Par Boubakeur Hamidechi [email protected] C�est � travers les anciennes p�rip�ties du mouvement national qu�il faut parfois songer � d�terminer la nature r�elle des r�gimes qui se sont succ�d� depuis 1962. Au cours de ce demi-si�cle de souverainet�, cinq chefs d�Etat ont contribu� aux remodelages successifs des institutions de ce pays et, de fait, sont � l�origine de l�h�ritage du pr�sent. Ben Bella (1962- 1965), Boumediene (1965-1978), Bendjedid (1978-1991), Zeroual (1996-1998) et Bouteflika (1999 � ce jour) sont indiscutablement comptables devant l�histoire de ce qui est, commun�ment, appel� �l�inaptitude de l�Alg�rie� � se r�former. Illustrant � la perfection le fameux �changement dans la continuit�, l�ensemble de ces pr�sidents incarne bien le poids d�cisifs de l�arm�e et la fonction grandissante de celle-ci dans la d�signation des imp�trants. De Ben Bella, premier cheval de Troie de l�arm�e des fronti�res, et jusqu�� Bouteflika, alors appel� � sa rescousse d�s septembre 1998, au moment o� la hi�rarchie commen�ait � se diviser sur de nombreux sujets, aucun des cinq pr�sidents n�a pu se soustraire aux d�sid�ratas de la caserne � laquelle ils doivent tout. La primaut� du militaire sur le civil est non seulement une r�alit� encore perceptible dans les modalit�s de fonctionnement des autres institutions, mais de plus elle est admise comme le r�f�rentiel normatif de la bonne marche de l�Etat. Certes, les diff�rentes s�quences de l�histoire r�cente ont-elles fini par att�nuer sa pesante visibilit� n�anmoins sa pr�pond�rance dans les d�cisions demeure intacte. A l�image d�un g�n�ral Touati, pour ne pas le nommer, qui fut d�sign� parmi la tro�ka pilotant les consultations r�centes, elle est par cons�quent toujours partie prenante du projet de la refondation de l�Etat. Certes moins marraine que par le pass�, l�arm�e garde quand m�me une certaine pr�rogative de censeur sur les dossiers sensibles. Et c�est � ce niveau de son retrait de la vie politique qu�elle pr�tend avoir op�r� sa mue et s��tre reconcentr�e sur ses missions constitutionnelles. Bouteflika n�en avait-il pas justement dissert� sur le sujet aupr�s des interlocuteurs am�ricains comme l�avait rapport� Wikealeaks ? �L�arm�e alg�rienne a chang�, leur avait-il dit. Elle n�est plus ce qu�elle �tait avant 2004�. Avant 2004 ? C��tait donc le chef de l�Etat qui a plac� le curseur sur cette �poque et qui, sans prendre garde, souligne qu�il doit sa promotion initiale � celle-ci. Ainsi, d�un syst�me franchement militaire dont le ma�tre d��uvre fut Boumedi�ne, l�Alg�rie n�est parvenue de nos jours qu�� une �trange hybridation des modalit�s. De nos jours, alors que le contexte r�gional est caract�ris� par la contestation des r�gimes, comment � son tour l�Alg�rie peut-elle s�inscrire dans cette dynamique historique sans rompre radicalement avec la �sp�cificit� � d�une primaut� qui vient de loin ? �L�ind�pendance confisqu�e � qu��non�a Ferhat Abbas r�sume bien le hold-up des origines dont souffrent � ce jour les �lites. Et voil� pourquoi le credo d�Abane Ramdane redevient actuel avec cette date du 20 Ao�t. C�est � ce Saint-Just de la guerre de lib�ration que l�on doit justement cette exigence de la �primaut� du civil sur le militaire et de l�int�rieur sur l�ext�rieur� mais qui lui a co�t� la vie de la main de ses compagnons de lutte. Architecte de la plate-forme de la Soummam (1956) il avait, d�s cette date, pris la mesure des d�viations futures. Son assassinat, quelque temps apr�s la promulgation de la premi�re convention de la R�volution alg�rienne, signait dans le m�me temps la mise en place du syst�me du complot en vue du pouvoir. En 1962 c��tait, par cons�quent, dans le fracas des armes que le destin de l�Alg�rie se d�cida. 55 ans apr�s la Soummam le regret de l�inachev� dans l��dification d�un Etat de droit et le sentiment d�amertume d�un pays flou� lors de ses rendez-vous avec l�histoire se sont conjugu�s pour d�sarmer moralement la soci�t�. Dans moins de deux ann�es, les forces arm�es alg�riennes (ANP 1963-2013) qui c�l�breront le cinquantenaire de leur existence sauront-elles passer la main aux citoyens �lecteurs afin qu�ils d�cident seuls de l�avenir ? Autrement dit, � partir de cet �ge canonique, peut-on esp�rer que cette institution fasse son examen de conscience et solde son vieux tutorat sur le champ politique ? L�instauration effective de la pr��minence du pouvoir civil (celui des urnes) sur l�ensemble constitutif de l�Etat conditionne dor�navant la renaissance du r�publicanisme. La premi�re R�publique (RADP) que les militaires ont d�ailleurs port�e sur les fonts baptismaux et m�me instruite de leurs conseils et injonctions ne fonctionne d�sormais que pour les int�r�ts de clans et ignore le pays r�el. Elle est un non-sens suicidaire pour l�Etat alg�rien tant qu�elle est maintenue sous perfusion. Dans l�urgence, le pays a besoin d�accoucher d�une seconde r�publique dont le mod�le existe dans notre histoire. Celui imagin� par Abane Ramdane et que l�on a enfoui en m�me temps que sa s�pulture. Apr�s un demi-si�cle d�une r�publique enfant�e par l�arm�e des fronti�res, les Alg�riens ne sont-ils pas d�sormais majeurs pour traduire dans la r�alit� l�utopie d�une r�publique de la �Soummam� en hommage � celui qui l�avait r�v�e en r�digeant ce fameux pr�ambule qui tient en une phase et cela au m�pris des risques qu�il payera de sa vie. Le crime politique par excellence qui se r�p�tera, par la suite, tant et tant de fois.