Par Boubakeur Hamidechi [email protected] La belle affaire que ces assises de la �soci�t� civile� dont l�ordonnateur des d�bats (le Cnes) voulait justifier leur n�cessit� par le d�sir d�explorer cette �Terra incognita� longtemps m�pris�e et qui a simplement pour nom : la citoyennet�. Monsieur Bab�s, dont nul n�ignore sa proximit� avec le r�gime, ne pourrait trouver meilleure formule que celle-ci afin d�encenser un peu plus la strat�gie oblique en action en participant � cette pseudo- consultation que l�on tra�ne en longueur alors que le diagnostic est depuis longtemps �tabli. Ah ! la bonne action de cette vertueuse r�publique se penchant, enfin, au chevet d�une citoyennet� inachev�e. Un exercice de scoutisme politique qui s�empare de l��thique fondamentale de l�Etat de droit pour en faire un subterfuge en vue de mettre sous le boisseau les libert�s. Rarement un vocable n�a paru, � l�usage, autant charg� de duplicit� politicienne que celui-ci ! Aussi bien les chapelles id�ologiques que les groupes d�int�r�ts, tous s�y r�f�rent � travers leurs professions de foi sans jamais vouloir en faire concr�tement sa promotion. D�risoire citoyennet� dans une r�publique �manqu�e �, elle est la pire des conditions. Moins enviable que le statut de sujet d�un monarque, elle est d�clin�e seulement par quelques puissants qui r�gentent � leur guise l�espace des libert�s et modulent selon leurs int�r�ts les droits fondamentaux. En somme, elle n�est qu�une illusion permanente d�un exercice virtuel des droits civiques alors que le sort de l�administr� est � lui seul un motif concret d�inqui�tude. En clair, que recouvre le paradigme �civil� sans les droits civiques ? Dans le r�gime r�publicain o� les relations pouvoir politique/citoyennet� sont adoss�es au droit, il n�y a pas de place pour une autre mani�re de dialoguer. Votre citoyennet� �tant inscrite comme un viatique, tout pouvoir est tenu par cons�quent d�obtemp�rer aux desiderata de cette base sociale. C�est pr�cis�ment sur ce malentendu, sciemment entretenu par les gardiens des tables de la loi, que se joue de nos jours cette com�die. Alors que le champ r�el de cette citoyennet� n�a cess� d��tre battu en br�che, l�on feint de lib�rer la parole alors qu�il fallait d�abord lever l�arsenal des oukases qui emp�chait celle-ci de s�organiser en toute autonomie. Or, l�on sait que pour mieux s��panouir, le droit de r�union doit imp�rativement se d�marquer des r�seaux institutionnels. Et pour cause, il est antinomique de pr�tendre au statut de contre-pouvoir et en m�me temps solliciter son agr�ment. Tout pouvoir �tant par nature liberticide, quelle que soit son �manation, l�exercice de la citoyennet� n�est effectif que s�il parvient � devenir son antidote. Mais comme en Alg�rie rien n�est simple et qu�il est surtout index� aux calculs du pouvoir, c�est toujours ce dernier qui r�cup�re les initiatives et les retraduit selon ses objectifs. Ainsi, le temps d�une �assise�, cette citoyennet� requalifi�e, pour les besoins du contexte, de moteur du changement n�est pas en soi un mauvais th�me et semble m�me constituer une d�marche novatrice sauf qu�elle n�a �t� d�cid�e et m�diatis�e que pour servir d�autres desseins. Ce s�minaire r�unissant quelques juristes et �conomistes face � un vaste ar�opage d�individus aux profils vagues n�est pas innocent politiquement. Il pr�pare en filigrane un nouveau cadre pour le r�gime qui ne souhaite rien d�autre que r�former dans la continuit� de sa pr��minence. C�est donc sur la demande du chef de l�Etat appelant � forger un nouvel �instrument du dialogue� que le Cnes de Bab�s organisa cette messe. En visant, � terme, � opposer des r�seaux associatifs sous son contr�le aux courants politiques traditionnels, l�actuel pouvoir travail � un r�am�nagement sur mesure du cadre l�gal des libert�s publiques. Projetant d��tablir de nouveaux rapports avec la soci�t� � l�abri des acteurs politiques, il s�attelle � la densification de l�espace civique (g�n�riquement appel� �soci�t� civile�) avec pour seule finalit� l�affaiblissement d�abord, puis la disqualification du discours politique. Nouvelle pierre angulaire d�une refondation au rabais, le mouvement associatif que lui-m�me structurera lui servira � faire pi�ce aux interlocuteurs politiques traditionnels. L�on peut donc imaginer ce que sera le paysage futur et les nouveaux leviers du r�gime. Une combinaison de corporatisme et de milices sociales va servir de mamelles � un nouveau populisme. Porteuses de la �parole d�mocratique r�nov�e�, les associations futures feront de la m�diation sur demande. Alors, insidieusement, se baissera le rideau sur le chant des partis politiques et s��l�veront en m�me temps les trompettes d�une autre com�die citoyenne. Et c�est � cela qu�aura servi le s�minaire du Cnes, celui de jeter les bases d�une nouvelle �soci�t� civile � en mission command�e pour le pouvoir. Le sommet du paradoxe, certainement.