Il y a cinq ans, le 16 juillet 2006, s��teignait le cheikh El-Hachemi Guerrouabi, un monument de la chanson cha�bi. L��tablissement Arts et Culture n�a pas manqu� de lui rendre hommage et d�honorer la m�moire de l�artiste en organisant une rencontre litt�raire au Centre des loisirs scientifiques, � Alger. C�est Abdelkrim Tazaroute, �crivain et journaliste d� El Moudjahid, qui a eu l�honneur d�animer la rencontre en ce jour comm�moratif de la disparition du grand ma�tre. Son beau livre Guerrouabi ou le triomphe du cha�bi a �t� surtout pr�texte � d�battre avec l'assistance sur l'homme et son �uvre aujourd�hui pass�e � la post�rit�. Il a donc sugg�r� quelques pistes de discussion car, a-t-il soulign�, �on ne d�couvre la grande dimension d�un artiste que lorsqu�on se penche vraiment sur lui ; et l� on se rend compte de la complexit� du personnage et de la richesse de son parcours �. Ainsi, pour Abdelkrim Tazaroute, �cet immense artiste avait une personnalit� hors du commun�. La particularit� de Guerrouabi, ce qui le distingue des autres ma�tres, c�est d�abord �son parcours atypique, voire hors norme, s�agissant d�un chanteur cha�bi�. Esprit novateur, en phase avec l'�volution de la soci�t� et de son �poque, il a r�ussi � bousculer les r�gles aust�res du sanctuaire cha�bi pour donner un nouveau souffle � ce patrimoine musical, le faire rena�tre et �tendre son audience. Dans sa jeunesse d�j�, il a carr�ment bouscul� la sacro-sainte r�gle qui impose � tout interpr�te d�butant l�initiation classique aupr�s des ma�tres, un long et laborieux apprentissage pour m�riter enfin leur agr�ment. Et Abdelkrim Tazaroute de rappeler que �t�t orphelin des deux parents, le petit Guerrouabi �tait d�j� diff�rent des enfants de son �ge. Il �tait plus grand, plus beau, avait le don de se faire chouchouter par son entourage, �tait un �l�ve brillant. A l��cole, il commen�a � se distinguer en chantant et en participant � des radiocrochets o� il d�crochait toujours le premier prix�. Adolescent, il continue � se passionner pour la musique et la chanson (bien s�r, il aime aussi le football comme tous les jeunes de son quartier), mais se fait un peu oublier... Les pr�mices d�un parcours original sont pourtant l�. Et voil� que, � 16 ans, le destin de Guerrouabi lui fait croiser sur sa route un certain Mahieddine Bachtarzi. �Ce jour-l�, raconte Abdelkrim Tazaroute, il accompagnait un voisin � l�op�ra d�Alger, l�actuel TNA. Il rencontre Mahieddine Bachtarzi qui, ayant d�j� entendu parler de lui, lui propose un sacr� challenge pour quelqu�un qui n�a aucune exp�rience de la sc�ne : une premi�re apparition dans un spectacle, le soir-m�me.� Le jeune homme a du caract�re, il accepte et rencontre un franc succ�s. C�est ainsi que d�bute son parcours artistique et que son �toile commence � briller. Il participe � des op�rettes, joue dans des pi�ces humoristiques. El-Hachemi Guerrouabi quitte alors Belcourt (le quartier de son enfance, lui qui est n� le 6 janvier 1936 � El-Madania) pour s�installer � la Casbah, le quartier mythique des ma�tres qui l�ont influenc� tels El-Anka et H�ssissen, et surtout l��l�gant Hadj M�rizek qu�il admire. Il y apprend � jouer de la guitare (et l� il d�roge � la r�gle question instrumentation) tout en perfectionnant ses capacit�s vocales. Durant ses vertes ann�es, lorsqu�il se produit sur sc�ne, Guerrouabi �n�est pas assis mais debout, chante de fa�on d�contract�e et avec le sourire�, souligne Abdelkrim Tazaroute � propos de l�anti-conformisme du futur cheikh. Et puis, son passage par la com�die, son feeling et le souci de soigner son image lui apprennent par la suite � bien jouer son r�le devant la cam�ra. Ce sens de la mise en sc�ne, en professionnel d�j� averti, juste apr�s les premi�res ann�es de l�ind�pendance, �a fait que Guerrouabi a su intelligemment utiliser la t�l�vision en sa faveur�, ajoute Tazaroute. R�sultat, le public des salles de spectacles et du petit �cran d�couvre un chanteur beau, �l�gant et qui commence � imposer son charisme. Le public f�minin notamment est conquis par ce chanteur au physique de jeune premier. Le ph�nom�ne d�identification a le m�rite d��largir l�auditoire des amateurs de la chanson cha�bi. �Surtout que, en 1962-1963, le cha�bi �tait en d�clin et avait perdu son aura aupr�s des jeunes�, selon Abdelkrim Tazaroute. Et de relever : �La rencontre avec Mahboub Bati a �t� salutaire pour la renaissance du cha�bi. C�est l� que s�est op�r�e la fusion entre un interpr�te capable d'assumer le changement et un compositeur en phase avec son temps, celui-l� m�me qui a permis � la chanson cha�bi d'int�grer le canevas du disque 45 tours et donc d��tre diffus�e et distribu�e � plus grande �chelle. Cet excellent casting avec El-Hachemi Guerrouabi a permis au duo de fonctionner pendant de longues ann�es. Le chanteur a ainsi r�ussi le miracle de donner de la cr�dibilit� au cha�bi avec des chansonnettes, des textes � la port�e du large public et une composition moderne.� L�artiste qui aimait les d�fis (l�actualisation du cha�bi en est un) a poursuivi son parcours de perfectionniste en travaillant �norm�ment. La c�l�brit�, il ne la droit pas seulement � des titres comme El-Barah ou Allo Allo, mais aussi � une excellente interpr�tation (avec un cachet personnel) des textes du patrimoine ( madih, qasidate...). �Et l�, il y a des chansons estampill�es Guerrouabi. Par exemple El-Haraz, une chanson au milieu de laquelle il interpr�te un r�le... Un moment exceptionnel�, nous dit Abdelkrim Tazaroute. �Dans les ann�es 80�, poursuit-il, lui et A�t Menguellet avaient �t� les seuls � r�sister � la d�ferlante ra�. D�ailleurs, il fut le premier chanteur cha�bi � se produire au Th��tre de verdure, les autres n�osant pas. Et si Guerrouabi faisait toujours salle comble, il le devait au respect pour son public et � son s�rieux dans le travail. C�est quelqu�un qui ne triche pas.� Le 4 juillet 2004, le Th��tre de verdure � Alger �tait archi-comble. El-Hachemi Guerrouabi y avait donn� son dernier spectacle. �Un spectacle m�morable, se souvient Abdelkrim Tazaroute. La maladie l�avait beaucoup fatigu�, mais d�s qu�il commen�a � chanter c��tait un tout autre personnage. Il renaissait...� L�osmose avec le public y est pour quelque chose. Il faut dire qu�en plus de son riche r�pertoire (que des titres cultes), le grand ma�tre �tait aim� pour ses qualit�s humaines qui ont pour nom g�n�rosit�, modestie, principes et valeurs sociales, respect des autres, fid�lit� en amiti�... Une v�ritable �cole � tous points de vue. Pour Abdelkrim Tazaroute, il n�y a pas meilleur exemple pour les jeunes et les artistes que celui qui �avait consacr� sa vie � la cr�ation, en restant au service de l�art et de la culture�. L��crivain, qui a �galement consacr� un ouvrage � Mohamed Lamari, a d�autres projets d��criture sur Sadek Abdjaoui, Brahim Izri et Warda El-Djaza�ria. �Seulement, nous a-t-il confi�, pareil travail n�cessite �norm�ment de temps libre, de recherche, de d�placements et de contacts...�