Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] R�bellion arm�e dans le nord-ouest, mouvement s�cessionniste dans le sud, Al Qa�da tr�s pr�sente dans le pays : le Y�men est en proie � l�une des plus importantes d�stabilisations de son histoire. Le mouvement de contestation de grande ampleur que conna�t le Y�men depuis fin janvier et qui exige le d�part du pr�sident Ali Abdallah Saleh n�est pas seulement une �r�volution des jeunes� m�me si le mouvement actuel a �t� initi� par un groupe d��tudiants. Le Y�men : une soci�t� complexe Pays de la p�ninsule arabique, le Y�men y est l�unique R�publique. Elle est n�e de l�unification en 1990 de la R�publique arabe du Y�men au nord et la R�publique d�mocratique et populaire au sud. Aussi bien au nord, o� les militaires ont renvers� en 1962 la monarchie religieuse, qu�au sud o� une lutte arm�e a chass� le colonialisme britannique, le Y�men a v�cu de longues guerres civiles jusqu�� son unification en 1990. Pays le plus pauvre de la r�gion, le Y�men est pr�sid� par Ali Abdallah Saleh qui a �t� pr�sident de la R�publique arabe du Y�men (nord) de 1978 � 1990 puis pr�sident du Y�men depuis 1990. Il est pr�sident de la R�publique depuis 35 ans. Le Congr�s g�n�ral du peuple est le parti politique au pouvoir. Le second parti politique est le Parti socialiste y�m�nite. Pendant longtemps, le Y�men a repr�sent� une exception politique � l��chelle du monde arabe. Au lendemain de l�unification, un processus d�mocratique est engag� avec essor des partis politiques, et des organisations de la soci�t� civile ainsi qu�une presse ind�pendante et, en 1993, l�organisation d��lections pluralistes. En 1994, une guerre civile �clate entre unionistes et s�cessionnistes (sud) et se termine par la monopolisation du pouvoir par le pr�sident Ali Abdallah Saleh et son parti, le Congr�s populaire g�n�ral, qui d�veloppe une gestion r�pressive de la soci�t�. Aujourd�hui, le magazine The Economiste, qui �tablit annuellement un indice de d�mocratie pour 165 pays, classe le Y�men � la 140e place. Abdallah Saleh, alli� aux radicaux islamistes, a impos� son pouvoir sans partage aux conf�d�rations tribales. Il faut rappeler en effet que le Y�men est une soci�t� tribale. Le peuple y�m�nite est un groupement de tribus et �l�Etat lui-m�me fait partie des tribus�. Principalement, deux conf�d�rations tribales dominent la soci�t� : les Hashed et les B�gil. Les Hashed sont largement repr�sent�s au sein de l�Etat et le pr�sident Ali Abdallah Saleh en est issu. L�appareil �tatique est accapar� par la famille de Saleh depuis 32 ans. Le Y�men conna�t trois conflits Nous avons d�j� soulign� que le Y�men est actuellement secou� par trois conflits : 1/ Dans le nord, pr�s de la fronti�re saoudienne �les rebelles Houtis d�fient depuis longtemps le r�gime, d�non�ant les abus et les mesures discriminatoires du gouvernement� (Daniel Byman - in Slate.fr). 2/ Les Y�m�nites du sud, r�volt�s par les discriminations et l�exclusion du pouvoir, s�opposent �galement au r�gime d�Ali Abdallah Saleh. 3/ Le troisi�me conflit est celui entra�n� par les attaques effectu�es par un groupe affili� � Al Qa�da l�Aqap (Al Qa�da in the Arabian Peninsula). Il faut d�ailleurs noter que Abdallah Saleh a souvent travaill� avec ces groupes li�s � Al Qa�da dans sa lutte contre les Houtis et les Sudistes. A ces trois conflits, il faut ajouter les probl�mes �conomiques, d�mographiques et sociaux dont souffrent les Y�m�nites. L��conomie du Y�men Le Y�men fait partie des PMA (pays les moins avanc�s). 45 % de la population vit en dessous du seuil de pauvret�. Dans le classement IDH (indice de d�veloppement humain), le Y�men occupe la 140e place. Le PIB par secteur se r�partit ainsi : 1�/ L�agriculture occupe 62% de la population active. Deux cultures dominent : le caf� et le coton qui sont d�ailleurs des cultures d�exportation. Le caf� qui a fait la r�putation du Y�men est aujourd�hui une culture en d�clin et ne peut plus faire face � la concurrence internationale. 2�/ L�industrie est embryonnaire et se concentre dans l�agroalimentaire qui importe l�essentiel de ses mati�res premi�res. Il s�agit de petites entreprises. 3�/ 70% des revenus du gouvernement et pr�s de 90% des revenus d�exportation proviennent de l�exploitation du p�trole. Mais la faiblesse des gisements et le manque de forages ont consid�rablement r�duit la production qui est, en 2010, de 250 000 barils/jour avec des exportations de 150 000 b/j. Les r�serves du p�trole brut prouv�es seraient de 4 milliards de barils et devraient �tre totalement extraites d�ici 2017. Le pays exporte depuis fin 2009 du GNL (Total) Les revenus procur�s par les exportations de p�trole sont de l�ordre de 600 � 700 millions de dollars. 4�/ Le Y�men b�n�ficie de l�aide multilat�rale : aide au d�veloppement et apports de bailleurs de fonds multilat�raux : Banque mondiale, FMI, Union europ�enne, Pnud ainsi que l�aide de pays arabes (Arabie saoudite, Kowe�t...) pour le financement de projets : eau, sant�, �ducation, aide d�urgence. O� va le Y�men ? Le Y�men est secou� depuis plusieurs semaines par de violentes manifestations antigouvernementales et surtout anti-Abdallah Saleh. L�opposition, m�me fractionn�e, s�est accord�e pour exiger le d�part de Abdallah Saleh. M�me les chefs de tribus qui soutenaient Abdallah Saleh demandent aujourd�hui sa d�mission. M�me l�arm�e s�est fissur�e et le g�n�ral Ali Mohsen Al Ahmar, ancien ami et fid�le du pr�sident, a apport� son soutien aux manifestants. Les analystes sont nombreux � souligner que le Y�men n�est que �tr�s peu gouvern� par le gouvernement central. Les chefs de guerre et de tribus gardent une grande influence�. De plus �l�Arabie saoudite pourrait accro�tre l�instabilit�, Riyad consid�rant le Y�men comme son pr� carr� et a toujours tent� de placer ses candidats sur le tr�ne y�m�nite (sans succ�s jusque-l�)�. Les USA, pour leur part, craignent principalement Al Qa�da et le terrorisme. Il faut souligner que l�influence des USA au Y�men est limit�e ainsi que leur connaissance du Y�men. Hillary Clinton d�clarait le 11 janvier � Sana� : �Dans nos efforts visant � contrer le terrorisme, le Y�men devient un partenaire de plus en plus important (...) Nous ne visons pas seulement les menaces � court terme mais aussi les d�fis durables et nous voulons avoir une politique plus g�n�rale qui contribuera � l�av�nement d�un Y�men uni, prosp�re, stable et d�mocratique.� Elle a pr�cis� : �Les groupes terroristes qui fonctionnent � partir du Y�men sont une source de pr�occupation imm�diate pour le pays et pour les Etats-Unis.� Plus r�cemment, le secr�taire am�ricain � la d�fense, Robert Gates, a reconnu que la chute du pr�sident Saleh ou son remplacement par un gouvernement plus faible poserait un vrai probl�me pour les Etats-unis dans leur lutte contre Al Qa�da. �La branche la plus active et peut-�tre la plus agressive d�Al Qa�da, l�Aqpa, agit depuis le Y�men et nous menons une coop�ration antiterroriste avec le pr�sident Saleh et les services de renseignement y�m�nites.� Quelle sortie de crise ? Alternant le chaud et le froid, le pr�sident Abdallah Saleh se dit pr�t � quitter le pouvoir et a ni� vouloir transmettre la pr�sidence du Y�men � son fils a�n� Ahmed, chef de la Garde r�publicaine. Mais, a-t-il pr�cis�, �quitter le pouvoir, pas tout de suite ni dans n�importe quelles conditions�. Il faut �remettre le pouvoir dans des mains s�res.� Le pr�sident refuse de quitter le pouvoir avant la fin de l�ann�e. Le 23 mars, il a propos� un r�f�rendum constitutionnel, des �lections l�gislatives et pr�sidentielle avant la fin 2011. Auparavant, Abdallah Saleh d�clarait � l�adresse des opposants : �Je les mets au d�fi de trouver des solutions aux probl�mes du Y�men m�me si le pr�sident part dans deux heures (...) On �tait deux pays il y a 22 ans (...) le Y�men sera partag� en 3 ou 4 entit�s et ils (les opposants) ne pourront contr�ler que Sana� et quelques provinces.� Abdallah Saleh peut para�tre aujourd�hui isol�, mais il peut compter encore sur plusieurs soutiens et surtout sur un appareil s�curitaire verrouill� par ses proches. �La Garde r�publicaine, les forces sp�ciales, les forces de s�curit� centrales et la garde sp�ciale lui sont rest�es fid�les�, �crit le magazine fran�ais L�Express du 30 mars. De plus, une large partie de la population voit en lui l�ultime protecteur de la patrie et de l�unit� de la nation. Enfin, les USA h�sitent encore � le l�cher, refusant de �l�cher la proie pour l�ombre� et de se laisser engager dans une aventure risqu�e. De son c�t�, l�opposition est fractionn�e et peine � s�entendre sur un candidat de consensus. Les analystes sont unanimes � consid�rer que si Abdallah Saleh tombe, l�instabilit� du Y�men sera encore plus grande. �Le dialogue reste le meilleur moyen de r�soudre les divergences avec les Houtis et Al Qa�da s�ils d�posent les armes et renoncent � la violence et au terrorisme�, a d�clar� Abou Bakr Al Kourbi, le chef de la diplomatie y�m�nite. Les manifestants, pour leur part, ne veulent rien entendre et demandent express�ment le d�part du pr�sident. Aucune sortie de crise ne se dessine pour l�instant et le Y�men repose la question bien complexe de la transition d�mocratique dans les pays � structure tribale.