Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, et le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, sont venus à Kaboul plaider la cause de deux journalistes français enlevés il y a près de six mois en Afghanistan mais n'ont pu rencontrer le président afghan. Les deux hommes ont tenté en vain d'être reçus par Hamid Karzaï. La rencontre prévue dans la matinée au palais présidentiel a été reportée à l'après-midi avant d'être finalement annulée pour des raisons d'agenda. Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier, journalistes à France 3, ont été capturés le 29 décembre dans la province de Kapisa, au nord-est de Kaboul, avec deux accompagnateurs afghans. Après une rencontre informelle avec des membres des services de renseignements français sur le terrain, Hervé Morin et Patrick de Carolis ont dit avoir bon espoir de recueillir des preuves de vie des captifs, qui étaient apparus dans une vidéo diffusée au mois d'avril. «Nous avons de bons espoirs et nous avons des témoignages qui semblent nous indiquer que nos deux compatriotes sont en vie», a dit le ministre à la presse. «Ce que nous souhaitons, dans le cadre des discussions indirectes qui peuvent exister avec les ravisseurs, c'est que nous ayons une preuve de vie, comme nous avons eu une vidéo il y a quelques mois», a-t-il ajouté à la base française de Tora, dans le district de Surobi. On pouvait apercevoir derrière lui, à une vingtaine de kilomètres au sud, le sommet enneigé de la montagne au pied de laquelle court la route où ont été enlevés les deux reporters, qui travaillaient pour le magazine «Pièces à conviction». Selon Hervé Morin, les otages, qui sont souvent déplacés par leurs ravisseurs, ne sont pas aux mains «d'un réseau mafieux mais d'un réseau taliban» aux motivations plus politiques. En réponse à l'impatience des familles et des nombreux soutiens des otages, le ministre de la Défense a souligné qu'un dialogue était maintenu avec les ravisseurs. «De toutes les conversations que nous pouvons avoir, nous avons aujourd'hui le sentiment qu'un dialogue commence à opérer, que ce dialogue nous laisse espérer que nos deux compatriotes pourraient un jour ou l'autre, dans les semaines ou dans les mois qui viennent, retrouver la liberté», a dit Hervé Morin. «Cela nous semble moins fermé aujourd'hui qu'hier». Patrick de Carolis lui a fait écho. «Les négociations continuent, c'est le même canal, ce sont les mêmes négociateurs et aux dires de mon interlocuteurs (le chef des services secrets français-NDLR), les échanges s'intensifient, donc pour nous c'est un signe encourageant». «Mais on est en Afghanistan et le temps ici n'est pas le même qu'en Europe», a-t-il ajouté. Selon des sources proches du dossier, les ravisseurs demanderaient notamment la libération d'une vingtaine de prisonniers afghans. Venu en Afghanistan pour la deuxième fois depuis l'enlèvement des journalistes, Patrick de Carolis, lui-même ancien journaliste, s'est adressé aux ravisseurs pour «leur dire que nos confrères sont des journalistes, qui étaient là pour comprendre le pays, pour témoigner, pas pour faire la guerre». Il a invité les ravisseurs à libérer leurs otages en vertu des «lois d'hospitalité qui honorent le peuple afghan». «C'est un pays déchiré, un pays qui souffre et il ne faut pas ajouter une souffrance à une autre souffrance», a-t-il dit. Les forces françaises présentes dans la zone ont ajouté à leurs missions la participation aux efforts pour libérer leurs deux compatriotes. «La meilleure façon d'avoir des nouvelles des otages c'est de ne pas en parler», souligne un officier français de la base de Tora. «La présence des otages nous limitent dans un certain nombre d'actions», a-t-il reconnu. Après une visite aux bases de Tora et Tagab, le ministre de la Défense a présidé en fin de journée une cérémonie de levée de corps du brigadier de 29 ans tué la semaine dernière par un tir d'artillerie dans la vallée de Tagab. Son cercueil a repris le chemin de la France à bord de l'avion du ministre. Il s'agit du 44e soldat français tué depuis le renversement du régime taliban en 2001 en Afghanistan, où la France a déployé quelque 3 500 soldats.