Plus incisive et percutante que jamais, la pasionaria algérienne est revenue en détail sur les graves conséquences qui menacent l'Algérie à la faveur du nouvel arsenal juridique en train d'être mis en place. Elle revient également sur sa demande d'audience au président en vue de lui remettre la pétition de son parti, mais aussi sur les propos dithyrambiques tenus à son sujet par Bouteflika. Passionnant entretien, s'il en fut, il s'avère être une sorte de document historique, venu situer les responsabilités de chacun lorsque l'heure des bilans et des comptes rendus aura enfin sonné. L'Expression: Bien entendu, la première question a trait au sujet chaud du moment, à savoir la loi sur les hydrocarbures. Après avoir échoué à faire passer vos amendements, voilà que vous vous battez en faveur d'un référendum. Qu'est-ce qui explique un pareil acharnement dans le combat? Louisa Hanoune:Nous voulons que notre pays vive. Or, cette loi le met en danger. Nous sommes en campagne depuis le 24 février autour du serment issu du meeting que nous avions organisé. Le président de la République lui-même a dit que ce texte n'était pas du Coran, et qu'il était possible de l'amender ou de l'abroger s'il ne nous convenait pas. Pour notre part, nous estimons et nous avons démontré dans les débats que cette loi est extrêmement dangereuse. Elle ne peut être bénéfique ni pour nous ni pour un autre pays. Nous établissons ce constat à partir du contenu de la loi et des conséquences que ce type d'orientations a provoqué dans d'autres pays. En Bolivie, par exemple, deux présidents sont tombés en un an parce que la question de la renationnalisation du gaz n'a pas été positivement réglée. L'Argentine s'est effondrée après application d'une loi similaire à celle qui nous a été imposée. Au Nigeria, il y a pratiquement grève générale tous les 6 mois à cause des prix des carburants et 80% de la population est dans la misère malgré les richesses pétrolières... si cette loi venait à être appliquée, notre pays ferait l'objet, lui aussi, d'un pillage intégral de ses recettes, par le transfert de la propriété collective des richesses naturelles vers les multinationales à travers la formule des concessions consacrée dans l'article 25 de cette loi. Les conséquences en seraient mortelles pour le budget de l'Etat et donc pour la nation algérienne. Les citoyennes et les citoyens signent massivement le serment et sont parfaitement conscients des enjeux. Certes, la télévision n'a pas couvert les débats à l'APN mais la presse écrite, et dans une certaine mesure les radios, l'ont fait. Les échos et le courrier que nous recevons, les signatures que nous récoltons expriment la volonté des Algériens de défendre leur pays, les acquis arrachés au prix de 1,5 million de morts. En fait, c'est une sorte de référendum, récolter des signatures massives pour exiger le retrait de cette loi et de toutes les lois antisociales, dont les privatisations des entreprises. Nous avons tenté de convaincre les députés de l'APN. Beaucoup ont déclaré partager nos préoccupations et souffrir d'être contraints de voter pour, à cause des instructions reçues par leurs partis politiques respectifs. Nous sommes acharnés, oui. Simplement parce que nous sommes attachés à notre pays. Nous ne voulons pas qu'il s'effondre, qu'il connaisse d'autres tragédies. Nous avons déjà payé un prix très cher durant ces dernières années. Nous avons toujours su, depuis juin 1991, que le véritable enjeu de la crise politique était le pillage des richesses algériennes. Rappelez-vous la fameuse déclaration du chef du gouvernement de l'époque relative à la cession du quart de Hassi Messaoud, qui avait soulevé un tollé général. C'est confirmé à présent. Il s'agit donc d'une question de survie. Nous nous assignons pour mission essentielle de défendre la nation, ainsi que les travailleurs, menacés par ce texte de loi qui prévoit, y compris que la protection sociale de notre pays ne s'applique pas à la main-d'oeuvre étrangère, ce qui ouvre la voie à l'exploitation sauvage, y compris pour les travailleurs algériens. En fait, nous n'avons pas eu de réponses de la part du ministre à nos questions ni dans la commission ni dans la plénière de l'APN. Les réponses étaient toutes faites, dogmatiques. Beaucoup d'experts algériens, au demeurant, ont donné leur avis pour expliquer combien ce texte est dangereux. Cette loi condamne à mort notre pays. C'est pour cela qu'elle ne doit pas être appliquée. Vous dites que cette loi n'est pas irréversible, et vous allez jusqu'à citer le président Bouteflika qui affirme que ce n'est pas du Coran. Or, permettez-moi, à mon tour, de vous rappeler que vous avez déjà déclaré qu'une fois appliquée, cette loi sera difficile à changer parce qu'en cas de litiges, il y est prévu le recours aux instances juridiques internationales. N'y a-t-il pas quelque contradiction dans le propos? Il est certain qu'on aurait limité les dégâts si cette loi n'avait pas été adoptée en l'état. Nous avons tenté d'amender la disposition qui prévoit le recours aux juridictions internationales au détriment des instances algériennes. Il s'agit là d'une confiscation pure et simple de notre souveraineté. Nous avons également tenté de combattre l'installation de sociétés écran qu'introduit dans ce texte l'acceptation de contractants non domiciliés en Algérie. Déjà, nous savons qu'une entreprise italienne a déclaré faillite à Bouira et son patron italien non résident en Algérie, demeure introuvable. Les travailleurs et les partenaires de cette entreprise se retrouvent sur le carreau sans le moindre moyen de recouvrer leurs droits. Je le dis ici solennellement. Il nous est très pénible, très difficile de constater qu'à l'occasion du 43e anniversaire du jour de la victoire, le 19 mars 1962, où le peuple s'est réapproprié son pays, le Sud compris, des députés algériens ont osé dire oui à une loi qui, si elle était appliquée, déferait cet acquis sacré, et hypothéquerait le présent et l'avenir de la nation. N'oubliez pas que 97 % de nos recettes proviennent des hydrocarbures. Pourtant, il est encore temps de l'empêcher car les choses deviendraient plus difficiles à partir du moment où la loi entrera en vigueur. Et n'oublions pas que les choses ne l'étaient pas moins en 1971, lors de la nationalisation des hydrocarbures. Cela s'est effectué en trois phases, en dépit des énormes pressions subies par notre pays à cette époque. Mais pour comprendre que malgré les conditions, il est possible de préserver notre pays du pillage, il suffit juste de rappeler que jusqu'à l'arrivée d'Hugo Chavez à la tête de l'Etat vénézuélien, les richesses pétrolières, étaient aux mains des multinationales malgré l'existence d'une entreprise publique car celle-ci avait été dépossédée de ses prérogatives. La nation vénézuélienne s'est alors réapproprié ses richesses naturelles, malgré les pressions subies, y compris le référendum révocatoire. Le peuple, convaincu de la justesse de cette voie, a défendu son président jusqu'au bout, voilà tout. Aujourd'hui, il y a même renationalisation et redistribution des terres aux paysans pauvres. Alors, si cela a été possible au Venezuela, pourquoi cela ne le serait-il pas en Algérie? Beaucoup d'autres exemples existent un peu partout dans le monde. Chakib Khelil répète sans arrêt que Sonatrach ne sera pas privatisée. Pourquoi les 2 amendements que j'ai défendus dans ce sens ont-ils été rejetés alors? Et si cette loi n'était pas en contradiction avec la Constitution, pourquoi, dans le nouveau texte, a été supprimée la référence explicite aux articles 12 et 17 qui définissent la propriété collective de la nation, dont les hydrocarbures, et qui proclament son caractère inaliénable? C'est que, en fait, la propriété de l'Etat en tant que représentant de la nation sur des richesses est remplacée par la propriété du sol sans les gisements qui sont mis à la disposition des concessionnaires. L'Etat devient propriétaire du contenant seulement et perd la propriété du contenu qui produit les ressources. Il perçoit des royalties au lieu de contrôler et de disposer des ressources que génère la commercialisation des hydrocarbures. Nous refusons de nous retrouver dans la même situation que la Côte d'Ivoire, car il y a une similitude effrayante à travers l'exacerbation de la course au profit opposant les investisseurs européens aux compagnies américaines. L'adoption de l'accord d'association semble avoir décuplé les appétits des uns et des autres. Aucun pays ne peut résister à une telle offensive. Pourquoi le dépeçage de notre pays serait-il inéluctable? Le président français, M.Chirac, a été amené à déclarer récemment que la directive Bolkenshtein de l'Union européenne est inacceptable, du fait du tollé général qu'elle soulève car elle remet en cause les services publics. Le débat est posé sur l'Union européenne elle-même et sur sa Constitution. Nous avons nous aussi, besoin de débattre de toutes les questions qui concernent notre sort, à commencer par la loi sur les hydrocarbures et l'accord d'association avec l'Union européenne. Le gouvernement, pour justifier ce choix vis-à-vis des couches défavorisées, se fait fort du soutien de l'Ugta, dont personne ne saurait se revendiquer plus proche des aspirations des travailleurs. Or, pensez-vous que les choses soient aussi simples qu'on tente de le faire croire? Le communiqué que le secrétariat national de l'Ugta a rendu public, informait des réponses et éclaircissements apportés par le gouvernement aux interrogations et inquiétudes de la Centrale. Mais, au fait, par-delà la position du secrétariat national de l'Ugta, je ne comprends pas que l'on nous brandisse à tout bout de champ l'argument de l'accord de l'Ugta, à chaque fois que nous exprimons notre rejet des privatisations et leurs conséquences sur les travailleurs et la nation. C'est une majorité de députés à l'Assemblée qui a approuvé la loi de Chakib Khelil. Ce sont les partis qui siègent à cette assemblée qui ont la responsabilité dans le vote d'une loi. Il n'y a même pas de députés de l'Ugta en tant que tels à l'intérieur de l'Assemblée, ce sont des députés élus sur des listes de partis ou des indépendants. Mais encore, les hydrocarbures font partie de la propriété de la collectivité nationale. Ce n'est donc pas la propriété de l'Ugta, d'un parti politique, ou d'un responsable quel qu'il soit. C'est la propriété de chaque Algérienne et chaque Algérien, qui se transmet de génération en génération. D'où son caractère inaliénable dont l'Etat doit être le garant. Quelle que soit la position de la Centrale, nous savons combien est grande l'angoisse des travailleurs et des citoyens. Qui peut, en effet, accepter que soit hypothéqué l'avenir des générations futures? Dès lors que le texte de loi a atterri à l'Assemblée, je le répète, la responsabilité est devenue du ressort exclusif des partis politiques et de leurs députés. Pour notre part, en présentant 80 amendements, nous avons tenté de limiter les dégâts, voire de gagner encore du temps. La loi de 1991, tout en ouvrant le secteur, a quand même préservé la souveraineté nationale. Certes, les multinationales ont gagné beaucoup d'argent mais nos recettes se sont développées. Pourquoi la changer ? Samedi 26 mars, j'écoutais à la Radio un économiste algérien qui disait que la situation deviendra très difficile pour Sonatrach, face aux multinationales, ajoutant que les parts de l'Algérie seront de l'ordre de 21 % via Sonatrach. Alors que ce taux atteint 85 % aujourd'hui. Qui oserait dire que ce n'est pas du pillage ? Cet expert a également dit que les salaires, gelés depuis très longtemps, devront être augmentés pour faire face à la libéralisation totale des prix du carburant. Cet avis, bien entendu, n'est pas le seul. Mais exagérons nous en considérant qu'à travers l'institution de deux agences de régulation et d'un conseil consultatif pour gérer les contrats de concession et le secteur, c'est un Etat parallèle qui serait mis en place confisquant les prérogatives de l'Etat algérien dans un secteur vital pour la nation? Sans doute avez-vous suivi les bilans chiffrés du chef du gouvernement lors de sa dernière conférence de presse. Avez-vous un avis là-dessus? Pour ne parler que de privatisations, le chef du gouvernement a annoncé que cette opération se passait bien. Qu'est-ce que cela signifie ? Toutes les informations confirment que c'est une gigantesque opération de bradage, qui consacre la remise en cause des droits syndicaux, contrairement aux garanties données à l'Ugta par le gouvernement. Des exemples accablants sont déjà fournis par certains repreneurs qui ne veulent plus entendre parler de syndicat, préférant leur substituer des sortes de porte-parole pour présenter les doléances des travailleurs. Or, il s'agit de revendiquer, de négocier, de faire grève s'il le faut, pour avoir des droits et non pas de quémander quelque chose auprès du patron. Il s'agit d'une atteinte d'une extrême gravité à la Constitution. Ces mêmes repreneurs potentiels demandent la révision du code du travail pour établir des relations de travail, d'esclavagisme des temps modernes. M.Ouyahia peut donc dire ce qu'il veut. Qui croit-il convaincre d'autant qu'il s'était engagé en 2003, après le séisme, à ne plus privatiser les entreprises publiques? Des travailleurs veillent même la nuit à l'entrée de leurs unités afin d'empêcher qu'elles soient vendues, car ils refusent le fait accompli. Il y a des travailleurs qui ont intenté des actions en justice pour cession illégale de leurs unités. Car il y a un trafic énorme. Des entreprises sont cédées en sous-main à des tierces personnes avant même d'être occupées par leurs repreneurs originels. Ils spéculent avec le patrimoine public. C'est une décomposition effrayante, une mafiotisation de l'économie nationale. De surcroît, nous n'avons vu nulle part au monde un gouvernement qui privatise l'ensemble des entreprises publiques et toutes les richesses du pays, et qui déréglemente à tous les niveaux. Mais pourquoi? Il est impossible de survivre à tout cela. Il faut donc que cela s'arrête avant qu'il ne soit trop tard. Le gouvernement lui-même déclare que le secteur public a rapporté en 2004 une valeur ajoutée de 11 %. Alors pourquoi privatiser? Le chef du gouvernement considère qu'il y a croissance. Donc les entreprises publiques vont bien et n'ont pas besoin d'être cédées. En réalité, ces chiffres établissent que c'est le secteur public qui produit le plus. Les travailleurs s'investissent totalement pour maintenir en vie leurs entreprises et réaliser de bons résultats. Pour revenir aux chiffres concernant le chômage, il faut souligner que la politique suivie actuellement met en danger des centaines de milliers de postes d'emploi. En entendant parler le chef du gouvernement, on se demande s'il s'agit du même pays. Car pourquoi les chiffres qu'il assène ne se reflètent-ils pas sur le vécu quotidien des Algériens qui, au contraire, sont de plus en plus malheureux? La plupart n'arrivent pas à joindre les deux bouts alors que la couche moyenne a fini par disparaître. M.Ouyahia dit que nous perdrions 540 milliards de dinars si jamais les salaires étaient augmentés à travers l'abrogation de l'article 87 bis de la loi 90-11. Et alors? Les caisses de l'Etat sont pleines et cet argent, produit des recettes pétrolières est la propriété du peuple algérien, il doit donc servir aux besoins de la nation et donc à améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs. Je voudrais aussi rappeler au chef du gouvernement qu'il y a déjà eu 1500 entreprises qui ont été fermées, réduisant au chômage et au désespoir 1,2 million de travailleurs. Il n'y aura pas de création d'emplois ici de la part des multinationales, parce qu'elles préfèrent recourir à une main-d'oeuvre quasiment gratuite, comme en Chine où, en plus des enfants, même les prisonniers sont exploités. Nous avons tous suivi les grèves des travailleurs chinois à l'Aadl parce qu'ils ne sont déclarés nulle part et ne perçoivent pas leurs salaires. En réalité, le danger ne vient pas de la suppression du 87 bis mais des privatisations et de la déréglementation. Mais le chef du gouvernement ne faisait-il pas référence plutôt à la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires, qu'induirait l'application de la réforme de la Fonction publique? Ce qui rejoint une précédente déclaration du ministre des Finances. N'est-ce pas un véritable tsunami qui guette notre pays si cette orientation est appliquée? Pourquoi tout ça à la fois? Des dizaines de lettres de travailleurs et syndicalistes inquiets, également destinées au président, nous parviennent chaque jour, ils ne comprennent pas que leurs entreprises qui sont rentables soient bradées, d'autant que le président de la République avait dit, dans la réunion de l'OAT, que «si des entreprises publiques sont rentables, alors je suis socialiste». Nous ne lui en demandons pas tant. Nous demandons juste d'empêcher l'irrémédiable, de stopper ce rouleau compresseur pour que dans un sérieux débat, à la lumière des données vérifiables, nous puissions décider entre Algériens et nous préserver. Vous vous posiez la question si les lettres des travailleurs parvenaient au président, et nous, nous vous demandons quand est-ce que vous serez enfin reçue par lui afin de lui remettre votre pétition? Lorsque j'ai vu le président de la République à l'occasion du Premier Novembre, je venais de remarquer qu'un ambassadeur lui avait remis du courrier. Je lui ai donc dit que si j'avais su, j'aurais pris mes cartons avec moi pour les lui remettre. Et que, en plus des 500.000 signatures, il y a toutes les autres doléances des travailleurs et des citoyens. Il a répondu que nous aurions l'occasion de nous voir et d'en discuter, et que ce retard était simplement dû à une question de calendrier. Il est vrai que pas moins de cinq mois sont passés depuis. Mais je m'en tiens à sa réponse. Pour notre part, nous poursuivons et intensifions la campagne autour du serment du 24 Février qui s'adresse aussi à lui. Pour poursuivre sur le sujet du président de la République, celui-ci n'avait pas tari d'éloges à votre sujet, soulignant que s'il y avait une vingtaine de comme vous, il y aurait parité au gouvernement. Doit-on comprendre par là que la proposition vous a été faite d'intégrer l'Exécutif? Non, absolument pas. En réalité nous ne sommes pas des partisans de la parité et des quotas, mais pour l'égalité effective entre les hommes et les , pour que soient supprimés les obstacles qui empêchent les d'exercer pleinement leurs droits politiques. Ces obstacles se trouvent dans le code de la famille et dans le désengagement de l'Etat des services publics. En fait, non seulement la parité et les quotas ne sont pas une garantie quant à l'élimination de toute forme de discrimination, mais cela légalise l'immixtion de l'administration dans les affaires internes aux partis, ce qui est une atteinte au multipartisme. Vous gardez donc le même avis concernant le code de la famille? La nouvelle loi a maintenu les dispositions discriminatoires entre l'homme et la femme. Certes, il y a quelques modifications positives, mais uniquement sur le plan social. Comment est-ce possible qu'une femme majeure du point de vue de la loi, soit obligée de se doter elle-même d'un tuteur pour décider de sa vie privée. C'est quand même inouï. Et comme la carte de l'oppression des est utilisée comme moyen de chantage étranger dans le cadre du Grand Moyen-Orient, elle pourra être utilisée à n'importe quel moment contre nous tant que l'égalité des droits entre l'homme et la femme n'a pas été respectée. En effet, la femme reste mineure dans ce texte. Même une femme ministre ou juge devant se marier, devra se chercher un tuteur. Les amendements au code de la famille ont scellé des avancées importantes sur le plan de l'égalité des droits entre les deux sexes, la religion n'a constitué aucun obstacle. C'est dans ce journal, d'ailleurs, que j'ai déjà rappelé que le peuple algérien a su préserver son identité durant 132 ans de colonisation et que jusqu'en 1984, l'appartenance à la religion musulmane n'a pas empêché que les affaires relatives à la famille soient traitées dans des lois civiles ce qui permettait aux juges de trancher en leur âme et conscience, conformément au droit. Qu'est ce qui empêche de corriger dans ce sens? Face à cet unanimisme ambiant, n'avez-vous pas le sentiment d'être isolés et de mener des combats en quelque sorte perdus d'avance? Par rapport aux appareils, qui siègent ou non à l'APN, le constat peut paraître ainsi. Mais la réalité est tout autre. Nous savons qu'à tous les niveaux de responsabilité de l'Etat et dans les partis et les syndicats, des Algériennes et des Algériens partagent nos appréhensions quant aux conséquences des privatisations, de l'accord avec l'Union européenne et de la dénationalisation des hydrocarbures. Et l'écrasante majorité de la population qui désire vivre, exprime son attachement au secteur public, aux nationalisations. C'est pour cela que nous gardons confiance en l'avenir et que nous nous adressons à eux afin qu'ils exigent qu'on les écoute. Ce n'est pas perdu d'avance. Je reviens encore et je cite ces nombreux pays qui s'en sont sortis lorsque la parole est revenue au peuple, lorsque la voie véritablement démocratique a fini par l'emporter. Et encore une fois, ce n'est pas l'affaire d'un parti mais c'est du sort de la nation qu'il s'agit. A propos d'avis, quel est le vôtre concernant la démarche politique du président, notamment celle relative à la réconciliation nationale et à l'amnistie générale? Tant que le président de la République n'a pas précisé de quoi il s'agit véritablement, il nous sera impossible de nous prononcer. Même Farouk Ksentini ne cesse pas de dire qu'il ne sait pas ce qu'il y a dans ce projet d'amnistie générale. C'est donc normal et raisonnable que nous préférons attendre avant de nous prononcer. Et même si la situation sécuritaire s'est nettement améliorée, ne nous y trompons pas, le sang continue de couler dans ce pays. Le rétablissement de la paix dans notre pays reste pour nous une priorité pour l'instauration d'une véritable démocratie et pour que toutes les libertés, sans discrimination et sans exclusive, soient respectées. Ainsi, et si c'est bien cela que cherche le chef de l'Etat, il faut chercher les origines de la crise et de la tourmente pour les résoudre positivement. Mais la condition pour que cela aboutisse c'est que ce pays reste intègre. Or, les privatisations, la déréglementation, la désertification de l'industrie et la dénationalisation des hydrocarbures sont porteuses d'instabilité et de chaos. Il serait vain de chercher à résoudre une crise politique tout en ouvrant la voie à la désagrégation par la régression économique et sociale. Il faut que les Algériennes et les Algériens puissent vivre dignement de leurs richesses, du produit de leur travail, de leur terre, de leur gaz, de leur pétrole... Vous dites, et nous le constatons en effet sur le terrain, que la paix civile n'est pas totalement restaurée... Exact... Donc, pour y arriver, que propose le PT? Est-ce que, par exemple, le contrat national reste d'actualité? Du point de vue de l'objectif et de la démarche politique, c'est-à-dire une issue politique et démocratique, il est certain que ce contrat reste d'actualité. Il s'agit, en somme, de réunir toutes les conditions qui peuvent aider à faire taire l'ensemble des armes afin de donner toutes ses chances à la paix et ne laisser aucune zone d'ombre. Dès lors que les origines politiques de la violence seront traitées, il ne restera que le côté mafieux de la violence, qu'il s'agira de combattre par les moyens idoines. C'est ce qui guide notre combat depuis juin 1991. Nous voulons que s'instaure une cohésion nationale et sociale. C'est pour cela que nous demandons que soient rétablis dans leurs droits politiques tous les acteurs et que soient associés tous ceux qui peuvent aider. Mais pour cela, il faut qu'il y ait d'abord un vrai débat. Peu importe comment s'appellerait cette rencontre. Nous avons été signataires du contrat national avant d'appeler à la tenue d'un congrès national algérien. Une fois que la clarification sera faite et que sera amorcé le règlement effectif des problèmes, nous sommes persuadés que le peuple algérien aura la force de tourner résolument la page de la tragédie. Pour nous, la pire des choses serait que l'on enterre des dossiers qui sont brûlants et qui risquent de nous exploser au visage à tout moment comme des bombes à retardement. Mais je le répète, la condition pour que toute démarche visant à restaurer des conditions normales de vie, réussisse, reste la préservation de l'unité et de l'intégrité de la nation.