Par Brahim Taouchichet H�ritier du groupe Benamor dont il porte le nom, Mohamed La�d a �t� r�cemment �lu pr�sident du Conseil interprofessionnel des c�r�ales (CIC), structure publique appel�e donc � �tre �pilot�e� par un patron du secteur priv�. Ce n�est pas un hasard si une telle charge lui est confi�e par le minist�re de l�Agriculture et du D�veloppement rural sachant son exp�rience r�ussie dans le domaine de la tomate industrielle. Le nouveau challenge concernera un secteur autrement plus sensible de par son caract�re strat�gique, � savoir le bl� que l�Alg�rie continue d�importer en grande quantit� malgr� l��volution de la production nationale. Pour tous, c�est de s�curit� alimentaire dont il est question et chacun des intervenants a en m�moire la catastrophe de 2008 o� le prix du bl� avait atteint des records jamais �gal�s. En exclusivit� pour Le Soir d�Alg�rie, le nouveau directeur du CIC a bien voulu se pr�ter � cette s�rie de questions concernant la vocation et les objectifs de cette structure d�importance pour le secteur des c�r�ales. Le Soir d�Alg�rie : Patron du groupe priv� sp�cialis� dans l�agroalimentaire dont vous portez le nom, vous venez d��tre nomm� � la t�te d�une structure publique importante, en l�occurrence le Conseil interprofessionnel des c�r�ales. Quelle signification donnez-vous � cette nomination ? Mohamed La�d Benamor : J�ai �t� �lu en tant que pr�sident de ce comit� qui se compose des repr�sentants de l�ensemble des cat�gories professionnelles de la fili�re c�r�ales et de ceux des boulangers et des pouvoirs publics concern�s. Au-del� du sentiment de fiert� de pouvoir servir cette noble mission au sein du CIC, je peux dire que le comit� constitue un cadre adapt� nous permettant de contribuer � davantage d�engagement et d�efforts � l��gard du secteur agroalimentaire et particuli�rement la fili�re c�r�ales, sujet de grande attention actuellement de la part des pouvoirs publics, une attention � la mesure de la place �minemment strat�gique qu�occupent ces produits dans le syst�me de la consommation nationale. Les activit�s de ce comit� national ont �t� r�activ�es r�cemment sous l��gide de M. le ministre de l�Agriculture, pr�c�d�es de l��lection et de l�installation des conseils r�gionaux (au nombre de six). Outre leur caract�re organique, ces activit�s s�inscrivent � pr�sent parmi les axes de la politique de renouveau agricole avec notamment l�implication des diff�rents acteurs de l�interprofession. En quoi consiste ce Conseil, sa composante, ses objectifs ? Il s�agit en fait d�un organe consultatif national faisant partie de l�organisation statutaire de l�OAIC. Toutes les cat�gories professionnelles de la fili�re c�r�ales sont repr�sent�es au sein de ce comit� dont les membres sont d�sign�s pour une dur�e de trois ans ; � savoir les agriculteurs repr�sent�s par le biais de leurs associations, les transformateurs et les �leveurs. Le CIC est charg� de formuler des avis et recommandations en mati�re de politique g�n�rale de la fili�re, d�organisation du march� et des campagnes d�int�r�t national (moisson-battage notamment), de d�termination des prix, ainsi que des moyens de renforcement de l�OAIC en tant qu�instrument de l�Etat dont la mission est d�organiser, d�approvisionner, de r�guler et de stabiliser le march� national des c�r�ales et des d�riv�s des c�r�ales. Ce Conseil vous para�t-il �tre le moyen suppl�mentaire visant � donner plus d�atouts au secteur de la c�r�aliculture dans la perspective de la s�curit� alimentaire ? Effectivement, le CIC constitue un cadre organique d��tude et de proposition touchant les aspects d�organisation, de d�veloppement et de promotion de ce secteur strat�gique. En ce sens, on peut consid�rer cet organe comme un des leviers par le biais duquel s�expriment � la fois l�organisation et les actions consensuelles des intervenants de la fili�re en mati�re de s�curit� alimentaire. Il faut n�anmoins noter que le concept de s�curit� alimentaire rel�ve d�une strat�gie �conomique d�ensemble qui passe par la mobilisation et la valorisation de toutes les potentialit�s agricoles et de leur environnement. C�est, en tout cas, le cap fix� par les axes strat�giques de mise en �uvre de la politique de renouveau agricole et rural qui visent le renforcement de la s�curit� alimentaire de la nation. Le CIC aura n�cessairement, dans le cadre de ses missions, � �mettre les recommandations habilit�es de ses membres, au titre du d�veloppement des productions, des param�tres li�s � la consommation, des actions et moyens de r�gulation, et de stabilisation du march� et des prix. Vu sous l�angle de la demande, notre pays reste un gros importateur et donc tr�s d�pendant quant � sa s�curit� alimentaire. Malgr� l�annonce d�une embellie concernant la production mondiale de bl�, il est question d�une guerre du bl� pour cette ann�e 2011 ? Par effet de ricochet, ces �v�nements se sont r�percut�s sur l'ensemble des march�s macro-�conomiques et plus particuli�rement dans le complexe des mati�res premi�res agricoles. La crise qui s�vit en Libye a �t� �clips�e par un s�isme suivi d'un tsunami au Japon. La menace de fusion d'un r�acteur nucl�aire a gravement perturb� le quotidien de la population japonaise. Ces difficult�s ont jou� un r�le important, en faisant planer de l'incertitude sur l'�conomie mondiale et en contribuant � la fluctuation des cours des produits agricoles. Tant sur la sc�ne nord-am�ricaine que dans le monde, l'�quilibre entre l'offre et la demande du ma�s am�ricain aura un effet majeur sur l'�volution des march�s, que ce soit � la hausse ou � la baisse. Cet �quilibre est extr�mement serr� pour la campagne 2010-2011. Par cons�quent, le volume de la production de 2011-2012 importera au plus haut point. A ce stade de la campagne, les intentions de semis de ma�s am�ricain demeurent une cible en mouvement. Les estimations vont de 36 � 38 millions d�hectares. En termes de maintien de la bulle boursi�re, le bl� a beaucoup moins de chances de profiter de l'�lan haussier. Les stocks sont abondants et le potentiel de production pour 2011-2012 s'annonce bien et semble s'am�liorer dans les r�gions autres que l'Am�rique du Nord. Il faut bien se rappeler toutefois que les cours du bl� avaient d�j� fortement chut� avant le s�isme. Cette chute �tait due � la lourdeur du bilan de l'offre et de la demande. On pr�voit que les stocks mondiaux de bl� atteindront 180 millions de tonnes � la fin de la campagne 2010-2011. La production de 2011-2012 fournira des indices suppl�mentaires au sujet de l'orientation � la hausse ou � la baisse des cours du bl�. Selon les premiers indices, le bl� restera relativement abondant. La production est estim�e � pr�s de 660 millions de tonnes et, � moins d'une baisse suppl�mentaire des perspectives de production au Canada ou aux �tats-Unis, ce nombre pourrait augmenter � 670 millions de tonnes. Au-del� de 665 millions de tonnes, la production de bl� surpassera presque assur�ment la consommation mondiale, ce qui se r�percutera n�gativement sur les prix du bl�. Produit strat�gique s�il en est, le bl� conna�t, depuis ces derni�res ann�es, de fortes tensions sur le march� international. Quelles sont, selon vous, les conditions d�un approvisionnement r�gulier du march� pour parer aux risques d�une p�nurie ? Dans la gamme des produits c�r�aliers, le bl� dur en particulier subit effectivement des tensions r�guli�res sur le march� international. Cela est d�autant plus remarquable que les besoins de consommation de notre pays sont �volutifs face � un march� mondial traditionnellement restreint. Les perspectives de prix du bl� dur ont subi les m�mes effets d'incertitude dus � la situation macro-�conomique et g�opolitique que ceux qui agissaient sur le bl�. La baisse des cours � terme du bl� depuis ces derni�res semaines de 2011-2012 a nui aux prix du bl� dur. Les prix ont baiss� � la fois dans le monde et sur les march�s nord-am�ricains. Les �changes de bl� dur ont ralenti, ce qui a contribu� � m�nager les stocks de cl�ture 2010-2011. Les perspectives de production de bl� dur pour la campagne 2011-2012 se sont am�lior�es depuis le mois dernier, du fait que les conditions m�t�orologiques observ�es dans les bassins de culture du bl� dur de notre r�gion et de l'Union europ�enne continuent de laisser entrevoir une r�colte abondante. Toutefois, le grain n'est pas encore engrang�, et ces r�gions auront besoin de conditions aussi propices que celles observ�es actuellement au moment de la moisson pour que ce potentiel favorable se concr�tise. Contrairement au mois dernier, globalement, on ne pr�voit plus de forte diminution des stocks de cl�ture chez les trois grands exportateurs de bl� dur, soit le Canada, les �tats-Unis et l'Union europ�enne, par rapport aux niveaux de l'an dernier. Au Canada et en Europe, les stocks devraient rester pratiquement inchang�s de 2010-2011 � 2011-2012. M�me si les stocks de cl�ture am�ricains sont appel�s � diminuer en 2011-2012, ils seront encore relativement abondants. En fait, on pr�voit que les stocks de report am�ricains de bl� dur seront � leur plus haut niveau depuis 1999-2000. En 2011-2012, on pr�voit que les stocks de cl�ture des �tats-Unis seront encore cinq fois plus �lev�s qu'en 2007-2008, et ce, malgr� une baisse de 20%. Les donn�es de production auront une grande influence sur l'orientation des prix du bl� dur � la hausse ou � la baisse. Au Canada, on pr�voit que les emblavures augmenteront de 23% et que la production augmentera de plus d'un million de tonnes. L'ensemble de ces perspectives nous permettent d'entrevoir que les conditions d'approvisionnement � venir ne conna�tront pas de perturbations et qu�il n y aura donc objectivement pas d�inqui�tudes � nourrir au sujet d�une �ventuelle p�nurie. Ceci sans compter l�apport r�el et l�gitime des ressources attendues de la production locale. Votre challenge r�ussi dans le domaine de la tomate industrielle vous incite � vous impliquer dans celui, autrement plus complexe, des c�r�ales o� les enjeux sont sans doute bien plus importants. De quels arguments disposez-vous pour relever un tel d�fi ? Vous parlez du programme d�am�lioration de la qualit� des bl�s durs, qui est actuellement dans sa phase exp�rimentale. Ce projet a �t� lanc� � notre initiative � l��chelle de la r�gion Est et a recueilli les encouragements du minist�re de l�Agriculture et de D�veloppement rural. Au cours des journ�es d��tude organis�es � cet effet, les producteurs c�r�aliers potentiels ont particip� intens�ment aux d�bats touchant � toutes les questions d�ordre organisationnel, technique et �conomique qui caract�risent le r�seau d�adh�sion mis en place d�s cette campagne 2010/2011. Sur le plan technique, les producteurs ont �t� particuli�rement �difi�s sur les incidences commerciales des bl�s locaux telles que constat�es au niveau de la transformation en produits d�riv�s (semoules, p�tes, couscous�). En tant que professionnels, ils ont ais�ment adopt� la n�cessit� de mieux ma�triser les itin�raires techniques de production, pour optimiser les rendements et mieux valoriser les potentialit�s des vari�t�s locales. Au plan de l�organisation, les r�gles de l�interprofession qui r�gissent les relations entre les intervenants de la fili�re permettent davantage de concertation, de sensibilisation et aussi d�engagement en vue d��laborer des programmes visant l�am�lioration de la qualit� et des rendements des c�r�ales de la production locale. L�effort participatif de tous les acteurs est bien entendu soutenu gr�ce � des formes diverses d�accompagnement et d�appui. Le soutien de l�Etat est confort� et intensifi� � travers la politique de renouveau agricole, telle que la garantie des revenus des agriculteurs. L�argument �conomique se d�cline aussi par le biais de primes d�encouragement et d��mulation que nous mettons en place dans le cas sp�cifique du programme de stimulation de la qualit�. D�velopper les rendements � l�hectare, gagner de nouveaux espaces cultivables. Quels sont, selon vous, les priorit�s sachant la configuration climatique et la g�ographie des sols en Alg�rie ? Il est utile de mentionner que la culture des c�r�ales en Alg�rie correspond globalement � une r�partition g�o-climatique, d�o� le zonage par esp�ce de c�r�ale qui pr�vaut en g�n�ral. Dans ce cas, l�option intensification par le biais de programmes de modernisation des cultures c�r�ali�res constitue une option difficilement contournable. La priorit� ne se pose donc pas en termes d�espaces cultivables, mais essentiellement en orientant les actions et les moyens de d�veloppement � intensifier vers des esp�ces comme le bl� dur dont les besoins sont � la fois importants et sp�cifiques face � une production locale insuffisante et des disponibilit�s mondiales � tendance baissi�re. Par ailleurs, l�extension des superficies implique l�utilisation des terres morcel�es dont la mise en valeur n�cessiterait de lourds investissements pour une production al�atoire. Il serait plus ad�quat de pr�coniser l�option de l�irrigation d�appoint pour �lever les rendements. L�agroalimentaire, en d�pit de ses capacit�s � prendre son envol, reste un segment fragile dans la cha�ne de production alimentaire sachant sa d�pendance de l�offre locale de bl� �faibles rendements, production insuffisante et faible qualit� meuni�re � d�o� le recours aux importations et donc son aggravation... Dans le secteur c�r�alier, nous constatons en effet que les unit�s de transformation des bl�s, qui se sont d�velopp�es � partir des ann�es 1990, occupent � pr�sent une place importante dans l�industrie agroalimentaire, en raison des capacit�s de trituration dont elles disposent. Nous pr�cisons toutefois que ces industries, qu�elles soient de nature priv�e ou publique, agissent au sein d�un march� sp�cifique d�approvisionnement des populations et pas simplement de libre commercialisation. D�o� la pr�pond�rance des imp�ratifs de r�gulation qui s�op�re par le biais de l�ad�quation des ressources aux besoins en mettant en �uvre les m�canismes d��valuation des ressources nationales et du recours � l�importation. Nous avons indiqu� pr�c�demment que la strat�gie � suivre pour sortir de cette situation, et r�duire notre vuln�rabilit� et notre d�pendance des al�as ext�rieurs, consiste � favoriser fortement l�intensification de la culture des esp�ces dominantes, tout en mettant en place des programmes soutenus et durables de d�veloppement de la qualit� de nos productions. A la lumi�re de votre exp�rience �vos relations avec le monde des c�r�aliculteurs �, quelle serait la �feuille de route�, � court terme, du Conseil que vous pr�sidez maintenant ? Les d�lib�rations du comit� doivent porter sur l�ensemble des sujets que lui conf�rent ses attributions organiques. Les missions � �tablir comme plan de charge � court terme sont n�anmoins dict�es par les priorit�s inscrites dans la politique nationale c�r�ali�re qui visent en particulier la stabilisation du march� en termes de disponibilit�s et sur le plan �conomique. Quant � l�objectif central qui est la s�curit� alimentaire et la r�duction de la d�pendance � moyen terme, il doit constituer une pr�occupation imm�diate et permanente de tous les intervenants de la fili�re, par le biais d�actions concr�tement d�finies, int�gr�es et encourag�es. Pour cela, nous allons pr�coniser et favoriser en premier lieu toute forme de partenariat et/ou de conventions entre op�rateurs qui tendraient non seulement � r�aliser une meilleure productivit� d�une part, et � am�liorer les performances en termes de production, de r�gulation et de fluidit� de la commercialisation ainsi que de la qualit� des produits offerts, d�autre part. Cette d�marche permettra de d�cloisonner les relations d�activit�s entre les diff�rents intervenants et d�asseoir une vision commune et un fonctionnement durable.