Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Apr�s la Tunisie et l'�gypte, on s�attendait tous � voir le syst�me Kadhafi en Libye tomber � son tour. Nous pr�voyions d�ailleurs comme titre de notre chronique d�aujourd�hui �Le syst�me Kadhafi explose� avant de nous raviser devant la r�sistance du syst�me et la reconqu�te par les troupes de Kadhafi des positions perdues. Les analystes du cas libyen s�accordent aujourd�hui � reconna�tre que la transition politique de la Libye ne ressemblera en rien � celles qui s�op�rent en Tunisie et en Egypte. Elle ne peut pas �tre pacifique � cause de la structure du pouvoir mis en place par Kadhafi. 1- La Libye, un pays singulier D�abord 3 dates : 1951 : la Libye est le premier pays africain � acc�der � l�ind�pendance. 1969 : Mouammar El Kadhafi, jeune militaire, prend le pouvoir et devient le �Guide de la r�volution�. 1977 : La Libye devient R�publique arabe de Libye populaire et socialiste, (Jamahiria), une sorte de soci�t� � �d�mocratie directe�. 2- La Libye est une soci�t� tribale Les tribus ont toujours exist� en Libye. Au temps du roi, elles �taient sur le point de dispara�tre politiquement et c�est Kadhafi qui a remis en selle le syst�me tribal pour l�utiliser � ses propres fins. Trois tribus dominent la vie de la soci�t� : � l�est du pays Al Zaouya ; � Benghazi la tribu El Warfalla (1 million d�individus) ; au centre du pays, la tribu El Kadhafa (tribu du colonel Kadhafi). Kadhafi a soumis les tribus notamment en les opposant les unes aux autres de mani�re discr�te, en les soudoyant (rente p�troli�re) et en leur laissant quelque r�le social. A c�t� des tribus, deux autres forces sociales participent � l��quilibre de la soci�t� : les grands commer�ants des grandes villes tr�s puissants et la grande confr�rie religieuse des Senoussi. Kadhafi, en captant l�essentiel des ressources du pays constitu�es par la rente p�troli�re, tient entre ses mains l��quilibre entre toutes ces forces sociales et, tel un marionnettiste, il �tait ma�tre du jeu de ces acteurs. Mais progressivement, et par une logique implacable de pouvoir, Kadhafi a disloqu� cet �quilibre au profit surtout de sa tribu (Kadhafa) et en l�sant les autres tribus et surtout les grands commer�ants. * Le syst�me politique libyen En Libye, il n�y a ni constitution, ni s�paration des pouvoirs, ni s�curit� juridique. Le �Livret Vert� sert de loi fondamentale du pays. Ce livre dans lequel Kadhafi d�veloppe sa conception de la gouvernance. De plus, il n�y a pas d�opposition politique structur�e, pas de partis politiques constitu�s ni d�ONG. Les partis politiques qui existaient (nasseristes, ba�sistes, de gauche) ainsi que le mouvement syndical important ont disparu progressivement et une loi promulgu�e en 1972 interdisait toute organisation politique et syndicale. Bien �videmment, ces mouvements interdits et non structur�s existent quand m�me dans la clandestinit� (nationalistes arabes, extr�me gauche, centre droit�). * Le syst�me de gouvernance de Kadhafi est bas� fondamentalement sur la r�pression : ex�cution, enl�vements, emprisonnements. Aucune marge de libert� n�est laiss�e et seul �le Guide de la r�volution� d�cide. La croissance �conomique ne prot�ge pas les despotes Lorsqu�on examine la situation �conomique mais surtout financi�re de la Libye on ne s�explique pas la r�volte sociale que conna�t actuellement ce pays. La croissance �conomique est de +5% en moyenne annuelle depuis 2006. Elle a atteint m�me en 2010 +10,3%. Le PIB par habitant est de 12.100 dollars en 2010. Les r�serves de change couvrent 37 mois d�importation. Les chiffres du FMI sont les suivants : Les relations �conomiques ext�rieures sont satisfaisantes comme l�indiquent les donn�es suivantes : La Libye entretient d��troites relations �conomiques avec l�Union europ�enne (75% des exportations libyennes) et surtout avec l�Italie (1/3 des exportations de la Libye). La Libye poss�de des participations dans plusieurs soci�t�s italiennes et notamment dans les banques italiennes : 3,6 milliards d�euros. Dans le domaine p�trolier, plusieurs compagnies �trang�res sont pr�sentes en Libye : BP, Shell, Statoil, ENI, Total� On voit bien, contrairement � ce que l�on pourrait croire, que l��conomie libyenne est ouverte sur l�ext�rieur par son commerce, par ses hydrocarbures, par ses programmes d�investissements publics (infrastructures, habitat) dont la r�alisation est confi�e � des entreprises �trang�res. Une �conomie riche bien que monorenti�re, une �conomie qui investit beaucoup, une �conomie qui redistribue. Pourtant, croissance �conomique et redistribution n�ont pas suffi � prot�ger le despote. Les Libyens souffrent de l�autoritarisme du �Guide�, de l�absence de d�mocratie, de l�absence de droit. Arriveront-ils � engager le syst�me politique libyen sur la voie de la modernisation et de l�ouverture. La question est d�autant plus grave que �l�Occident de la d�mocratie�, ces Etats des droits de l�homme et des libert�s, semblent avoir d�autres calculs que l�imp�rieuse n�cessit� de secourir des populations bombard�es quotidiennement par leur propre �Guide�. En dehors des agitations du pr�sident fran�ais Nicolas Sarkozy � peine soutenu par son homologue de Grande- Bretagne, les membres du G8, � leur t�te les USA, ont d�autres calculs : le p�trole et le gaz libyens, le terrorisme dans la r�gion sah�lo-saharienne, r�gion sensible s�il en est, la menace des boat-people et de la forte pouss�e des flux migratoires semblent avoir raison des principes et des valeurs d�humanisme et des droits de l�homme que ne cessent d�afficher les pays occidentaux. Aider � faire tomber Kadhafi sans savoir quel syst�me lui succ�dera, d�stabiliser la Libye fournisseur d�hydrocarbures et pion essentiel dans la lutte anti-Aqmi est un risque que le G8 refuse de prendre.