«Pain, liberté et dignité», ce sont les mots d'ordre des manifestants égyptiens qui continuaient hier à réclamer le départ du président Moubarak. Pour certains spécialistes, la révolte du peuple égyptien est d'essence socio-économique, car les richesses économiques ne profitent pas aux populations, réduites à la pauvreté et à la précarité extrême. En effet, des chefs de partis politiques et des scientifiques se sont exprimés à ce sujet en précisant que les multinationales et certains hommes d'affaires riches, proches du pouvoir égyptien, ont la main sur tous les biens, y compris les médias audiovisuels privés dont les programmes incitent à la violence et à la prostitution. La dignité et l'honneur des Egyptiens ont été bafoués, a tenu à souligner dans une intervention sur la chaîne El Jazira, le politicien Saïd Rafet, ajoutant que la politique de privatisation et d'économie libérale a accéléré l'appauvrissement de la société, au point d'affamer le peuple. «Les Egyptiens ont honte de leur gouvernement. Un gouvernement dont le seul objectif est de soutenir Israël et les Etats-Unis d'Amérique. Il a renoncé à ses principes de pays musulman et arabe. Le peuple ne peut se reconnaître dans un système pro-occidental. Nous n'avons pas besoin des Américains pour nous dicter notre système économique et social…», a fait savoir encore ce responsable. Des spécialistes américains soutiennent dans ce contexte que Moubarak suit les instructions du cabinet du président Barack Obama, sachant que les Etats-Unis octroient des aides financières depuis des années à l'Egypte en contrepartie de concessions politiques. L'Egypte est le pays le plus peuplé des pays arabes, comptant plus de 80 millions d'habitants. La situation socio-économique est précaire, avec un taux de chômage élevé (officiellement à 9%), la pauvreté et l'exclusion. La moitié de la population a moins de 24 ans. Cette explosion démographique a des conséquences lourdes pour l'économie du pays. 94,5% du territoire est recouvert par le désert. Dès lors, la population se concentre dans la vallée du Nil, dont la densité moyenne est de 1500 habitants/km⊃2;, sur 1000 kilomètres de long. Le revenu moyen ne dépasse pas 100 dollars par mois, alors que les richesses sont captées par moins de 10% de la population. L'économie repose globalement sur quatre rentes régulières : le Nil, l'histoire, le canal de Suez et sa position géopolitique au Moyen-Orient. En 2008, les recettes globales étaient de l'ordre de 40 milliards de dollars, alors que la dette extérieure s'élève à plus de 20 milliards de dollars. Le pain, toujours le pain ! Les conditions de vie des Egyptiens sont dramatiques à telle enseigne que la scolarisation, la santé et l'accès à l'alimentation ne sont pas garantis par l'Etat. L'envolée des prix des matières premières connue ces dernières années a provoqué à plusieurs reprises des émeutes. En 2008, le pays avait été secoué par des «émeutes de la faim». Depuis le mois de novembre 2010, des manifestations contre le prix de la farine, notamment, ont eu lieu. L'Egypte est devenu un grand importateur de céréales dans le monde accentuant sa fragilité. «Le pain» a toujours constitué une des revendications de la population. Les réformes économiques engagées ces dernières années n'ont pas rassuré les populations. Le pays est totalement bradé. Les fléaux sociaux, tels que la consommation de drogue, la prostitution, la violence urbaine, la consommation de l'alcool, les programmes de télévisions indécents… ont transformé radicalement la frange juvénile. L'Egypte du panarabisme et lieu de savoir, ainsi que du rayonnement spirituel musulman, est devenue au fil des années la risée du monde arabe. Sollicité à ce propos, l'économiste algérien Abderahmane Mebtoul a souligné «l'absence de la bonne gouvernance» et de «l'Etat régulateur». «Les autorités publiques égyptiennes ont laminé la couche moyenne et bradé les richesses du pays. Malgré les atouts historiques, géographiques et intellectuels, l'Egypte est devenue fragile à telle enseigne que le peuple meurt de faim. C'est inconcevable pour le pays de Gamal Abdenasser», a affirmé cet expert persuadé que la révolte est menée par le peuple égyptien contre l'injustice qui a trop duré.