C�est � travers les p�rip�ties du mouvement national et les origines des pouvoirs que les h�ritages politiques apparaissent comme des marques de fabrique. L�on est scrupuleusement l�galiste ou forcement putschiste selon que l�on e�t fait siennes les r�solutions du congr�s de la Soummam (20 Ao�t 1956), ou au contraire que l�on privil�gi�t le primat du �militaire sur le civil�. La l�gitimit� des r�gimes s��tant tr�s t�t construite sur cette, �conflictualit� fondatrice de deux visions, nous en mesurons � ce jour les cons�quences n�fastes d�un tel schisme. Les �Fils de la Toussaint� et la prog�niture tardive du coup d�Etat du 19 juin 1965 se diff�rencient essentiellement sur cela. Ainsi, au-del� des qualifications d�signant le r�le des uns et des autres, la m�moire collective n�a finalement retenu que la nature violente des ambitions des clans ; quand bien m�me d�un c�t� comme de l�autre l�on s�en est d�fendu. Autrement dit, l�incontestable date du 1er novembre ne fut-elle pas remise insidieusement en cause par un certain 19 juin, trois ann�es � peine apr�s l�ind�pendance ? Le travail de l�gitimation qui fut plut�t l��uvre des propagandistes enclins � tous les travestissements engendra comme on le sait, le personnel actuellement au pouvoir qui s�efforce de recoudre sa virginit� � travers quelques reniements formels comme celui de gommer du calendrier officiel un certain 19 juin. Les mutants de la d�mocratie, transfuges d�abord du putschisme, ne peuvent pourtant �chapper � leur acte de naissance politique. Autant dire qu�entre un A�t Ahmed, issu de l�OS et du PPA, MTLD et un Bouteflika, promu dans les casernes frontali�res dans la fin des ann�es 1950, il y a autant de diff�rence dans la culture politique qu�il y aurait entre un Robespierre de 1789 et le consul Bonaparte de 1803. Autant dire que les chefs d�Etat qui se sont succ�d� depuis cette fameuse date n�ont eu de cesse de red�finir leur magist�re � travers cette primaut� galonn�e. Tant et si bien que les revendications populaires qui ont commenc� � leur contester leur qualit�, leur apparurent comme autant de d�rives affaiblissant l�autorit� de l�Etat. Celui-ci, comme on le devine, en a toujours �t� r�duit � l�omnipotence d�un groupe solidaire et sans partage. A partir de ce raccourci, l�on comprend mieux pourquoi, m�me le r�gime actuel qui s�est d�barrass� d�une encombrante date a toujours des difficult�s � s�adapter aux r�gles franches de la contradiction. Et �galement pourquoi il �prouve des difficult�s � faire des mea-culpa d�mocratiques en reniant un pass� de moins en moins gratifiant. Le Pr�sident n��tant pas lui-m�me un �fils de la toussaint� du premier lit l�on comprend, malgr� tout, qu�il ne peut se d�faire de la seule filiation qui lui reste. Et c�est bien � ce niveau que se situe fonci�rement le d�bat sur l��thique de l�Etat avec pour point d�orgue l�interpr�tation de l�histoire du mouvement national. Le 19 juin 1965 ne fut pas une p�rip�tie secondaire, mais bien un tournant d�cisif qui vit l��mergence d�une caste et la confiscation des libert�s. Pour reprendre une �chelle de l�histoire, 42 ann�es dans le XIXe si�cle fran�ais ne furent-elles pas suffisantes pour renvoyer Napol�on et son 18 Brumaire dans les manuels apr�s son exclusion de la vie publique ? Mieux, une si longue s�quence ne permit-elle � cette Nation d�accoucher d�une seconde R�publique ? Toute chose �tant �gale, le Boumedi�nisme, ce burnous du pass� que caressent toujours nos dirigeants, ne fut, en son temps, m�me pas un bonapartisme de panache. A peine pourrait-on lui reconna�tre une sinc�re volont� d��difier un Etat. Or, l�inaccomplissement d�un destin mettra � nu les tares d�un r�gime de castes. Aussi, au lieu de l�imposer comme r�f�rence, cette p�riode allant de 1965 � 1978 m�rite au mieux un inventaire. Il est clair que l�imposture consistant � sacraliser cette �poque n�affecte pas la m�moire du personnage que fut ce Houari, alors qu�elle cloue au pilori ceux qui en firent d�abord un fonds de commerce politique puis ind�cemment en trahirent les quelques vertus patriotiques qui le caract�risait. Cette posture de �n�ohistoriques � plus prompts dans les reniements qu�ils ne sont courageux face � leur peuple, s�explique en partie par leur extraction politique. Chaque fois qu�ils feignent donner la parole � la soci�t�, ils se pr�parent en v�rit� � lui retirer le peu de souverainet� qui lui reste. C�est ce cheminement vers un reformatage de l�espace d�mocratique qui motive de temps � autre cette r�f�rence au pass�. Sans plus. Comme dans un jeu de miroir, cette date du 19 juin sert finalement � refl�ter ce � quoi ce pays doit chaque fois s�attendre de la part de ces h�ritiers du putschisme. Aussi bien les partis politiques que la presse doivent aujourd�hui se poser des questions sur les intentions d�un Pr�sident qui semble �tre incapable de solder par lui-m�me un pass� peu glorieux pour la d�mocratie. En ce mois de juin, nos libert�s ne valent gu�re mieux que celles de l��t� 1965. La presse le sait. Elle doit s�attendre � ce qu�on la contraigne � n�exister que comme une caisse de r�sonance � l�image de ce Parlement dont la l�gitimit� rel�ve du ridicule. M�me vieillie, la prog�niture du 19 juin a bon pied et bon �il.