Je tiens, tout d�abord, � souligner que je ne suis s�rement pas sur la liste des personnes que vous comptez recevoir pour recueillir les points de vue sur les r�formes envisag�es par le chef de l�Etat, qu�il n�y a, d�ailleurs, aucune raison pour que j�y figure et que, en v�rit�, je m�en r�jouis. Le citoyen, engag� et convaincu que seule la R�publique (res publica, chose publique insusceptible d�appropriation priv�e) peut �tre le socle fondateur du lien social, souhaite s�adresser � vous pour vous dire tout le mal qu�il pense (cela, aussi, lui arrive encore malgr� tous les efforts d�ploy�s pour d�truire tout ce qui y ressemble) de la d�marche, de la m�thode et du principe m�me de la mission qui vous a �t� confi�e et qui consiste � tout changer pour que tout reste pareil. Il faut bien se rendre compte qu�un demi-si�cle est � � l��chelle de la vie d�un humain en tout cas � une p�riode de temps tout � fait consid�rable et qu�il est inacceptable d�imposer une �gestion� du temps aussi m�prisante et perverse destin�e � geler ce qui ne saurait n��tre pas soumis � l��volution qualitative ; est-t-il n�cessaire de rappeler cette sagesse incontestable qui pr�cise que le pays n�est pas un legs des parents mais un pr�t des enfants ? R�publique et lien social, citoyennet� et int�r�t g�n�ral, bien public et solidarit�, respect et Etat de droit�, c�est cela que r�clament avec force les �indign�s� d�Alg�rie qui, tr�s certainement, se posent la question de savoir s�il y a plus de raisons de rester ensemble que de se quitter ; question simple et terrible � la fois qui interroge le vivre-ensemble et le projet commun sans lequel aucune construction commune n�est possible, aucun avenir commun concevable. Ceux qui choisissent d���tre mang�s par les poissons plut�t que par les vers� sont une �pouvantable illustration de ce qui pr�c�de. Monsieur le Pr�sident, r�pondre de fa�on aussi mis�rablement politicienne � une exigence de bouleversement social qui place l�homme au centre de toute pr�occupation est une faute grave au regard des cons�quences incommensurables qu�elle g�n�re. Chacun, dans ce pays, peut observer les multiples col�res qui, partout dans ce pays, s�expriment pour dire le refus d�une mauvaise vie sans cesse plus �touffante, d�un syst�me �ducatif sans projet autre que la reproduction � l�identique de tout ce qui existe, d�une politique sanitaire qui conduit au matraquage des m�decins protestataires, d�une politique judiciaire � laquelle nul Alg�rien n�accorde le moindre cr�dit, d�une politique de l�information totalement cadenass�e�C�est, �videmment, autres choses dont nous avons besoin aujourd�hui et certainement pas d�une simple r�forme de la Constitution � engag�e par le syst�me pour sa perp�tuation �dont nous savons le peu de signification accord� par ceux-l� m�mes qui en sont les gardiens ; il appara�t que c�est, d�abord, le respect de celle-ci qui aurait pu �tre la condition minimale pour donner cr�dit � la d�marche dont vous avez la charge. En effet, pourquoi r�former une Constitution qui organise le maintien de ceux qui, bard�s de certitudes, ont pour attitude son viol permanent et impuni ? Que signifie cette pr�occupation devenue majeure des droits de la femme alors que l��galit� entre citoyens est un principe fondateur viol� par un code de la famille inconstitutionnel et, peut-�tre, le plus archa�que du monde ? Qu�est-ce que cette pr�occupation soudaine relative � la soci�t� civile et au droit associatif exprim�e par ceux l�-m�mes qui ont format� une soci�t� an�mi�e devenue �trang�re � tout sens du d�bat ? Comment les m�mes peuvent-ils faire une chose et son contraire ? Comment �tre � l��coute d�un des peuples les plus jeunes du monde, d�une jeunesse magnifique et d�sesp�r�e quand, tr�s pr�cis�ment, tout a �t� fait pour la d�sesp�rer, lui interdire toute perspective autre que la fuite, l�immolation ou la servitude. Il reste, cependant, que les col�res �parpill�es peuvent aussi se rencontrer et f�d�rer leurs �nergies � l�histoire la plus r�cente de nos voisins imm�diats le prouve amplement � mais cela suppose, bien s�r, la traduction politique de la col�re. Monsieur le Pr�sident, croyez bien que je mesure l�immensit� � et l�incongruit� surtout � de la mission qui vous a �t� confi�e dans la mesure o� le r�sultat assign� est, tr�s pr�cis�ment, la perp�tuation d�une situation caract�ris�e par la rupture, sans doute d�finitive, entre les jeunes gouvern�s et les gouvernants grabataires. Aucun changement ne peut �tre envisag� dans le syst�me corrompu et autiste que subit le peuple depuis un demi-si�cle ; il est temps de changer de syst�me pour r�pondre � l�exigence de d�mocratie et de libert� hurl�e par une population qui souhaite trouver plus de raisons de rester ensemble que de se quitter. Veuillez croire, Monsieur le Pr�sident, en l�expression de mes sentiments citoyens. Moncef Benouniche, citoyen d�mocrate