Au moment o� la musique fun�bre de la rue le somme de dialoguer avec le peuple des fonctionnaires et m�me au-del�, en se penchant sur la d�tresse des ch�meurs, devinez que fait le pouvoir ? Il se tait et se terre dans ses bureaux. Affligeante d�sertion qui se cache derri�re �l�ordre� en donnant la troupe pour disperser de pacifiques contestataires. Temps cr�pusculaire pour une soci�t� livr�e � la vacuit� du sommet de l�Etat. Atmosph�re d�l�t�re qui enveloppe le pays dans sa totalit� alors, qu�en contrepoint, le premier cercle continue � manipuler une fantomatique �soci�t� civile� afin de massifier le mot d�ordre que l�on conna�t d�sormais. Ces derni�res semaines, l�Alg�rie subit la pire de toutes les m�t�os politiques. Celle qui pr�pare le lit au chaos et dont les pr�mices est le d�litement des institutions. A El-Mouradia r�side, certes, un chef d�Etat, mais il est volontairement muet et orgueilleusement indiff�rent � l�Etat de la Nation. De m�me qu�au Palais du gouvernement �marge un clerc moins soucieux d��tudier les dossiers de l�intendance que d�organiser des messes basses comme un Florentin. C�est par cons�quent de l�imp�ritie g�n�ralis�e d�un ex�cutif que souffre le pays jusqu�� aggraver les incertitudes sur son avenir. �Nous sommes en plein dans le brigandage politique�, pestait r�cemment un v�t�ran de l�ALN. La formule est s�rement intempestive pour qualifier ce qu�y se trame, mais tant pis, empruntons-l� car elle est le meilleur raccourci �voquant l�ind�cente focalisation sur l�autosuccession et l�agitation entretenue � cet effet. Au moment o� tous les clignotants sont au rouge et qu�ils s�allument, soit sur la mis�re dont les niches se multiplient, soit sur la lamentable condition faite aux chaumi�res des salari�s, l�on trouve rien d�autre � promettre qu�une reconduction maquill�e en grand��uvre constitutionnel. Or, en politique, le temps des subterfuges est toujours compt� sous peine d��tre confondu par la succession des mensonges, surtout lorsqu�on occupe les cimes du pouvoir. Apr�s neuf ann�es d�opacit� dans les actes de gestion et de rendez-vous manqu�s avec les grandes r�formes promises, la sanction ne peut �tre que� capitale dans les moments de v�rit�. En effet l�on s�essayera vainement � ressortir, du bilan pr�sidentiel, la moindre trace d�une grande r�forme aboutie. Parmi celles, solennellement �nonc�es dans le programme de celui qui n��tait que candidat avant avril 1999, n�y avait-il pas pr�cis�ment le changement de la Constitution ? En son temps, la proposition ne manquait ni de pertinence en soi ni de large consensus dans l�opinion et le microcosme. Car, d�s l�instant o� elle s�inscrivait dans l��volution des m�urs politiques, amorc�e, cahoteusement , gr�ce � Octobre 1988, elle apparaissait comme un projet qualitativement d�fendable. Cependant, en diff�rant le d�bat sur le sujet d�un mandat � l�autre, Bouteflika a fini par se disqualifier lui-m�me. Pour cause de calendrier jamais respect�, le concept d�une nouvelle r�publique ne lui appartient d�j� plus mais � son successeur. C�est ce qui s�appelle la pr��minence des r�gles et de la morale du pouvoir sur les ambitions l�gitimes, fussent-elles pl�biscit�es sinc�rement. Poutine en Russie vient d�en administrer la preuve en respectant � la lettre la vieille Constitution malgr� un bilan globalement positif. H�las chez nous, le m�me homme politique qui, en d�cembre 2000, affirmait que �la r�forme de l�Etat par l�ampleur et l�importance des questions qu�elle soul�ve et la nature des enjeux qu�elle comporte aura un impact d�terminant sur la mise en �uvre de la politique de renouveau national�, en est r�duit aujourd�hui � triturer quelques articulets de la loi fondamentale, presque � la sauvette. E�t-il engag�, � l��poque de son discours, cette refonte de la loi et cette refondation des institutions, quitte � se r�am�nager une perp�tuit� personnelle � travers le d�verrouillage des mandats n�aurait pas �t� assimil� � une r�gression. Voire � une infraction, quand de nos jours l�amendement en vue est per�u comme une effraction insoutenable. Tant il est vrai qu�une constitution est d�abord l�expression d�un d�sir et d�une volont� de toute une nation et jamais un costume que l�on rafistole chaque fois � la taille d�une ambition personnelle. Le �renouveau national� dont il partait il y a huit ann�es ne peut se concr�tiser que si on l�inscrit dans la perspective d�une rupture radicale avec les traficotages du pass�. Ceux qui avaient r�duit la Constitution � une contrainte assign�e aux sujets alors qu�elle est en priorit� un garde-fou pour les gouvernements. La petite histoire de nos constitutions malmen�es est �difiante et illustre bien ce qui n�a gu�re chang� dans nos m�urs politiques. En 45 ann�es de souverainet�, le mode op�ratoire est demeur� le m�me� Ben Bella avec l�appui d�un �BP� coopt� par ses soins, n�a-t-il pas taill� des croupi�res � la constituante mise en place � partir de septembre 1962 ? Et n�imposa-t-il pas une d�finition fondatrice de l�Etat, bien loin des recommandations de la plate-forme de la Soummam (ao�t 1956) et de la d�claration du 1er Novembre 1954 ? C�est de cette �poque que date le sigle de la RADP en contradiction avec les r�f�rents historiques qui parlaient eux de �R�publique d�mocratique et sociale�. Plus tard en d�cembre 1976, Boumediene fera pl�bisciter une Constitution � sa mesure. Parfaite illustration du despotisme �clair� qu�il incarnait mais o� il n�y avait pas de place pour les libert�s publiques. A son tour Bendjedid, pouss� dans ses derniers retranchements, au lendemain d�Octobre 1988, �commanditera � un nouveau texte en f�vrier 1989 par lequel il �vacuait les r�f�rences du �parti- Etat�. Zeroual, en 1996, estimera �utile� d�amplifier certaines articulations des pouvoirs en innovant avec le bicam�risme et en ajoutant une dose d�amazighit� au chapitre consacr� aux �l�ments constitutifs de l�identit� nationale. Or, ces quatre constitutions ayant accompagn� les moments forts de la vie du pays n�ont eu que peu d�effet sur les modalit�s anciennes de fonctionnement du syst�me. Elles ne fournissaient en fait qu�un cadre l�gislatif �actualis� pour une philosophie du pouvoir qui n�a pas chang� d�essence. Autrement dit, la filiation des r�gimes de Ben Bella, Boumediene, Bendjedid, Zeroual et Bouteflika est la m�me. Ils sont tous l��manation de cette RADP matricielle que l�on a adapt�e simplement aux mutations des moments sans rien changer sur le fond. Une succession de remodelage qui n�a jamais remis en cause un h�ritage archa�que et envisag�, par voie de cons�quence, la naissance d�une nouvelle r�publique. Bouteflika qui se disait gaullien, par mim�tisme, avait-il �t� tent�, en 2000, d�accoucher d�une IIe R�publique � l�image de son mod�le qui fut le g�niteur de la Ve en France ? Trop vell�itaire pour aller jusqu�au bout d�un projet, on le retrouve finalement et au bout de sa trajectoire l�gale, en train de se fournir en astuces pour ne pas quitter l�ancienne. Sagement ! Sagement� avons-nous dit ? Bizarre ! Car cette r�publique- l� est d�j� dans le ruisseau.