Me croirez-vous, monsieur le ministre ? Vous avez justifi�, � vous seul, le titre de mon roman. En vitup�rant, en termes scatologiques, contre un livre que vous n�avez pas lu, en trompant consciemment l�opinion, vous n�avez pas seulement failli au devoir sacr� du croyant en chef que votre rang sugg�re � ce qui, apr�s tout, ne surprend plus personne � vous avez surtout donn� raison au mendiant du cimeti�re, le h�ros d�un livre que vous ne lirez pas, le mendiant, monsieur le ministre pour qui ce manuscrit est le �dernier pied-de-nez aux proph�tes contrefacteurs, intronis�s par le mensonge qu�ils ont fait dire � l�histoire et � Dieu�. Vous n��tes qu�un proph�te contrefacteur, monsieur le ministre. Un de ceux qui, pour reprendre le mendiant, �ont besoin de stimuler le peuple au nom de Dieu pour ensuite l�asservir au nom du m�me Dieu et r�gner sous le mensonge de Dieu�. Vous n��tes, au final, qu�un de ces vigiles qui veillent, dans ce pays, sur les portes sacr�es du mensonge, de l'hypocrisie, de l'ignorance, de l'ali�nation et de la servitude, ces portes massives qui n'en finissent pas de se refermer sur nos enfants. Que n�avez-vous qualifi� de �naus�abond � les tueries de musulmans ex�cut�es par les groupes islamistes que vous couvrez de votre silence ? Que n�avez-vous qualifi� de �naus�abond� les pillages des richesses nationales commis par vos pairs du gouvernement ? Dieu serait donc absent les jours de carnage et de pillage� En v�rit�, il se confirme dans votre bouche que la surench�re religieuse vient toujours au secours d�une domination. Il y a vingt ans, le livre Awl�d h�ratin� ( Les fils de la m�dina), critique implacable des nouveaux messies arabes, r�cit incisif sur la vie d�un quartier cairote o� chacun des habitants repr�sente un proph�te de la Bible que Mahfouz d�crit comme des individus m�diocres et vaniteux, incapables d�am�liorer la vie des habitants, a failli co�ter sa vie � Naguib Mahfouz. Deux fanatiques islamistes de la Jama'a al Islameya le poignard�rent devant son domicile. Pour le compte de qui ? Et pour quel r�sultat ? Vingt ans plus tard, les fils de la m�dina occupaient la place Tahrir� Mahfouz l�a dit, sur son lit d�h�pital : �L��criture est ma�tresse : elle agit sur la culture et sur les civilisations.� Vous pouvez sugg�rer des lynchages, monsieur le ministre, des mises � mort, mais pas arr�ter le cours de l�histoire. Alors, je me le demande : vous portez-vous au secours de Dieu ou de vous-m�me ? Le peuple alg�rien s��veille et vous n�y pouvez rien. Le mensonge de Dieu a �t� achet� par des milliers d�Alg�riens au moins aussi pieux que vous. `Eux l�ont bien compris. Le mensonge de Dieu, c�est le livre d�un peuple que vous ne connaissez pas. Il raconte un r�ve ancien et � venir, celui d�un nouveau monde, un monde sans ma�tre, un r�ve ancien et � venir � l�int�rieur duquel a toujours m�ri le r�ve de l�indig�ne alg�rien, le r�ve de ce jour, enfin, o� les hommes ne seront que des hommes, jamais plus les �ratons� des autres.