vingt ans apr�s la promulgation du multipartisme, le syst�me que l�on a voulu mettre en place a fini par �tre r�duit � n�ant par les d�cideurs de l�ombre qui reprennent d�une main ce qu�ils ont l�ch� de l�autre. Pi�g�e dans un engrenage diabolique auquel elle n�a su faire face du fait de son inexp�rience, l�opposition prend brusquement conscience de sa st�rilit� et de la vanit� de toute action politique dans un cadre balis� par de multiples interdits, l��tat d�urgence, la menace terroriste et les infiltrations (fr�quentes dissidences). Inexorable, le temps va les mettre � nu : les �meutes du mois de janvier dernier en sont l�exemple le plus flagrant. Vis-�-vis du pouvoir, ils sont infantilis�s et r�duits � des quantit�s n�gligeables (hogra). D�s lors, se posera pour ces partis un probl�me de l�gitimit�, argument qu�utilisera sans scrupule un pouvoir pr�occup� par casser de l�opposant et de s'inscrire dans la dur�e. Pourtant, aveugle, ce pouvoir doit aussi sa survie � ces partis politiques de l�opposition et aux autres voix discordantes qui vont lui procurer un semblant de cr�dibilit�, voire de soutien public ainsi que l�a proclam� Louisa Hanoune du Parti des travailleurs (PT). La diff�rence est l� d�avec les autres pays arabes dont la configuration politique se r�sume � la minorit� faisant partie du clan du pouvoir en l�absence de relais ou de zones-tampons. Voici donc une bonne opportunit� pour le syst�me de se r�former au risque de courir � sa perte, au pouvoir de s�ouvrir davantage aux revendications de la soci�t�, pour la justice, les libert�s. Ce sont �galement les avertissements que lui lancent pacifiquement les marcheurs emp�ch�s de marcher. Le temps presse. Point n�est besoin de s�interroger sur les ma�tres d��uvre qui soufflent sur le vent du changement. A d�faut, ce sera le pari gagn�-perdu du syst�me.