R�alis� par Brahim Taouchichet Certaines informations poussent � penser � un processus de normalisation des relations entre l�Alg�rie et le Maroc vu les visites des officiels des ces deux pays maghr�bins. Et d�j� l�on fait cas de la r�ouverture imminente des fronti�res longtemps r�clam�e par nos voisins de l�Ouest. Ils auraient beaucoup � gagner et pas seulement le million de touristes alg�riens ind�cis face � la destination traditionnelle � la Tunisie � et autres bonnes affaires � engranger. Nous avons pris attache avec M. Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication et surtout diplomate reconnu pour son sens aiguis� et mesur� de la perception des enjeux de grands dossiers politiques, a fortiori ceux qui engagent notre pays, qui nous livre son analyse de l�actualit� alg�ro-marocaine. Le Soir d�Alg�rie : Des informations font �tat de la relance d�un processus de normalisation des relations entre l�Alg�rie et le Maroc. Une bonne nouvelle ? Abdelaziz Rahabi : Il est difficile de parler de processus dans ces relations car elles sont au niveau o� elles �taient au moment de la d�cision unilat�rale des Marocains d�imposer le visa d�entr�e au Maroc en 1994. Sa suppression dix ans plus tard est pour le Maroc un argument suffisant pour consid�rer que c�est le d�but de la normalisation. J�ai le sentiment que les Alg�riens sont plut�t en faveur d�une approche globale qui vise � mettre en place des mesures de confiance en mesure de donner aux relations un caract�re de solidit� et de durabilit�. Cette approche a au moins le privil�ge de mettre les relations � l�abri de la r�p�tition des attitudes de la forme de celles qui ont suivi l�attentat de Marrakech en 1994 et qui ont en fait porter, � tort, la responsabilit� � l�Alg�rie. Cette accusation avait accentu� notre isolement diplomatique. L�Alg�rie, qui pendant des ann�es s��tait refus�e � une telle perspective, donne les preuves de sa disponibilit� si l�on en juge par les visites d�officiels alg�riens dont la derni�re en date est celle du ministre de l�Agriculture, bien que les sujets de discorde sont encore l�. Cela laisse songeur� Je ne connais pas l�agenda diplomatique entre l�Alg�rie et le Maroc mais nous sommes peut-�tre en train d�innover avec nos voisins en refondant nos relations avec l�agriculture et l��nergie, donc sur le simple fait que les deux pays sont respectivement performants dans ces domaines. C�est une compl�mentarit� qui n�est pas nouvelle mais la conjoncture lui a donn� une autre dimension. Le coup d�envoi de cette normalisation a-t-il �t� donn� par le Pr�sident Bouteflika � Tlemcen ? Qu�est-ce qui explique cette soudaine volont� de rapprochement et de faire table rase du pass� ? Je pense que c�est une d�claration de circonstance et d�apaisement sans plus, en rapport avec un banal incident diplomatique dans la programmation des festivit�s de Tlemcen. Elle contraste d�ailleurs avec le ton adopt� par le roi Mohammed VI dans son dernier discours solennel dont la virulence n�a curieusement d�ailleurs pas suscit� de r�actions officielles chez nous. Le Maroc fait du lobbying aux Etats- Unis, en France et dans certains pays arabes du Golfe qui pressent l�Alg�rie d�aller dans le sens des th�ses marocaines. Un succ�s pour le Maroc et donc un �chec pour la diplomatie alg�rienne oblig�e de c�der aux pressions ? Il est fait ces derniers temps beaucoup de mauvais proc�s � la diplomatie alg�rienne. En r�alit�, nous n�avons pas les m�mes atouts ni les m�mes contraintes g�opolitiques. Le Maroc est un alli� traditionnel et fid�le des �tats-Unis et de la France. En cons�quence, ils le placent au centre de leur strat�gie au Maghreb et font de sa stabilit� un param�tre de leurs relations avec l�Alg�rie. C�est pourquoi ils ont toujours exerc� des pressions sur l�Alg�rie pour l�amener � faire des concessions sur son soutien � l�autod�termination du peuple sahraoui. Ils accentuent ces pressions chaque fois qu�ils pensent que l�Alg�rie peut c�der en raison de ses probl�mes internes. Ils l�ont fait pendant les ann�es 1990 et le font aujourd�hui que l�Alg�rie est en effervescence sur le plan interne et dans l�expectative devant l�inconnue libyenne. En somme, pour pr�server la stabilit� du Maroc, ils sont pr�ts � sacrifier celle de l�Alg�rie. Justement dans quelle mesure le conflit libyen peut-il amener l�Alg�rie � accepter la normalisation sans r�glement des questions en suspens entre les deux pays ? Je ne dispose pas de toutes les donn�es sur cette question, mais je pense que l�Alg�rie, en n�engageant pas un contact avec le Conseil national de transition de Benghazi, a perdu une opportunit� de jouer les bons offices et de pr�server ses int�r�ts dans la Libye de demain quelle qu�en soit l�issue. Le Maroc le fait, c�est plus ais� pour lui. Il le doit � son alliance et � son engagement pro-occidental dans ce conflit mais il est aussi servi par le fait que g�ographiquement il ne risque pas de subir les m�mes dommages collat�raux que l�Alg�rie. Croyez-vous que cela risque d�avoir des r�percussions sur la question du Sahara occidental sachant que le Maroc persiste avec son projet d�autonomie �largie que rejette le Polisario ? Vous savez, le syst�me onusien ne fonctionne pas comme une bulle et le rapport des forces en son sein n�est pas fig� et peut �voluer en fonction des int�r�ts et des conjonctures. Si on en juge par celui du moment, il n�y pas beaucoup d�options. Ou bien les membres permanents estiment que la conjoncture dans notre r�gion est d�licate et appellent le Maroc � se conformer � la l�galit� internationale ou bien, et pour les m�mes raisons, ils exerceront de fortes pressions sur les Sahraouis pour les amener � accepter le plan marocain. Les Am�ricains, les Fran�ais et les Espagnols sont favorables aux th�ses marocaines, mais devraient �tre un peu plus vigilants et mesurer que cette attitude nuit aux int�r�ts strat�giques de notre pays qu�ils ont r�duit en moins de dix ans au rang de suppl�tif dans la lutte contre le terrorisme international et � un r�servoir �nerg�tique. Pourquoi devraient-ils changer leur fa�on de faire avec nous de ces 10 derni�res ann�es ? Parce que l�Alg�rie est en train de changer et que son opinion publique est plus pragmatique, les crises �a forme une soci�t�. Le pouvoir politique doit se pr�occuper de la mesure de son opinion publique que celle que donne le satisfecit des puissances occidentales. Les centres de d�cision dans la hi�rarchie civile et militaire sont moins fig�s et plus pragmatiques et rien n�indique qu�il faut exclure la perspective de radicalisation de la position de l�Alg�rie si elle venait � �tre soumise � un chantage des grandes puissances. Je pense qu�elles font une erreur d��valuation sur la r�alit� de la capacit� des Alg�riens � pr�server le consensus sur l�essentiel surtout en situation de crise. C�est d�ailleurs un trait marquant de notre doctrine en mati�re de politique ext�rieure d�autant que la conjoncture est d�licate pour tous devant une sorte d�acc�l�ration de l�histoire dont personne ne ma�trise ni le rythme ni la densit�.