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«L'Etat est défaillant et dérive vers un Etat déliquescent»
Ahmed Benbitour charge le pouvoir
Publié dans El Watan le 04 - 09 - 2010

L 'Etat est défaillant, pis, il se dirige vers un Etat déliquescent. La sentence vient de l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour.
Invité par l'espace «Mille et une news» qu'organise le journal Djazaïr News pour débattre de la question «Crise et élite», avec l'universitaire Ahmed Cheniki, le premier chef de gouvernement de l'ère Bouteflika n'a pas pris de gants pour parler de la nature du pouvoir algérien. «Il est (le pouvoir) autoritariste dans le sens où il n'accepte aucun contre-pouvoir, il est aussi de nature patrimonialiste, c'est-à-dire, un chef entouré de courtisans zélateurs et qui considère que la société est arriérée et inapte à la politique», a soutenu Ahmed Benbitour. Cette situation a conduit fatalement à «la corruption du pouvoir et comme le mode de production repose essentiellement sur la rente et la prédation, cela mène vers une corruption généralisée de l'argent et une perte de morale collective», a-t-il ajouté.
La connexion entre la corruption du pouvoir et celle de l'argent «ouvre la voie à la corruption généralisée de l'ensemble des composantes du régime et qui déboucherait sur un Etat défaillant et en l'absence de la force régalienne de l'administration, il dérive vers un Etat déliquescent», a tonné l'initiateur du Cercle d'initiative citoyenne pour le changement (CICC). Convaincu de l'impossibilité d'un changement pouvant venir de l'intérieur du système, M. Benbitour a plaidé pour une rupture radicale avec l'ordre établi. «Le changement doit se faire contre le régime en place et non avec lui. Le changement ne viendra pas, non plus, par les élections, ni par la violence», a indiqué M. Benbitour, qui dit exclure toute alliance avec une quelconque frange au sein du régime dans sa démarche pour le changement.
Il propose une voie «révolutionnaire», mais sans qu'elle ne soit l'émanation d'une dynamique politique et sociale. Pour lui, la refondation du système passe par «l'alliance des élites qui disposent d'une capacité d'influence et d'une force tirée du savoir et de l'argent». «L'élite se doit de s'emparer de l'initiative du changement pour qu'elle ne subisse pas la marginalisation, comme ce fut le cas à la veille du déclenchement de la guerre de Libération», a-t-il estimé.
Sans faire dans le parallèle, M. Benbitour a remonté dans le cours de l'histoire pour convaincre par son propos. «La situation actuelle est similaire à celle qu'a connue l'Algérie en 1953. La nation algérienne vivait une répression féroce, les élites étaient embourbées dans des conflits politiques et une jeunesse sans avenir. Une situation de blocage, puis vint le groupe des neuf qui créa le Comité de la Révolution et l'unité d'action (CRUA) avec une innovation en matière d'action politique. Aujourd'hui, nous sommes face à la même situation, il faut tirer les leçons du passé. Un moment crucial que les élites ne doivent pas rater.» Que faire et comment ? La fameuse question est toujours d'actualité. En bon élève de l'école anglo-saxonne, M. Benbitour veut rompre non seulement avec le système, mais également avec les méthodes classiques de lutte. Il ne croit pas à l'efficacité des partis politiques. «Je ne crois pas à l'efficacité des partis politiques aujourd'hui, car ils se sont inscrits dans la logique du système. Leur fonctionnement n'est pas du tout démocratique, ils ont fini par reproduire les même méthodes que celles du régime», a-t-il informé.
Lui, il prône une démarche inédite. Il dispose d'une solution toute faite. Un canevas. Il a préconisé une innovation en matière d'organisation politique et dans les instruments du changement. Cinq éléments résument sa démarche. «Une force motrice avec un discours mobilisateur, une vision, un leadership avec une équipe compétente du changement, des règles de fonctionnement démocratiques, un certain nombre de personnalités nationales d'appui et enfin l'alliance de tous les gens qui adhèrent au projet du changement.»
Cependant, si la thèse défendue par celui qui avait osé dire non à Bouteflika en démissionnant de son poste de chef de gouvernement a eu «l'approbation» de nombre de ceux qui ont assisté au débat, certains n'ont pas manqué d'apporter la contradiction.
«Dire qu'il ne faut pas compter avec les partis, ne rejoint pas totalement le discours du pouvoir qui dit aussi que les partis ont échoué et donc il les ignore. Les élites (savoir et argent) sont-elles les seules forces du changement ? sont-elles partisanes de l'ordre?», se sont-ils interrogés.


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