Par Mohamed Benchicou Dans les bons comme dans les mauvais polars, la guerre des gangs est toujours l��pisode ultime par lequel meurt le pouvoir du parrain agonisant. La �famille� se d�chire inexorablement, mue par une irr�sistible confrontation entre impatients et pr�somptueux, entre arrivistes et pr�tentieux. Les mauvais fils. Ceux qui ne canalisent pas leurs ambitions, les bad boys d�testables qui ne respectent pas la pr��minence de l�h�ritier. Encourag�s par l�absence d�une vraie autorit�, ils se jettent, sans pudeur, sur le bout de gras. Chez nous, on dit qu�� Batna trois personnes, dont un policier, ont �t� bless�es dans des affrontements entre militants du Front de lib�ration nationale (FLN) devant le si�ge de l'ex-mouhafada de Batna. Mais l�anti-Alpacino v�ritable, le vrai bad boy, s�appelle Aboudjerra Soltani. Un lieutenant recueilli par la famille pour les besoins de la politique-spectacle et qui a os� revendiquer un droit de succession. Soltani, le mauvais fils, d�sormais � bannir. A neutraliser. A abattre. Lui qui b�n�ficiait des avantages et de la consid�ration de la famille, celui qu�on a associ� � tous les gouvernements depuis 1997, qu�on a introduit dans le palais, promu membre de l�Alliance aux c�t�s des fils l�gataires, eh bien, lui, il a os� outrager le Godfather : �Les hommes politiques doivent prendre leur retraite � 70 ans�... Il a commenc� � montrer ses longues dents en 2009 d�j�, r�vant tout haut du poste de Premier ministre. �Je ne fuirai pas mes responsabilit�s. Je dirai oui si le Pr�sident Bouteflika me le demande�, a-t-il laiss� tomber, le 27 juillet, devant l�universit� d��t� des jeunes militants de son parti, � Birkhadem. Le chef de l�Etat ne l�a pas contact�, mais qu�� cela ne tienne. Un mois plus tard, le 29 ao�t 2009, Aboudjerra Soltani r�v�le au quotidien Asharq el-Awsat qu�il s��tait fix� comme objectif la conqu�te du pouvoir en 2012. �Vous savez, cette ann�e-l� (2012 Ndlr) co�ncidera avec le 50e anniversaire de l�Ind�pendance du pays. Nous avons toujours pr�dit qu�il nous faut au moins un demi-si�cle afin que le flambeau de la g�n�ration qui a lib�r� le pays transmette le pouvoir � la g�n�ration de l�Ind�pendance. Nous avons coch� cette date parce qu�elle co�ncide avec le 50e anniversaire de l�ind�pendance du pays. Et nous repr�sentons justement cette g�n�ration et ses pr�occupations futures.� Bien entendu, Soltani ne veut pas d'une d�mocratie qui le pousse dehors. L'Assembl�e constituante ? �Nous sommes contre cette id�e. Nous ne voulons pas retourner � 1963. Nous ne voulons pas ruiner les acquis des Alg�riens et retourner cinquante ans en arri�re. Nous voulons avancer et non pas reculer. Nous ne voulons pas h�riter des d�saccords survenus entre les compagnons d�armes apr�s l�ind�pendance.� Pas folle, la gu�pe ! Il franchit la ligne rouge en formulant un discours oppos� � celui de la �famille�. Belkhadem et Ouyahia sont pour un statu quo, un �changement dans la continuit� ? Alors, lui, Soltani, dira l�inverse : �Il est temps de proc�der � des changements profonds et vastes. Des changements qui doivent �tre � la hauteur des aspirations du peuple alg�rien. Des changements d�une Alg�rie qui se pr�pare � f�ter le cinquantenaire de son ind�pendance en 2012. Il est inconcevable que l�Alg�rie f�te ses cinquante ans d�ind�pendance avec la m�me mentalit�, la m�me politique et les m�mes t�tes.� ( L�Expression du 22 mars) Belkhadem et Ouyahia sont pour l�interdiction des marches dans la capitale ? Lui : �Nous sommes pour l�autorisation des marches pacifiques � Alger � condition qu�il y ait des engagements de la part des partis politiques qui souhaitent marcher.� Belkhadem et Ouyahia sont contre l�agr�ment de nouveaux partis politiques ? Lui : �Nous soutenons les libert�s. L�agr�ment de nouveaux partis doit �tre soumis � deux conditions. On ne revient pas � la trag�die nationale. C�est une ligne rouge. La seconde condition est de respecter la Constitution et les lois de la R�publique, ne pas menacer l�unit� nationale et garantir une valeur ajout�e pour le pays.� Et pour mieux irriter, il clame, le front haut, que �les r�formes politiques indispensables en Alg�rie doivent �tre port�es par d'autres personnalit�s que celles qui sont actuellement au pouvoir�. Soltani, en plus d��tre la preuve vivante de la nature mafieuse de notre r�gime, est �galement l�incarnation de l�opportunisme qui en est la mie. Comment un parti qui a vot�, en 2008, l�amendement de l�article 74 de la Constitution en vient-il � revendiquer aujourd�hui une nouvelle loi fondamentale o� le pr�sident de la R�publique est r��ligible une seule fois ? �Je ne vois aucune contradiction. En 2004, nous avons choisi de nous allier au chef de l�Etat pour lui permettre d�achever ses objectifs, notamment celui de passer de la concorde civile � la r�conciliation nationale. En 2009, la situation s�curitaire et politique en Alg�rie nous a impos� le besoin d�accorder au Pr�sident Bouteflika un autre mandat. Nous l�avons fait dans l�int�r�t de la nation. Il est dans l�int�r�t national, aujourd�hui, de revenir � la situation ordinaire visant l�alternance au pouvoir. Cela n�cessite une r�vision globale de la Constitution limitant le mandat pr�sidentiel. � Alors, �Qu�il s�en aille�, a d�cr�t� Ahmed. Le mauvais fils n�est plus indispensable : �M�me avec le retrait du MSP, nous avons une majorit� au sein de l�Assembl�e nationale populaire. Avec les 137 d�put�s du FLN et les 62 autres du RND, nous sommes � 199 d�put�s, nous sommes, donc, majoritaires.� Mais comme dans tous les mauvais polars, le bad boy se rebiffe : Soltani n��carte pas l��ventualit� de faire imploser la coalition pr�sidentielle. �Notre avenir dans cette coalition sera tranch� en juillet prochain, � l�occasion de la r�union du conseil consultatif (majliss echoura). Nous appliquerons � la lettre les d�cisions qui sanctionneront cette r�union. Si les participants jugent utile de nous retirer de l�Alliance, nous le ferons, s�ils d�cident le contraire, nous appliquerons �galement.� ( l�Expression publi�e le 22 mars 2011). Ainsi se terminent les r�gimes sans morale : en nous l�guant les monstres qu'ils ont enfant�s.