Par Zineddine Sekfali, ancien ministre Un compatriote vivant � l��tranger observait r�cemment que les t�l�visions fran�aises consacraient r�guli�rement dans leur journal de 20h, au moins une minute, pour rappeler aux Fran�ais que 8 de leurs concitoyens sont encore retenus en otages, en Somalie, en Afghanistan et quelque part dans le Sahel africain ; par contre, remarquait-il, nos m�dias � �crits ou t�l�vis�s � ne soufflent mot sur les 17 Alg�riens enlev�s il y a quarante- cinq jours, par des pirates au large de la Somalie. Personne n�ignore, du reste, que chaque fois qu�un rapt de Fran�ais a lieu, les autorit�s fran�aises �tablissent des contacts avec les ravisseurs, par divers canaux officiels ou parall�les. Il est plus que probable aussi que des tractations, directes ou indirectes, ont lieu en vue d�obtenir la lib�ration des ces huit otages. Tout le monde sait en outre que plusieurs otages fran�ais enlev�s entre le Golfe d�Aden et l�oc�an Indien ont �t� lib�r�s par des commandos de l�arm�e fran�aise. Mais il est malheureusement exact que, s�agissant de l�affaire des otages s�questr�s � bord du vraquier le Blida, les Alg�riens n�ont eu droit qu�� des informations d�une l�g�ret� d�solante. En effet, qu�a-t-on �appris� � propos de ce rapt commis contre des Alg�riens ? D�abord, qu�on a mis en place deux �cellules de crise� dans deux d�partements minist�riels, pour suivre l��volution de cette grave affaire et pour agir, dans toute la mesure du possible, en vue de la lib�ration des otages alg�riens. Deux cellules pour une m�me crise, cela para�t d�une opportunit� discutable : une seule cellule, comprenant � la fois des repr�sentants du minist�re des Affaires �trang�res, du minist�re des Transports et �ventuellement des services de s�curit� serait amplement suffisante et sans doute plus efficiente. Peu de temps apr�s, un responsable alg�rien a cru devoir d�clarer que l�on ne savait pas encore o� se trouvait exactement le navire d�tourn�. Or, il suffit pour le savoir de s�enqu�rir aupr�s du commandement de la force op�rationnelle dite �Atlante� qui dispose dans cette zone infest�e de pirates d�une quinzaine de navires de guerre et de quatre � cinq avions. Cette force a pr�cis�ment re�u mandat de la communaut� internationale de surveiller la zone, de prot�ger les navires marchands qui y naviguent, et en cas de besoin, d�intervenir pour pr�venir ou faire cesser tout acte de piraterie. On apprenait, par ailleurs, que la soci�t� IBC, qui semble �tre l�armateur et le fr�teur du Blida, a une autre cellule de crise ; il para�t que c�est � son niveau que les contacts et les n�gociations se font. Mais c�est par �la diplomatie ukrainienne �, car il y a des Ukrainiens parmi les s�questr�s, qu�on a eu les premi�res bonnes nouvelles sur nos otages ! Ce fut ensuite, par le biais du P-dg de IBC que nous parvinrent d�autres nouvelles cens�es �tre rassurantes. Car nous devinons ais�ment que les marins alg�riens d�tenus par de redoutables pirates ont des familles aux besoins desquels ils subviennent et qu�en fait, ils sont en train de vivre, eux-m�mes, comme leurs familles qui savent qu�ils sont entre les mains de dangereux criminels, des moments tr�s difficiles. Les pirates n�agissent, aujourd�hui comme jadis, qu�� des fins lucratives. Piraterie et ran�on marchent de pair ! Personne � cet �gard ne peut ignorer que les rapts avec demande de ran�on ne s�ach�vent de mani�re heureuse que de deux mani�res : l�une, par l��limination parfois physique des auteurs du rapt, et l�autre, par le versement de la ran�on exig�e. Dans les deux cas, les op�rations sont difficiles et al�atoires. Il est de plus certain qu�il est impossible de faire admettre aux parents, �pouses et enfants des s�questr�s, qu�on ne peut rien entreprendre pour lib�rer ces derniers. M�me, en effet, si certains admettent que payer des ran�ons � des pirates ou � des terroristes, c�est d�une certaine mani�re leur donner des moyens de commettre d�autres crimes, il restera toujours, sinon des remords, un sentiment amer de regret, quand l�issue est fatale pour les personnes s�questr�es. Ne jamais payer, par principe, de ran�on est assur�ment une d�cision tr�s lourde. La sagesse voudrait que l�on ne d�cide qu�au cas par cas. Il y a dans cette affaire dix-sept personnes et, donc, au moins dix-sept familles concern�es : cela fait trop de situations dramatiques. Et puis, que pourrait-on dire � ces familles si les autres marins non alg�riens sont lib�r�s sains et saufs, apr�s versement d�une ran�on ? Il serait en outre judicieux de s�assurer avant de d�cider de quoi que se soit que les Etats qui ont des nationaux s�questr�s acceptent ou non de verser des ran�ons. Les pays anglo-saxons et les Etats-Unis d�Am�rique en t�te n�acceptent jamais, dit-on, de payer des ran�ons. Qu�est-ce qui le prouve ? Les �tats-Unis versent des �primes� parfois consid�rables aux informateurs et �chasseurs de primes� : n�est-ce pas l� un moyen d�tourn� mais aux cons�quences proches du paiement d�une ran�on ? Les Am�ricains ne n�gocient jamais avec les terroristes, affirme-t-on aussi. C�est vrai et faux � la fois : les autorit�s am�ricaines ne n�gocient jamais directement avec des terroristes, mais il arrive qu�elles n�gocient par personnes interpos�es qui peuvent �tre des personnes priv�es �trang�res. Rappelons, enfin, que les �tats-Unis ont dans cette zone une v�ritable armada qui prot�ge avec efficacit� leurs navires marchands. S�agissant de la mani�re de r�agir de nos pouvoirs publics � propos de ce rapt dont sont victimes des Alg�riens, deux questions se posent. La premi�re est : pourquoi n�engage-t-on pas de poursuites p�nales ? Nos juridictions sont pourtant comp�tentes pour conna�tre des crimes et d�lits commis, m�me en haute mer, sur des navires alg�riens : notre l�gislation p�nale est sans ambigu�t� sur ce point. Nos juridictions sont d�ailleurs d�autant plus comp�tentes, si je puis dire, que les victimes sont des Alg�riens. Engager des poursuites signifie ouvrir une instruction qui permettra � un juge d�envoyer des commissions rogatoires � ses coll�gues somaliens et � d�autres services qui ont la possibilit�, m�me si cela para�t difficile, d�identifier les pirates. La deuxi�me question est : n�avons-nous r�ellement aucune prise sur les �v�nements ? Serions-nous d�munis de tout moyen d�investiguer sur place, dans cette r�gion ? Pourtant, un c�ble diplomatique destin� au D�partement d�Etat am�ricain et diffus� par WikiLeaks r�v�le que l�Alg�rie soutient le gouvernement somalien dans sa lutte contre les �shebab�, et lui fournit du mat�riel de guerre. N�y a-t-il pas l� une sorte d�ouverture qu�il conviendrait de sonder et d�exploiter ? La vie de dix-sept Alg�riens et l�avenir des leurs se jouent pr�s des c�tes somaliennes. La vie de ces travailleurs innocents n�a pas de prix. Leurs familles m�ritent qu�on s�y int�resse et qu�on leur �vite le pire. Est-ce trop demander que de vouloir savoir si l�affaire est suivie au quotidien par les autorit�s comp�tentes et quelles mesures concr�tes sont prises pour la sauvegarde de ces concitoyens ? A quoi faut-il imputer ce silence autour de cet acte de piraterie ? A l�indiff�rence ? A l�impuissance ? A un simple oubli ? Ou � cette bien f�cheuse culture du secret qui s�vit chez nous et qu�on r�sume en ces mots : �Circulez, y a rien � voir� ?