Les consultations pr�alables aux r�formes politiques, men�es � l�instigation du chef de l�Etat par Abdelkader Bensalah et ses deux assesseurs Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi, ont jusque-l� suscit� trois types de r�actions. Il y a ceux qui ont accouru � El Mouradia. Il y a ceux qui ont choisi de d�cliner poliment l�invitation qui leur est faite. Il y a, enfin, ceux qui ont d�cid� de ne pas y aller mais aussi de dire tout haut ce qui motive leur attitude. Ali Haroun, ancien membre du Haut Comit� d�Etat (HCE) et ancien ministre des Droits de l�homme, est de ces derniers. S�il prend acte de l�honneur qui lui est fait de vouloir l�entendre exprimer son opinion sur la nature et la substance des r�formes annonc�es avec un grand renfort de tapage m�diatique, il ne se laisse pas cependant distraire par tant de d�f�rence � son �gard, au point de souscrire � un processus qu�il n�estime pas �tre la voie idoine pour atteindre les objectifs pr�tendus. Fort d�une longue et riche exp�rience de la vie politique, Ali Haroun reste suffisamment lucide pour douter de la volont� des promoteurs des r�formes politiques en question de r�ellement proc�der � une rectification de trajectoire et permettre par l� m�me � la nation de naviguer tranquillement vers la d�mocratie et le progr�s. Ali Haroun affiche clairement ses appr�hensions par rapport au processus mis en branle depuis plus d�un mois maintenant. �Je me sens troubl� par le sens de la d�marche propos�e�, avoue-t-il dans sa d�claration � l�Instance de consultations en vue des r�formes politiques. Il affirme aussi que �la m�thode qui d�termine s�lectivement les personnalit�s consult�es� l�inqui�te. Et une inqui�tude chez une personnalit� de la stature de Ali Haroun est tout sauf une banale impression. C�est que le juriste et l�homme politique se range � une opinion assez large qui pense que les consultations telles que men�es n�ont pour objectif, en v�rit�, que de convaincre la communaut� internationale d�une r�elle avanc�e d�mocratique. Logiquement, il se rend, donc, � une conclusion math�matique : sa pr�sence ne cr�diterait pas davantage la d�marche. S. A. I. Monsieur le Pr�sident, Messieurs les membres de la Commission Vous m�avez fait le grand honneur de m�inviter � vous fournir mon opinion sur le projet de r�formes politiques annonc�es par Monsieur le Pr�sident de la R�publique dans son discours du 15 avril 2011. Je vous en remercie et y suis d�autant plus sensible, qu�en conscience j�ai toujours cru indispensable de r�pondre � l�appel de la patrie ou � l�invitation du pouvoir politique, lorsque ma modeste contribution pouvait pr�senter une quelconque utilit�. Je me devais aussi de vous r�pondre par d�f�rence envers votre Instance et certains de ses membres, dont la droiture, le patriotisme et la d�fense de l�Etat de Droit ont �t� les axes de leur conduite. Toutefois, je me sens troubl� sur le sens de la d�marche propos�e car, je m�interroge sur la fa�on de proc�der retenue pour ces consultations. Je m�inqui�te aussi de la m�thode qui d�termine s�lectivement les personnalit�s consult�es, en occultant les jeunes r�ellement repr�sentatifs, seuls susceptibles de vous �clairer sur leurs visions et leur espoir de mettre fin � l�exclusion et la mal-vie, dont ils souffrent depuis des d�cennies. De plus, la mani�re de mener le dialogue, l�acceptation finale des propositions et l��ventualit� de les soumettre � un Parlement, dont on finit par reconna�tre la d�ficience en repr�sentativit� et sa totale ob�dience � l�Ex�cutif, laissent nombre de citoyens se demander si ces consultations politiques n�ont pas pour unique finalit� de convaincre la communaut� internationale d�une r�elle avanc�e d�mocratique. C�est pourquoi j�estime que ma pr�sence devant vous ne cr�diterait pas davantage la d�marche. Quoi qu�il en soit, si le chef de l�Etat, Pr�sident de la R�publique et Premier Magistrat, prescrit des �r�formes politiques cruciales et d�terminantes� pour l�avenir, l�on en d�duit implicitement qu�il cherche � rem�dier aux maux dont souffre le pays. Or, l�on ne peut prescrire de m�dication efficace qu�apr�s un examen objectif et approfondi. Un demi-si�cle s�est �coul� depuis sa naissance, et jusqu�� ce jour, l�Alg�rie est malade de ses rapports entre le peuple et le pouvoir, le gouvern� et ses gouvernants, l�administration et ses administr�s. Il n�y a pas lieu certes de remonter le cours de l�Histoire, ni de rappeler � une Alg�rie adulte ses maladies infantiles de l�Ind�pendance. Cependant, depuis 1962, un fil conducteur relie tous les dysfonctionnements qui entravent notre �volution vers un Etat de Droit. Il faut absolument l�identifier pour l�interrompre, si l�on veut vivre sur la base d�un r�el consensus �manant de la volont� nationale et non d�un scrutin manipul�, comme il l�a �t� par les pouvoirs successifs qui ont g�r� le pays. Les r�formes politiques projet�es auraient pour but de rem�dier aux insuffisances de la Constitution et des lois organiques. Or, si la Loi fondamentale et les textes subs�quents avaient �t� librement discut�s, r�guli�rement vot�s puis loyalement appliqu�s, les r�formes ne s�imposaient gu�re. L�on sait que les lois ne valent que par les hommes qui les appliquent et celles qui nous r�gissent n�ont �t�, ni �labor�es par un l�gislateur cr�dible ni loyalement appliqu�es, mais au contraire, souvent d�voy�es et parfois trahies. Ces consid�rations expos�es, quels sont les maux, et quels seraient les rem�des. 1 � La Constitution : a) La premi�re, celle de septembre 1963 ne fut ni r�dig�e par l�Assembl�e Constituante, ni librement discut�e. Apr�s avoir investi une �commission de r�daction du projet de Constitution�, l�Assembl�e d�sign�e dans sa grande majorit� par le chef de l�Etat fut pouss�e � perdre un temps pr�cieux en discussions byzantines, pour permettre � notre premier Pr�sident de la R�publique de faire adopter dans un cin�ma de la ville (sic), un projet de Constitution que, bien entendu, une Assembl�e aux ordres allait ent�riner. Telle fut la premi�re Constitution qui devait r�gir l�Alg�rie. Pour l�honneur du pays, une vingtaine de d�put�s os�rent se prononcer publiquement �contre�, d�non�ant ce �costume sur mesure� taill� pour faire du chef d�Etat un despote, par l�adh�sion d�une pr�tendue majorit� des �repr�sentants de la volont� nationale�. Texte apparemment l�gal dans sa forme mais totalement contraire � cette volont� nationale b�illonn�e, il ne dura que 21 mois. Apr�s quoi, les plus fid�les soutiens du Pr�sident et partisans du �oui� � la Constitution allaient le destituer et l�emprisonner, sous l�accusation de �tyrannie�. La justification de la destitution devait �tre fournie par un �Livre blanc� dont on promettait la publication imminente. Ce livre n�a jamais paru et le Pr�sident demeura emprisonn� sans jugement pendant 14 ann�es. b) Suite au 19 juin 1965, le second chef d�Etat limoge l�Assembl�e nationale et renvoie les d�put�s dans leurs foyers. Apr�s suspension de la Constitution, il allait pendant une dizaine d�ann�es g�rer le pays par ordonnances, un Conseil de la R�volution nomm� par lui et ��pur� par lui, constituait un organe de fa�ade, incapable de discuter et encore moins de s�opposer � la volont� du Chef. c) La Constitution de Novembre 1978. Inspir�e de la Charte du 27 juin 1976 �tablie par le Parti Unique sous le contr�le vigilant et sourcilleux du chef de l�Etat, la Constitution qui optait pour un socialisme �irr�versible� � pour ne pas commettre l�h�r�sie de le d�clarer �ternel � fut vot�e le 19 novembre 1976 au score de 99,18 % des voix. Et dans la foul�e, le chef du Conseil de la R�volution se faisait �lire Pr�sident de la R�publique le 11 d�cembre 1976 avec 99,38 % des voix. Nous verrons plus loin comment qualifier ces scrutins manifestement fallacieux. d) La Constitution de novembre 1989. Intervenant apr�s les r�voltes d�Octobre 1988, elle allait abroger l�option irr�versible du socialisme, proclam� par la Constitution pr�c�dente, mettre un terme au Parti Unique et ouvrir les perspectives tant attendues du pluralisme politique qui, en r�alit�, s�av�ra �tre un leurre. e) La Constitution de d�cembre 1996. Confirmant les timides avanc�es d�mocratiques, elle a eu le m�rite remarquable de mettre un terme au pouvoir � vie du Pr�sident de la R�publique et d�instaurer l�alternance en limitant � deux le nombre de mandats pr�sidentiels. Faisant exception � toutes les insuffisances et critiques adress�es � nos pratiques �lectorales, il est � noter que le principe de l�alternance, ainsi que la condamnation de l�acc�s ou du maintien au pouvoir par la violence, avaient �t� proclam�s lors des discussions de l��t� 1993 et respect�s par le Haut Comit� d�Etat � la fin de sa mission. C�est dans la paix et la s�r�nit� que pour la premi�re fois, le pouvoir fut transmis par le HCE au Pr�sident Zeroual comme, en 1999, il l�a lui-m�me retransmis au Pr�sident Bouteflika. f) L�amendement de la Constitution du 12 novembre 2008. A cette date, les deux chambres r�unies en Parlement sont invit�es � voter certains amendements, dont l�essentiel �tait l�abrogation de l�article 74 de la Constitution, les autres ne constituant que l�habillage accessoire pour faire passer le principal, c�est-�-dire la pr�sidence � vie du Chef de l�Etat alors en exercice. La proposition avanc�e par les trois leaders de l�Alliance pr�sidentielle n�aurait pu se faire sans l�accord �vident du futur candidat, tandis que l�acceptation fut donn�e � main lev�e et sans discussion par l�ensemble des parlementaires. Ce ralliement, offert sans un seul geste m�me symbolique de refus pour t�moigner du d�sir de pr�server la d�mocratie, aura �t� ressenti par beaucoup d�Alg�riens comme une atteinte profonde � leur dignit� d�hommes, de patriotes, de citoyens, et d�autres l�ont �prouv� comme un viol de la Constitution. Heureusement, sous la rafale de libert� d�mocratique balayant nos contr�es, ceux-l� m�mes qui �taient les promoteurs du mandat permanent renient aujourd�hui ce � quoi hier encore ils avaient applaudi. Ainsi, depuis l�Ind�pendance, nos Constitutions ont subi injures et d�voiements, si ce n�est violations et outrages. 2 - L�expression de la volont� populaire dans le syst�me qui nous r�git : Comme nous l�avons vu, les scores dans notre pays ne traduisent gu�re la r�alit� du scrutin, les relations Etat-citoyen �tant d�s 1962 des rapports de force et non de droit. Le pouvoir, qui par le biais de l�Administration dirige en fait l�op�ration �lectorale, a d�abord fait usage de la violence d�Etat dont il dispose normalement. Il faut rappeler que l�expression initiale de la puissance publique n�a pu germer qu�apr�s le cessez-le-feu intervenu le 4 septembre 1962, non entre Alg�riens-combattants et Fran�ais-occupants, comme le 19 mars, mais entre Alg�riens eux-m�mes oppos�s dans un combat fratricide. Aussi les vainqueurs n�ayant pas su dominer leur victoire, ils ont �tabli leur pouvoir sur les lauriers de leur succ�s. En d�finitive, le pouvoir s�est impos� par la force des armes, ce que l�on oublie aujourd�hui apr�s cinquante ann�es d�ind�pendance. Cette violence suscitait l�inhibition, et parfois la peur du peuple qui, pour pr�server sa tranquillit�, s�inclinait sous le joug du pouvoir et la crainte de ses services de s�curit�. Lorsque le pr�tendant au poste supr�me �tait seul candidat et le r�sultat acquis d�avance, aucune violence n��tait n�cessaire, sauf qu�on avait tout le loisir de bourrer les urnes ou plus simplement en triturer les r�sultats, pour montrer combien l�heureux �lu �tait adul� par ses �lecteurs. Par la suite, avec l�acc�s au pluralisme, il demeurait encore entre les mains de l�administration-pouvoir la possibilit� de manipuler les scrutins, pour distribuer les si�ges promis � ses affid�s. Il ne s�agit pas ici de critiques gratuites ou injustes, d�amertume ou de d�pit. Car comment croire que notre premier Pr�sident de la R�publique ait �t� �lu avec 99,61 % de voix favorables, le deuxi�me avec 99, 38 % et le troisi�me avec 98,95 % lors du 1er mandat, 95,30 % lors du 2e et 98,91 % lors du 3e. Ces scores staliniens n�ont jamais rien traduit d�autre que le r�sultat de l�indiff�rence, la r�signation ou la peur, face au magouillage du pouvoir tout-puissant. Ils n�ont certainement pu exprimer la r�elle opinion de l��lecteur trahi par cette �vidente manipulation. Au-del� des campagnes pr�sidentielles, ce mode op�ratoire fut �galement pratiqu� lors des �lections l�gislatives et locales o� le syst�me des �quotas� a permis aux manipulateurs de r�partir les si�ges � leur convenance au m�pris de la volont� de l��lectorat. Aussi de telles pratiques n�fastes sont-elles � exclure d�finitivement de nos m�urs �lectorales. 3 � L�article 2 de la Constitution et son interpr�tation ambigu� : Abrit�s derri�re l�article �l�Islam religion de l�Etat�, certains, par une interpr�tation dogmatique litt�rale et sectaire, ont pu exploiter la religion commune du peuple � des fins politiques exclusives, dans le but avou� d�acc�der au pouvoir, pour substituer � la R�publique �impie� l�Etat th�ocratique de leur choix. Ainsi, les partisans de cette distorsion de l�article 2 ont �t� � l�origine de l�une des plus noires p�riodes de notre Histoire, et le terrorisme de la � d�cennie rouge� qui entra�na la mort de dizaines de milliers de nos compatriotes et des ravages incalculables, tra�ne encore des �effets r�siduels� qui n�en finissent pas de finir, tout en provoquant quotidiennement au sein de notre arm�e et nos services de s�curit� d�incessantes pertes en vies humaines. Aussi, une interpr�tation claire de l�article 2 ainsi que sa traduction incontournable par la Loi fondamentale, doivent-elles affirmer le caract�re intangible de l�Etat r�publicain et d�mocratique, mettant le pays � l�abri de toute r�surgence d�un extr�misme destructeur. Dans certaines d�mocraties, le droit � l�insurrection contre la tyrannie est reconnu dans la Constitution. Il importe donc que la n�tre inscrive dans son pr�ambule le droit imprescriptible de s�opposer par tout moyen � l�int�grisme matrice du terrorisme d�vastateur. A cette fin, tout parti qui entend inclure dans son programme, de quelque mani�re que ce soit, l�utilisation de la religion, ne saurait pr�tendre aux autorisations l�gales pour participer � la vie politique. La tol�rance, vertu �minemment musulmane, semble dispara�tre de nos m�urs. Alors que notre premi�re Assembl�e nationale comptait 16 d�put�s �fran�ais d�Alg�rie�, dont l�abb� Berenguer qui durant la guerre fut le plus efficace des porte-parole du FLN en Am�rique latine, aujourd�hui le m�pris des dispositions de la Constitution � en particulier celle de l�article 36 d�clarant la libert� de conscience et d�opinion inviolable � entra�ne devant les tribunaux des citoyens accus�s de d�tenir les livres de leur confession religieuse. Ce sont de telles m�connaissances de notre Loi fondamentale qui situent l�Alg�rie parmi les pays peu respectueux de la Convention universelle des droits de l�Homme. 4 - L�unit� et l�indivisibilit� du peuple : Depuis des temps imm�moriaux, des hommes ont peupl� le territoire de notre pays. Ce sont les pal�oberb�res dont l�histoire a retenu le nom et dont nous sommes les descendants. Que la souche initiale ait �t� enrichie, que la civilisation ait progress� par des efforts suivis et des enrichissements successifs, que l�Islam ait p�n�tr� le c�ur de nos populations avec le v�hicule de la langue arabe�, tous ces facteurs ont contribu� � forger l�unit� multi-face du peuple alg�rien. Et c�est cette indivisible unit� que la Loi fondamentale doit pr�server comme gage de notre personnalit� �ternelle. Il appartient � la Constitution de l�assurer non seulement comme affirmation de principe dans son pr�ambule, mais encore dans ses articles en veillant � son application dans les faits. C�est pourquoi l�amazighit� constituant l�un des trois fondements de notre personnalit� tamazight doit trouver aupr�s de l�arabe le statut qui lui convient de langue nationale et officielle. Avec le d�veloppement de relations internationales, pour des raisons �conomiques, sociales ou culturelles, r�centes ou lointaines, du fait depuis ces derni�res d�cennies du sous-d�veloppement que l�Alg�rie n�a pu transcender, une partie non n�gligeable du peuple vit d�sormais � l��tranger. Cette �migration ou plut�t diaspora constitue une force intellectuelle, artistique ou financi�re remarquable, qui n�a pas au fond du c�ur rompu le cordon ombilical avec la m�re patrie. Nos lois ne devraient pas l�ignorer, car elle ne l�a pas fait quoi qu�on en dise. Une autre partie, la plus importante de la population, est la jeunesse. D�sesp�r�e depuis quelques ann�es au point de pr�f�rer se voir �manger par la mer que d�vorer par les vers�, elle demeure tout de m�me confiante dans la vie, capable d�efforts renouvel�s, comp�tente comme elle le prouve hors de nos fronti�res. Il est regrettable que ses repr�sentants r�els, capables de s�exprimer en son nom, n�aient pas �t� jusqu�� ce jour entendus. Enfin, la moiti� de notre peuple a �t� progressivement r�duite au silence. Alors que la premi�re Assembl�e nationale constituante comptait dans ses rangs sur moins de 180 d�put�s 16 femmes, � toutes issues de la guerre d�ind�pendance �, leur nombre n�a cess� de d�cro�tre dans les assembl�es suivantes, d�notant ainsi le m�pris dans lequel les pouvoirs successifs les ont rel�gu�es, jusqu�� en faire des mineures �ternelles, par le Code de la famille en vigueur. 5 � La place de l�Arm�e dans la R�publique : Notre arm�e, comme son nom l�indique, est nationale et populaire. En ce sens, elle est constitu�e par les enfants du peuple �manant de toutes les couches de la nation. A ce titre, il n�y aurait pas lieu de craindre la voir utiliser les armes confi�es par la Nation contre le pouvoir politique �manant de cette m�me Nation. Mais l�histoire en g�n�ral comme la n�tre en particulier, rappelle que parfois le d�tenteur de la force arm�e s�empare du destin du peuple au m�pris et parfois contre l�opinion populaire. Cependant, corps disciplin� par essence, l�Arm�e est aux ordres de ses chefs et c�est leur ambition qui, quelquefois, l�entra�ne � transgresser sa mission naturelle. Il faut objectivement le reconna�tre, l�Alg�rie ind�pendante est n�e dans la douleur. Sans doute, l��tat-major de l�arm�e de 1962, titulaire du pouvoir de fait, � derri�re le paravent d�un leader politique dont l�aura plus suppos�e que r�elle se dissipera quelques mois plus tard �, s�est-il saisi du pouvoir par la violence. Cette accession aux commandes sup�rieures de l�Etat allait promouvoir la primaut� des militaires dans tous les domaines de la vie quotidienne. Le peuple supportait p�niblement ces privil�ges et parfois douloureusement le comportement de certains officiers sup�rieurs. Ce qui, pendant longtemps, justifia sa r�serve � l��gard de l�Arm�e. Mais celle-ci, totalement d�sengag�e de l�action politique apr�s 1988, concevait d�sormais son r�le dans les bornes de sa mission de d�fense de la R�publique, de l�int�grit� du territoire et dans les limites d�finies par la Constitution. C�est pr�cis�ment dans ce cadre que l�Arm�e a r�agi en janvier 1992 conform�ment � l�option de ses sup�rieurs, pr�servant ainsi la d�mocratie menac�e de se voir supplant�e par une �chouracratie� d�un autre �ge. Aujourd�hui et dans la mesure o� la d�mocratie serait solidement instaur�e, il ne para�trait pas n�cessaire de confier � l�Arm�e la mission de garantir les institutions. Ce devoir incombe tout naturellement au Pr�sident de la R�publique, qui tient son pouvoir irr�fragable d�une �lection dans la transparence, la s�r�nit� et le respect du pluralisme politique. Soutenir la th�se contraire, serait craindre la supr�matie d�un parti antir�publicain, qui par hypoth�se ne devrait gu�re participer � la vie politique, d�s lors que l�option r�publicaine d�mocratique irr�versible aura �t� solennellement affirm�e dans une Constitution �manant de la volont� nationale. Les maux qui depuis 1962 alt�rent la sant� du pays ayant �t� rapport�s, franchement et sans acrimonie, il est � esp�rer que ce diagnostic sans complaisance mais sans exc�s justifie la th�rapeutique qui s�impose. Elle pourrait se r�sumer en quelques points : 1. D�clarer solennellement l�adh�sion irr�versible et inali�nable de l�Alg�rie aux principes fondamentaux de la R�publique, c�est-�-dire la D�mocratie, la Libert�, l�Egalit� des citoyens et le respect des Droits de l�Homme. 2. Prendre les mesures ad�quates pour interdire formellement toute manipulation des scrutins �lectoraux, cause des malheurs du peuple et respecter la volont� nationale, seule source de l�autorit� l�gitime. 3. Prononcer la dissolution du Parlement dont on reconna�t que l��lection n�a �t� ni sinc�re, ni transparente, ni cr�dible. 4. Elire dans un d�lai maximum de 6 mois une nouvelle Assembl�e charg�e de proc�der aux amendements propos�s � la Commission de consultation en vue des r�formes politiques, veillant particuli�rement � assurer l��quilibre des pouvoirs l�gislatif, ex�cutif et judiciaire, ainsi que la libert� d�expression et d�information dans le cadre du respect des lois. 5. Permettre sans d�lai � tous les partis, y compris ceux en attente d�agr�ment, de pr�parer leur programme et le faire conna�tre aux �lecteurs, sous r�serve qu�ils s�interdisent l�utilisation, quel qu�en soit le mode, de la religion � des fins politiques. 6. Permettre toute manifestation pacifique d�opinion par l�ouverture du champ m�diatique et l�autorisation de tout moyen d�expression, tels les meetings, r�unions, marches ou autres, sans exclusive concernant telle r�gion ou ville du pays. 7. Assurer pendant cette p�riode, la primaut� de la Force du Droit sur celle du Droit de la Force, dont le pouvoir a souvent fait usage, de fa�on � �difier l�Etat de droit auquel le peuple aspire. 8. Pendant ce d�lai, le Pr�sident g�re la p�riode transitoire par voie d�ordonnances. Messieurs les membres de la Commission, J�ignore quel sera en d�finitive le sort r�serv� � ces propositions, par le Pr�sident de la R�publique d�cideur final, mais il est � craindre encore une fois qu�elles soient poliment enregistr�es mais concr�tement ignor�es entra�nant de nouvelles d�ceptions. Pour notre part, nous avons �t� constamment � l��coute du pays, surtout dans les moments de crise grave, sans autre ambition que celle de le servir et le d�fendre. Aujourd�hui devant la temp�te qui secoue le monde arabe et dont les retomb�es ne manqueront pas de nous atteindre, il est vital pour la s�curit�, la paix, l�unit� et la p�rennit� de notre pays, qu�il soit mis fin � la mani�re dont il a �t� g�r� depuis son accession � l�ind�pendance, pour consolider l�Etat r�publicain, assurer le progr�s et consacrer la D�mocratie.