Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] L�unanimit� (ou presque) est aujourd�hui �tablie : la maison Alg�rie fonctionne mal, l��conomie est encore largement en de�� de son formidable potentiel, la soci�t� politique fonctionne au ralenti pour ne pas dire ne fonctionne pas du tout, la relation gouvernants-gouvern�s est en rupture totale de confiance et faite de suspicion� C�est aujourd�hui un lieu commun de r�p�ter cela. Pourtant, une petite �claircie : on nous annonce des r�formes politiques. Eh bien oui : des r�formes politiques et profondes nous dit-on ! Le pr�lude de ces r�formes (peu probant, faut-il l�admettre) a �t� la commission Bensalah et ses s�ances d��coute. Les Alg�riens se posent une question et une seule : faut-il y croire ? L�interrogation est loin d��tre saugrenue tant les couleuvres aval�es par les Alg�riens � ce jour ont �t� grosses et nombreuses. Mais mettons cette lourde question de c�t� et �vitons de jouer aux cassandres. Contentons-nous pour l�instant d��valuer la d�marche que compte mettre en �uvre l�initiateur du programme, c�est-�-dire le pr�sident de la R�publique. Des r�formes selon quelles s�quences ? On sait que les processus de mutation syst�mique que mettent en �uvre les pouvoirs en place, notamment dans les pays du Sud, reposent principalement sur des r�formes politiques et des r�formes �conomiques. Le d�bat sur l�agencement des deux programmes de r�formes, de leur s�quentiel est assez connu : faut-il commencer par les r�formes politiques puis aller aux r�formes �conomiques ou bien l�inverse ? Deux th�ses se sont toujours affront�es. La premi�re d�fend l�id�e du primat des r�formes �conomiques. Dans nos pays, il faudrait commencer par engager des r�formes �conomiques qui, en brisant les monopoles, en faisant la chasse aux positions de rente, en soutenant la libert� d�entreprendre et de commercer vont imposer une redistribution des pouvoirs et donc entra�ner dans leur sillage des r�formes politiques devenues alors in�luctables. Dans le cas de notre pays, avec les r�formateurs du FLN et leur programme de transition de 1988-1989, nous avons d�j� exp�riment� cette th�se qui consiste � accorder le primat � la transformation du syst�me �conomique dans le processus de transition d�mocratique. On avait bien adopt� une nouvelle Constitution qui amor�ait une ouverture politique mais on affirmait d�j� � l��poque qu�il fallait r�former graduellement le syst�me politique, de l�int�rieur, par touches successives et le pousser � une transformation profonde et peut-�tre m�me radicale en commen�ant par de vraies r�formes �conomiques qui mettent fin au syst�me �conomique �tatique, centralement administr�e, pour installer � sa place, un syst�me d��conomie de march� avec �libert� d�entreprendre et de commercer� et �autonomie de l�entreprise publique avec possibilit� d�ouverture de son capital�, pr�parant ainsi le chemin � un vrai programme de privatisation. L�ouverture de l��conomie et sa lib�ralisation progressive devaient, selon leurs promoteurs, conduire irr�m�diablement � l�ouverture politique et au changement du syst�me de gouvernance. Cette d�marche n�a malheureusement pas pu avoir raison de la �digue� que constituait le syst�me politique en place qui, au lieu d��tre pouss� � la transformation par les r�formes �conomiques, les a au contraire fait rapidement �chouer et a engag� la confrontation directe, violente, sanglante avec ceux qui voulaient le remettre en cause, �liminant aussi au passage les tenants des r�formes �conomiques qui visaient � mettre fin � l��tatisme et � l��conomie de rente. Les revendications de rupture politique avec �les pratiques du pass� et pour un v�ritable processus de transition d�mocratique que les Alg�riens dans leur grande majorit� soutenaient et appelaient de leurs v�ux ont malheureusement �t� le fait de forces r�trogrades et sanguinaires qui ont plus p�nalis� dramatiquement la population et entra�n� le pays dans la trag�die que nous connaissons tous et dont les stigmates sont encore bien vivaces. C�en �tait fini et du changement du syst�me politique et des r�formes �conomiques elles-m�mes. La priorit� allait d�s lors au r�tablissement de �la s�curit� � et au �fonctionnement normal des institutions et des administrations publiques�. Nouvelles priorit�s difficilement contestables par ailleurs tant les d�g�ts humains et les destructions mat�rielles �taient consid�rables. La seconde th�se d�fendue dans le cadre du phasing des r�formes (�conomiques d�abord puis politiques ensuite ?) �tait celle qui pr�conisait de commencer le processus de mutation syst�mique par les r�formes politiques. On ne peut r�ussir aucune r�forme �conomique, aucune transformation du syst�me �conomique rentier si on ne r�forme pas d�abord le syst�me politique car c�est bien le syst�me politique en place qui, par ses positions de privil�ges octroy�s, ses innombrables r�seaux, va emp�cher toute transformation du mode de production et de distribution des richesses et donc toute r�forme �conomique. D�s lors, tant que le syst�me politique fait de rapine, de client�lisme, de pr�bendes n�est pas radicalement remis en cause, tant que la d�mocratie, la d�lib�ration, l�Etat de droit sont absents, il ne peut y avoir de d�veloppement �conomique et toute r�forme du syst�me �conomique qui vise � le rendre performant est vou�e � l��chec. Notre propre exp�rience nous l�apprend tous les jours : combien de tentatives de transformation du syst�me �conomique se sont-elles bris�es sur le mur du syst�me politique monopoliste, ferm� et autoritaire ? Nos gouvernants ont-il enfin vraiment compris cela aujourd�hui ? Veut-on vraiment remettre � l�ordre du jour, 20 ans apr�s, la n�cessit� de r�formes profondes et en premier lieu dans le domaine politique ? Un contexte r�gional marqu� par le printemps arabe avec ses r�volutions tunisienne et �gyptienne, ses r�voltes populaires dramatiques libyenne, y�m�nite et syrienne, ses r�formes politiques marocaines, a certainement contribu� � d�cider le pr�sident de la r�publique alg�rienne � annoncer la r�examen de la d�marche qui a pr�valu jusque-l� et � promettre d�engager de �vastes r�formes politiques� devant oxyg�ner le syst�me, l�a�rer, l�ouvrir et si l�on s�en tient au discours officiel, le d�mocratiser. Allons-nous d�mentir enfin l�adage selon lequel �les prouesses n�engagent que ceux qui les �coutent� ? En tout cas, et jusqu�� maintenant, l�annonce du pr�sident n�a entra�n� aucun enthousiasme tant les Alg�riens sont pris par le doute et la suspicion. Au mieux entendons- nous le fameux �wait and see�. Mais si le pouvoir a l�intention de faire �comme si��, les Alg�riens feront aussi �comme si��, et c�est le dialogue de sourds qui continuera ! Quelles sont les r�formes politiques annonc�es ? Bouteflika a annonc� la r�vision des lois qui organisent le fonctionnement du syst�me politique alg�rien, la loi �lectorale, la loi sur les partis politiques, le code de l�information, la loi sur les associations et enfin une loi qui organise l�obligation faite aux partis politiques de laisser un niveau de participation aux femmes, et la vie politique (un syst�me de quota sur les listes �lectorales) de tout cet �difice juridique, on comprend ais�ment que c�est la loi �lectorale qui est d�terminante puisqu�elle va d�finir le syst�me par lequel les urnes r�partiront le pouvoir entre les candidats aux diff�rentes �lections l�gislatives, de wilaya, communales. Le paysage politique �tant connu, quelle sera la loi �lectorale la plus ad�quate ou disons au moins la moins pr�judiciable � une avanc�e de la d�mocratie ? L�enjeu, on le voit, est consid�rable et le dialogue, la concertation sur cette loi sont primordiaux. Va-t-on organiser cette concertation ou bien allons-nous en faire fi et d�cider administrativement ? Quand et comment organiser la concertation ? Comment adopter les nouvelles lois ? On ne peut raisonnablement pas s�en remettre � l�actuel Parlement sous dominante FLN-RND qui, on s�en doute, feront tout pour ne rien l�cher de leurs privil�ges actuels et au sein duquel l�opposition est absente. Or c�est pr�cis�ment cette opposition qui, � d�faut de pouvoir faire rejeter les projets de loi, pourra au moins jouer � la mouche du coche et faire infl�chir dans un sens moins sectaire et plus ouvert ces projets de loi. Le pr�sident de la R�publique a, ici, un r�le �minent � jouer pour emmener cette opposition autour de la table du dialogue. L�exercice est tout � fait faisable puisqu�il a pu avoir lieu dans les ann�es 90 durant la trag�die nationale. La loi sur les associations Il est clair que dans les d�mocraties avanc�es, la soci�t� civile est une composante essentielle du r�gime d�mocratique. Civisme, citoyennet�, lien social et solidarit� sont promus et d�velopp�s par le mouvement associatif. Des r�formes politiques r�ussies sont des r�formes qui convergent pour la construction de la d�mocratie de plain-pied, le mouvement associatif organis� chez nous, les derniers �tats g�n�raux de la soci�t� civile tenu au mois de juin ont r�v�l� le formidable potentiel du mouvement associatif national qui a l�Alg�rie chevill� au corps. La nouvelle loi sur les associations ne peut pas, ne doit pas, passer en pertes et profits les tr�s int�ressantes propositions et recommandations faites par les 1100 participants � ces assises. Le code de l�information C�est l� une autre loi d�une importance capitale pour l�information, l�investigation, la restitution des �v�nements majeurs que vit notre soci�t�. Un contrepouvoir dont ne peut se passer aucun pouvoir en place qui veut une bonne gouvernance pour sa soci�t�. Un lien vital entre l�administration et les administr�s, entre les policymakers et les citoyens. Ce code de l�information ne peut en aucun cas �tre �labor� en dehors des �gens de la profession� car ici, plus qu�ailleurs, on ne peut g�rer par injonctions et pour qui conna�t le monde alg�rien des m�dias� La loi sur les partis Un paysage politique quasiment monolithique, des partis d�opposition qui n�ont jamais pu jouer leur r�le tant les obstacles sont nombreux, une foultitude de �faux partis politiques� � qui on sonne le tocsin au gr� des �v�nements, des volont�s de participation � la vie politique nationale par des �lites qu�on emp�che de s�organiser en partis politiques� M�me si toute cette situation pouvait se justifier en contexte s�curitaire tr�s tendu et en �tat de fragilit� des institutions. Cela n�est plus le cas aujourd�hui et la nouvelle loi sur les partis doit aussi bien �videmment faire l�objet de concertation et d��changes. La Constitution Vous aurez remarqu� que nous n�avons pas �voqu� jusque-l� la loi fondamentale. Celle de 1995 est tout � fait apte � encadrer la transition d�mocratique dans laquelle on doit engager le pays. Quelques amendements suffiront � la toiletter et le d�bat dans lequel on veut nous engager sur r�gime parlementaire ou r�gime pr�sidentiel ou encore l�invention d�un r�gime �semi-pr�sidentiel �, d�bats peut-�tre mis en avant pour camoufler les vraies questions � mettre sur la table.