Lâché par la communauté internationale et qualifié de «despote», le colonel Kadhafi était sommé, hier, dans des termes de moins en moins diplomatiques de partir, alors qu'une crise humanitaire commence aux frontières de la Libye. Ainsi, après les sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU qui a décidé de renvoyer la situation en Libye au procureur de la Cour pénale internationale, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé, hier également, au départ du «despote» libyen Kadhafi. De son côté, le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a estimé que le départ de Mouamar Kadhafi est «inévitable», ajoutant que la situation en Libye a atteint «un point de non-retour». Pour la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, la répression de l'insurrection en Libye aura des «conséquences». Ignorant toutes ces réactions et déclarations ainsi que la pression de la rue libyenne, Mouammar Kadhafi s'accroche au pouvoir à Tripoli. Sur place, l'opposition prépare un gouvernement de transition dans l'est de la Libye, au 13e jour d'une insurrection sans précédent : les dirigeants de l'opposition ont réussi à mettre en place un «Conseil national» de transition représentant les villes tombées aux mains de l'insurrection. A l'Ouest, d'intenses combats ont eu lieu comme à titre d'exemple dans Zawiyah où les manifestants anti-Kadhafi semblaient contrôler hier cette ville après des affrontements qui ont fait plus de 35 morts, selon la Ligue libyenne des droits de l'Homme. Dans la capitale, les habitants vivent terrés, alors que des miliciens pro-Kadhafi patrouillaient dans la rue et que l'électricité a été coupée dans certains quartiers. Selon le Foreign Office, «la sécurité s'est détériorée à l'aéroport de Tripoli ces dernières heures». Mais pour Seïf Al Islam, un des fils du dirigeant libyen, la situation est «excellente» dans les trois quarts du pays, quoiqu'il y ait une «volonté intérieure de changement». En réalité, pour tenter d'endiguer la vague de contestation, le pouvoir de Kadhafi a annoncé, vendredi dernier, une aide de 500 dinars aux familles libyennes, ainsi qu'une augmentation de salaire de 150% pour certains fonctionnaires. Le message a été diffusé par SMS dans les quartiers qui n'ont pas connu de manifestations et, hier, premier jour d'ouverture des banques après l'annonce, de nombreux habitants de Tripoli ont voulu profiter de l'aubaine, formant de longues queues devant les banques. Les 500 dinars proposés par Kadhafi sont loin d'endiguer la révolte libyenne et le bilan des violences dans le pays, difficile à évaluer actuellement, risque d'augmenter après l'appel lancé par le «Guide» libyen à ses partisans pour prendre les armes contre les rebelles. Face au chaos, l'évacuation des différents ressortissants étrangers continuait hier dans des conditions difficiles. Près de 100 000 personnes, majoritairement des travailleurs égyptiens et tunisiens, ont déjà quitté le pays par air, mer et via les frontières tunisienne et égyptienne. Le haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés a lancé un «appel urgent» à la mise en place des «équipes d'urgence» pour apporter l'aide nécessaire aux milliers de personnes qui ont fui l'insécurité. M. Guterres a demandé à la communauté internationale de «fournir des aides humanitaires urgentes» à la Tunisie et à l'Egypte pour les aider à faire face à l'afflux massif de leurs ressortissants ayant fui les violences. A signaler, enfin, que des experts avertissent contre un «vide politique» en Libye en cas de chute du régime de Kadhafi. Selon le journal New York Times, l'experte en affaires libyennes Liza Anderson a prévenu qu'il y avait des chances de voir les violences s'accroître dans ce pays à la faveur de «règlements de comptes». Le «pire des scénarios» présagés par ces experts analystes, précise le New York Times, serait que les manifestants «fassent tomber Kadhafi» et que «le réseau terroriste El Qaïda ou les groupes radicaux profitent de la situation de violence et de désordre dans le pays pour agir». H. Y.