Pour retrouver la trace des deux reporters de France 3, enlevés au mois de décembre en Afghanistan, l'Etat français a déboursé la rondelette somme de 10 millions d'euros. L'information dévoilée dimanche sur les ondes d'Europe 1 par le chef d'état-major des armées fait l'objet d'une grosse polémique. Elle ne dit cependant pas si les renseignements obtenus par les autorités françaises se sont effectués en échange de versement de sommes d'argent. Ce qui, en d'autres termes, signifierait que des rançons ont été payées en vue de faire retrouver la liberté aux deux journalistes pris en otage depuis maintenant près de soixante jours. Une démarche qui tend à court-circuiter l'initiative algérienne soutenue en particulier par les Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et la Russie. Faut-il rappeler que l'Algérie, en vue de lutter plus efficacement contre les groupes terroristes, a déposé une motion auprès du Conseil de sécurité pour sanctionner le paiement de rançons contre la libération des otages? Le débat qui, en tous les cas, fait rage dans l'Hexagone suite aux déclarations du haut responsable militaire français, a fait fi de cette question. Est-ce dû au fait que l'exercice de la présidence du Conseil de sécurité est assuré par la France durant ce mois de février? A moins que l'approche de la résolution de ce type de problème ne bénéficie d'une autre vision de la part du gouvernement français. Sur un plan purement humain, il est, bien entendu, souhaité et sans aucune ambiguïté que nos deux confrères retrouvent leurs familles sains et saufs. L'affaire cependant fait grand bruit et si le les kalachnikovs et l'artillerie lourde continuent de résonner dans les montagnes d'Afghanistan, les 10 millions dépensés à ce jour pour retrouver la trace des deux journalistes faits prisonniers par probablement des taliban, ou des groupuscules qui leur ont prêté allégeance, font jaser: milieu des médias et classe politique confondus. La discrétion et la retenue devaient être de mise. De vives réactions ont pris le relais. Elles fusent et tombent à bras raccourcis sur le chef d'état-major. Les responsables français ne sont plus à une maladresse ou à un dérapage près. C'est ce qui aura caractérisé le mandat de Nicolas Sarkozy qui s'achèvera en 2012. «Nous avons déjà dépensé plus de 10 millions d'euros pour s'occuper de cette affaire. Je donne le chiffre parce que j'appelle à la responsabilité des uns et des autres» avait déclaré, il y a deux jours, Jean-Louis Georgelin, au cours de l'émission du «Grand rendez-vous Europe1/Le Parisien/Aujourd'hui en France». La réplique de la direction de France Télévisions qui emploie les deux hommes de presse enlevés, n'a pas tardé: «Il n'était pas, jusque-là, dans les habitudes de la France d'évaluer le coût du rapatriement de citoyens français retenus contre leur gré à l'étranger. Si un tel débat devait avoir lieu, peut-être fallait-il attendre le retour de ces deux journalistes pour l'ouvrir» a-t-elle indiqué dans un communiqué. L'association de défense des journalistes n'a pas été par trente-six chemins et a qualifié cette polémique naissante de nauséabonde. «C'est la troisième fois depuis l'enlèvement de ces deux journalistes, le 29 décembre 2009, que les autorités françaises relancent la polémique, alors qu'elles ont demandé de faire preuve de discrétion et de retenue», a tenu à rappeler RSF. Il faut savoir que Nicolas Sarkozy puis, plus tard, le secrétaire général de l'Elysée, avaient dénoncé «l'irresponsabilité» des deux hommes enlevés en Afghanistan. «Ils font courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées qui, du reste, sont détournées de leur mission principale», avait soutenu Claude Guéant qui n'a pas manqué de les accabler en précisant qu'ils avaient fait preuve «d'une imprudence vraiment coupable». Le sang d'anciens otages journalistes n'a fait qu'un tour. Florence Aubenas, Georges Malbrunot, Philippe Rochot...se sont déclarés choqués et indignés par les propos du chef de l'Etat français et du secrétaire général de l'Elysée. «Tout ça fait le jeu des ravisseurs et pas de l'otage. On arrive à un résultat inverse à celui recherché», a prévenu Georges Malbrunot qui a été détenu pendant plusieurs semaines en Irak en 2004. «Dans une démocratie...les journalistes sont des vigies indispensables. Peut-être est-ce là ce qui gêne le gouvernement: que les Français soient informés d'une guerre qui s'enlise, sans stratégie de sortie», a fait justement remarquer Martine Aubry qui a recentré le débat. La première secrétaire du Parti socialiste a mis sans aucun doute le doigt sur la véritable raison de la présence de la France en Afghanistan et de ce qui fait courir Sarkozy à travers certains conflits qui embrasent la planète, en particulier au pays de la...burqa.