[email protected] Il para�t qu'on va y avoir droit. Comme on n�en parle jamais chez nous, il faut tendre l'oreille vers les chancelleries et les m�dias �trangers pour recevoir des bribes d'information. Notre pays est tellement cot� � l'�tranger gr�ce � ses diplomates et � ses scandales � la vol�e, que nous pourrions �tre les prochains sur la liste. Nous avons de fortes chances, en effet, et au vu de nos performances actuelles, d'�tre le prochain pays d'adoption de Kadhafi. Comme ce dernier a toujours r�v� d'installer son baldaquin et ce qui va avec, de ce c�t�-ci de la fronti�re(1), son r�ve pourrait �tre exauc�. N'oublions pas que le potentat libyen dispose ici de solides amiti�s, bien haut plac�es, et qui ne s'en cachent gu�re, �vitons donc de leur faire de la publicit�. J'avoue ici que je n'ai pas trop de sympathie pour les insurg�s de Benghazi, depuis que j'ai appris que leur chef �tait l'ancien magistrat qui a condamn� les infirmi�res bulgares. Mon amiti� pour les rebelles en g�n�ral et pour ceux de Libye en particulier a encore c�d� du terrain sous les assauts conjugu�s des contingents vid�os en provenance du Qatar. Ajoutons que j'ai toujours consid�r� avec suspicion la naissance impr�vue de taches de pi�t�(2) sur les fronts de mes coreligionnaires. Et M. Abdeldjalil, le chef du parti de Benghazi, en arbore une superbe et visible de loin, � croire que la maquilleuse d'Al-Jazeera le suit de tr�s pr�s. Mais, apr�s m�res r�flexions et pesage du pour et du contre, apr�s avoir fait abstraction des stigmates d'�nergiques prosternations, la balance a franchement pench� du c�t� des insurg�s. Que diable ! Il faut une sacr�e dose d'altruisme pour se prendre ou se surprendre d'affection, non seulement pour Belkhadem, mais aussi pour ses amis, qu'ils soient de Tripoli ou d'Alger. Or, il ne s'agit pas de choisir entre la peste et le chol�ra, puisque le couple l�tal est identifi� sous son appellation tribale et domicili� en si�ge social � Tripoli. Nous ne sommes donc pas confront�s � l'alternative du pire, alors que les malheureux habitants de Mesrata savent d'o� il vient. Il s'agit juste d'�chapper ici au pire, et donc � Kadhafi et � sa famille mortif�re. Cela dit, malgr� les efforts inou�s que je fais pour oublier que la vraie tache sur le front de M. Abdeldjalil, c'est la condamnation des infirmi�res bulgares, je pourrais changer d'avis. Et la seule d�cision qui risque de me pousser � une r�vision d�chirante de ma position de �soutien critique� � l'insurrection, ce serait la perspective inqui�tante, voire dramatique, de voir Kadhafi fusionner avec nous et sur notre propre terrain. L'id�e peut sembler a priori effrayante, ce qui ne la rend pas moins sens�e et cr�dible dans le suppos� pays d'�lection du futur tyran d�chu(3). Une telle �ventualit� prend encore plus de consistance dans un pays o� des hommes s'attachent � nous persuader que les douze plaies de l'�gypte �taient un joyeux interm�de � c�t� de ce qui nous est arriv� et de ce qui nous attend. Et puis, comment ne pas croire � cette �ventualit� lorsqu'elle est �voqu�e par les Am�ricains eux-m�mes ? Chaque jour qui passe avec ces �r�volutions� arabes nous confirme que m�me lorsqu'ils n'ont pas allum� l'incendie, ils arrivent avant les pompiers. Ce qu'il y a de chang� dans les rapports des Am�ricains avec leurs vassaux arabes, c'est que Washington arrive d�sormais � satisfaire les petites dol�ances de leurs alli�s. Il suffit juste qu'ils s'abstiennent de trop en demander lorsqu'il s'agit d'Isra�l et de sa marge de man�uvre illimit�e dans la r�gion. Au-del� des plans strat�giques, impliquant le gendarme isra�lien, ce qui se passe dans la r�gion pourrait se r�sumer � une histoire de petits cadeaux entre amis. Aujourd'hui, si le Qatar vous tient dans son collimateur et pointe sur vous les cam�ras de sa cha�ne Al-Jazeera, vous pouvez commencer � faire vos bagages, les �Mirages� ne sont pas loin. Et si, de surcro�t, l'�mir actionne son arme fatale, le cheikh Karadhaoui, vous avez encore moins de possibilit�s de vous maintenir et plus de chances de partir sans absolution. Un confr�re arabophone(4) s'insurgeait r�cemment contre le fait que la speakerine alg�rienne d'Al-Jazeera, Khadidja Bengana, avait os� critiquer le pr�sident Bouteflika. Du coup, on aurait pu croire que les jours du concern� �taient compt�s, alors qu'il n'en est rien : seuls l'�mir et Karadhaoui sont habilit�s � donner cong� et � excommunier. Ainsi, le sort de Kadhafi a �t� scell� d�s que le Qatar en a fait son affaire personnelle, si l'expression est admise. Au d�but de l'intervention de l'Otan en Libye, l'�ditorialiste du quotidien londonien Al-Quds, Atouane Abdelbari, annon�ait que la prochaine cible serait la Syrie. Il ne croyait pas si bien dire puisque notre distingu� confr�re ne d�daigne pas de tirer quelques salves sur Bachar Al-Assad, tout en d�non�ant le complot am�ricain. Ce �complot� se pr�cise donc, puisqu'� la suite du Qatar, l'Arabie saoudite fait donner, � son tour, sa brigade d'intervention th�ologique. Sur la lanc�e de Karadhaoui, Salah Al-Louhaydan, le r�put� membre du grand conseil des th�ologiens saoudiens, a lanc� une violente attaque contre le r�gime de Bachar Al-Assad. Dans un document vid�o disponible sur YouTube, le cheikh a qualifi� la Syrie d'�tat �d�bauch�, corrompu, dangereux et apostat�. En cons�quence, il a appel� les Syriens au �djihad� et � la lutte contre le r�gime impie, m�me au prix de leur vie. Le wahhabite a appel� � la rescousse le postulat mal�kite suivant lequel il �tait permis de tuer le tiers d'un peuple pour permettre aux deux autres tiers de vivre. �Mais j'esp�re, a-t-il ajout�, que la Syrie n'aura pas autant de victimes�. Outre ce bref aper�u de l'humanisme fondamentaliste, Al-Louhaydan a compar� le r�gime Assad aux �Duod�cimains� fatimides, relan�ant ainsi la guerre contre les chiites. On sait de quelle mani�re l'Arabie saoudite a mat� l'insurrection chiite � Bahre�n, avec la b�n�diction des Occidentaux. Aujourd'hui, l'un de ses pr�dicateurs les plus renomm�s proclame la �guerre sainte� contre le pouvoir syrien. En d'autres temps, en d'autres lieux, les Am�ricains auraient assimil� l'appel au �djihad� � de l'incitation au terrorisme. Mais quand une grande nation compose avec un groupe tribal qui contr�le le sanctuaire de l'Islam, il faut s'attendre � tout. A. H. (1) On appr�ciera, � ce propos, cette d�finition de l'�crivain am�ricain, Ambrose Bierce : Fronti�re : ligne imaginaire entre deux peuples, s�parant les droits imaginaires de l'un des droits imaginaires de l'autre. (2) Puisqu'il est question de r�viser encore cette infortun�e Constitution, taillable � merci, je sugg�re cette disposition : �Tous les Alg�riens de sexe masculin sont tenus d'arborer une tache de pi�t�, ou "z'biba", au milieu du front.� (3) Nous cultivons tellement l'ambigu�t� dans cette crise libyenne que m�me nos d�mentis pourraient passer pour des aveux honteux. M�me la France fait semblant de nous croire, ce qui ne lui �tait jamais arriv� depuis Sidi-Ferruch. (4) Il s'agit du quotidien Ennahar- Aldjadid. Je n'ai pas de sympathie pour la premi�re, ni pour le second, mais je m'insurge � mon tour contre les proc�s et les attaques personnelles. Notre confr�re a le droit d'aimer Bouteflika, grand bien lui fasse, mais Khadidja Bengana a aussi le droit de critiquer Bouteflika. Elle a �galement le droit de se faire un �lifting� � Paris, si �a lui chante, y compris aux frais de la princesse ou de l'�mir.