Ahmed Benbitour, l�ex-Premier ministre �tait dimanche apr�smidi dans un domicile priv� � Khemis-Miliana o� il a rencontr� de nombreux citoyens de diverses franges de la soci�t� civile devant lesquels il a d�crit la situation de d�liquescence de l�Etat et l�impasse vers laquelle on conduit le pays. Rappelant les diff�rentes exp�riences qu�a v�cues l�Alg�rie, les rendez- vous rat�s avec l�histoire � qui ont brid� l�espoir de millions d�Alg�riens pour la naissance d�une nation puissante et prosp�re, Benbitour prend acte des exp�riences de certains pays comme la Tunisie et l��gypte ou encore celle de la Libye et la C�te d�Ivoire. Pour les premiers cit�s, ce sont les masses seules aux c�t�s de qui la police et l�arm�e se sont ralli�es, dans les deux autres pays, on constate, dit-il, que ce sont les grandes puissances qui, pr�voyantes, ont compris le devenir de leurs int�r�ts futurs et qui, sous le couvert du Conseil de s�curit� de l�ONU, interviennent pour faire partir les autocraties en place depuis des d�cennies. Faisant une r�trospective sur l�histoire r�cente de l�Alg�rie, il rappelle que le CRUA (Comit� r�volutionnaire pour l�unit� et l�action) et ses dirigeants avaient compris qu�il �tait vain de vouloir changer le syst�me colonial de l�int�rieur comme l�esp�raient certaines formations politiques de l��poque. �Cependant, a-t-il ajout�, en 1962 l�Ind�pendance a �t� arrach�e mais sans la libert�.� Il a expliqu� dans son introduction les pr�requis d�un r�el changement � savoir trois facteurs essentiels doivent �tre r�unis : une pression des masses populaires croissante et durable, une alliance entre toutes les forces qui ont opt� pour le changement, et un �l�ment d�clencheur comme cela s�est pass� en Espagne avec la mort de Franco, au Portugal avec la �R�volution des �illets� ou encore en Indon�sie avec le mouvement estudiantin qui a oblig� Suarto � abandonner le pouvoir. Le pouvoir en place en Alg�rie est d�crit par Benbitour comme �tant �un pouvoir autocratique sans contre-pouvoir, patrimonialiste c'est-�-dire un pouvoir avec un chef entour� de cercles de courtisans qui se font concurrence de z�le pour b�n�ficier des largesses du chef�. Toujours, selon l�ex-Premier ministre, le pouvoir actuel est un pouvoir atteint de corruption expliquant par corruption la naissance, et le d�veloppement de petits p�les de pouvoirs, chacun d�eux se consid�rant comme le pouvoir, p�les se combattant et emp�chant des prises de d�cisions d�cisives et salutaires pour tous. Il note que la rente qui est constitu�e pour 77 % des recettes fiscales issues des hydrocarbures est la proie de la pr�dation, tout comme il note que la corruption, se g�n�ralise � l�ensemble des corps de la soci�t�. Selon lui, ces param�tres font que l�Etat devient de plus en plus �d�faillant... dans l�incapacit� d�assumer son r�le de r�gulateur, de prot�ger les biens et les personnes�, accusant le pouvoir de �casser les institutions de l�Etat en prenant l�exemple du Conseil constitutionnel �� qui on fait faire ce qu�on veut�. Cette forme de gouvernance a induit la d�rive vers la d�liquescence de l�Etat, la perte de la morale collective et la pauvret�. �Les pouvoirs autocratiques portent, en eux, les germes de leur destruction� ass�ne-t-il. Faisant une prospective, il note que �tous ces ingr�dients sont maintenant en place et dans les ann�es � venir � l�horizon 2018/2020, c'est-�-dire demain, viendra s�ajouter l��puisement de la ressource p�troli�re et donc des ressources financi�res � distribuer pour calmer les revendications sociales et faire retarder le changement de gouvernance� mais c�est une issue in�vitable�. Ceci a amen� l�orateur � �voquer le co�t du changement pour r�pondre � certaines questions de participants � cette entrevue. Il r�pond par une boutade �il aurait mieux valu hier qu�aujourd�hui et aujourd�hui mieux que demain�. Parlant des promesses d�investissements, Benbitour note que �on promet une enveloppe de 286 milliards de dollars, ce qui repr�sente l��quivalent, en moyenne de 4 milliards de barils de p�trole, soit 50 % des r�serves du pays qui sont de l�ordre de 8, 5 milliards de barils qui, � ce rythme, seront �puis�es � l�horizon 2020 et s�il n�y aura plus de p�trole, il n�y aura plus d�Etat� Au d�but des ann�es 1960, le taux des exportations hors-hydrocarbures �tait de 40 % aujourd�hui, il n�est que de 23 % et on nous parle de l�apr�s-p�trole, l�apr�s-p�trole il faut y penser maintenant et non pas quand il n�y en aura plus�. Sollicit� � donner sa lecture du dernier discours du pr�sident de la R�publique, l�ex-Premier ministre dira : �Ce fut plus la lecture d�une d�claration qu�un v�ritable discours, avec un texte mal con�u, mal �crit, il a manqu� de solennit� d�j� sur le plan de la forme, quant au fond, ce fut une d�claration purement triomphaliste, et surtout aucun agenda des �ch�ances politiques, aucune feuille de route nette et pr�cise, de vagues promesses de d�cisions et des promesses similaires, on en a fait aux Alg�riens sans que de r�els changements aient eu lieu, un simulacre de lev�e de l�Etat d�urgence, aucune pr�cision sur l�ouverture des champs m�diatiques ou politiques, aucune d�cision pour la sauvegarde des ressources naturelles du pays.� Il r�it�re enfin son avertissement � ce que le pays est en danger. �La refondation de l�Etat, de l��conomie et de l��cole constituent des t�ches urgentes � mener�. Enfin, il dira que �c�est aux masses populaires et non pas � l��lite d�obliger les pouvoirs autocrates en place � c�der le pouvoir, des masses sans �za�ms� (leadership) mais il faut d�j� qu�un conseil de transition se mette en place, avec une vraie feuille de route pour asseoir une nouvelle gouvernance et la refondation de l�Etat et de ses institutions�. �Quel sera le prix � payer pour parvenir � ce changement ?� une question pos�e par plus d�un des pr�sents. Il a r�pondu �le co�t sera conjoncturel et bien moindre que s�il interviendra quand il n�y aura plus de rente � distribuer dans quelques ann�es avec l��puisement des ressources p�troli�res�. Mais plusieurs voix se sont �lev�es pour exprimer leur appr�hension et dire que l�Alg�rie a pay� � plusieurs reprises, trop de larmes vers�es, trop de morts, trop de malheurs, le peuple a trop souffert de par le pass�, la facture a �t� �norme, c�est depuis peu que la population commence � respirer la paix. A une question sur l�attitude de l�arm�e, il rappelle qu��elle a promis de ne mener aucune action contre le peuple� c�est une arm�e populaire�.