[email protected] Une vision politicienne � ce en quoi nous sommes pass�s ma�tres � a focalis� l�attention sur le pouvoir d�achat des avoirs alg�riens � l��tranger, notamment aux Etats-Unis. L��quation est plus complexe mais n�augure pas pour autant de beaux horizons pour une �conomie renti�re qui ne p�se que par ce qu�elle consomme(*). Des cours du brut en baisse et de surcro�t libell�s dans un dollar d�pr�ci�, avec l�annonce d�une inflation en hausse frappant des importations croissantes. Tels sont les ingr�dients du sc�nario catastrophe pour l��conomie alg�rienne. Une perspective qui sonne le glas du pilotage automatique par la d�pense publique pratiqu� aujourd�hui et r�clame une nouvelle gouvernance et de nouveaux arbitrages. La menace inflationniste qui accompagne les mesures pr�conis�es pour faire face au casse-t�te de la dette publique n�est pas une vue de l�esprit. Elle est pr�conis�e par l'ancien chief economist du FMI, �galement consid�r� comme l'un des grands �conomistes contemporains, Kenneth Rogoff, qui plaide pour une �inflation mod�r�e�(**) comme moyen de r�duire les dettes d�Etats industrialis�s vivant au-dessus de leurs moyens, ayant pour la plupart projet� des anticipations trop optimistes de leurs retours sur investissements. La proposition (d�all�ger l�effort de remboursement de la dette par un recours � l�inflation) n�est certes pas dans l�air du temps car elle implique pour les entreprises de moins r�mun�rer leurs actionnaires, mais le sauvetage du syst�me vaut bien, momentan�ment, quelques �sacrifices�. Le temps, notamment, d��ponger les exc�dents de devises de ceux qui ne savent pas quoi en faire ou en font un mauvais usage, aux yeux des grands argentiers ! Pour Kenneth Rogoff, le probl�me actuel est celui de �l'endettement catastrophique qui touche l'�conomie � l'�chelle mondiale et auquel il sera impossible de rem�dier rapidement sans la mise en place d'un syst�me de transfert de la richesse des cr�anciers aux d�biteurs, en recourant au choix soit du non-paiement, soit de la r�pression financi�re, soit de l'inflation.� Denis Clerc traduit l��quation de fa�on plus simple : �En clair, la dette globale � celle des Etats, mais aussi celle des m�nages et celle des entreprises � est trop lourde pour penser qu'elle sera rembours�e : les d�biteurs seront �trangl�s avant d'y parvenir, et tout le monde, cr�anciers compris, supportera douloureusement les cons�quences de cet �tranglement. Que faire alors ? On peut passer l'�ponge (faillite, d�faut de paiement ou annulation de tout ou partie de la dette). On peut aussi imposer une baisse, voire une suppression des int�r�ts sur la dette pour la rendre supportable (c'est la �r�pression financi�re�). On peut enfin recourir � l'inflation : les prix augmentent, les salaires et les autres revenus �galement, ce qui permet de r�duire le poids relatif de la dette�(***). Dans l'histoire �conomique, ceux qui pr�conisent l�inflation sont qualifi�s de �d�valuateurs �. Dans le conflit d�int�r�ts qui a toujours oppos� le banquier et l�industriel � que le capitalisme financier a fait passer manu militari sous les fourches caudines du premier � le banquier d�fend les cr�anciers, car son m�tier est de faire du cr�dit : pas question alors pour lui d'�tre rembours� en monnaie de singe, d'o� le choix de la d�flation. L�industriel, au contraire, d�fend les emprunteurs, car ses profits ne suffisent en g�n�ral pas � autofinancer leur croissance. Dans le cas d�esp�ce, la d�valuation � qui officialise et p�rennise la perte de pouvoir d'achat du dollar � facilite le remboursement des dettes, puisqu'un dollar ch�rement emprunt� avant la crise peut �tre rembours� avec un dollar ayant perdu de grosses parts de sa valeur. �L'inflation comme outil de domestication de la finance, est-ce encore valable aujourd'hui ?�, s�interroge Denis Clerc. �Le fait de d�pr�cier les cr�ances existantes permet toujours d'all�ger le fardeau de la dette (�) Mais il s'accompagne d'une cons�quence qu'il ne faut pas sous-estimer. Les banques et les organismes financiers, anticipant ces �volutions, peuvent se pr�munir contre elles en indexant leurs taux d'int�r�t sur l'inflation, ou en les augmentant si elles ne peuvent pratiquer de taux variables. Il y a donc un risque de rench�rissement compensateur du co�t du cr�dit : ce que les organismes de cr�dit perdent du fait de la r�duction de valeur du capital pr�t�, ils s'efforceront sans doute de le remplacer par un taux d'int�r�t plus �lev�. Ce qui devrait inciter les entreprises � moins emprunter, donc � davantage pratiquer l'autofinancement�. Entre les trois options ainsi recens�es, l�inflation est, pour Kenneth Rogoff, �un moindre mal pour r�soudre la crise�. Se voulant r�aliste et �peu rassurant�, Kenneth Rogoff qualifie la crise actuelle de �Seconde Grande Contraction�, �une crise financi�re classique tr�s s�rieuse�, et non �une r�cession classique tr�s s�rieuse�. La crise porte sur une contraction �qui ne concerne pas seulement la production et l'emploi, comme c�est le cas dans une r�cession normale, mais �galement la dette et le cr�dit, ainsi que le d�sendettement, qui n�cessite g�n�ralement plusieurs ann�es�. Les Grandes Contractions, qu�il oppose aux r�cessions, �sont des �v�nements tr�s rares, qui surviennent peut-�tre une fois tous les 70 ou 80 ans�. En clair, il s�agit d�une pneumonie, plut�t que d�un �mauvais rhume�. Et le traitement efficace � prescrire tient � une bonne dose d�inflation sur une p�riode assez longue parce que, � la diff�rence d�une r�cession classique, o� la reprise de la croissance s�effectue dans un retour raisonnablement rapide � la normalit�, une crise financi�re classique et profonde exige une p�riode de plus de quatre ans � une �conomie �rien que pour retrouver un niveau de revenu par habitant �gal � celui d�avant-crise�. Ici, dans le cas d�une �Grande Contraction,� c�est le traitement de la dette qui constitue la mesure phase, la meilleure strat�gie consistant pour les gouvernements � acc�l�rer sa restructuration et sa r�duction. Kenneth Rogoff soutient que �le seul moyen pratique d��courter la douloureuse p�riode de d�sendettement et de croissance ralentie � venir consisterait en un recours mod�r� � l�inflation, disons 4 � 6%, pendant plusieurs ann�es�. Quoique, id�alement �tal�e dans le temps, l�inflation s�annonce au mieux �importante�, au pire �massive�. Celle-ci permettra d'�teindre ou du moins de r�duire les dettes internes. S�agissant des dettes externes, leur r�duction/extinction n�cessitera une d�valuation globale des grandes monnaies occidentales, �galement in�luctable. Certes, Kenneth Rogoff n�ignore pas le poids qu�une telle mesure transfert � la charge des d�biteurs : �Bien �videmment, l'inflation est un transfert injuste et arbitraire des revenus des �pargnants vers les d�biteurs. Mais, en fin de compte, un tel transfert correspond � la mesure la plus directe pour esp�rer une reprise rapide. L�inflation frappera quoi qu�il arrive, d�une mani�re ou d�une autre, et c�est ce que l�Europe est en train de comprendre dans la douleur�. Un tel transfert est d�autant plus injuste que, dans l�intervalle, et pendant longtemps encore, les �carts de productivit� dont b�n�ficient les anciennes puissances industrielles ne compenseront pas les �carts de co�t qui sont la force de frappe des pays �mergents qui auront, au demeurant, pris le risque de placer leurs avoirs aupr�s de leurs grands clients. L�Alg�rie est de ceux-l�. A. B. (*) S�agissant de nos importations, essentiellement alimentaires, selon la derni�re �dition du rapport Food Price Watch, du Groupe de la Banque mondiale, publi�e le 15 ao�t courant, les prix alimentaires mondiaux relev�s en juillet 2011 restent nettement plus soutenus qu�en juillet 2010. Globalement, leur niveau est de 33 % sup�rieur � celui de l�an dernier, des produits fortement demand�s chez nous comme le ma�s (+ 84 %), le sucre (+ 62 %), le bl� (+ 55 %) et l�huile de soja (+ 47 %) contribuant � cette augmentation. Certains produits de premi�re n�cessit� affichent toujours une forte volatilit� sur la p�riode. Ainsi, les prix du bl� et du ma�s, qui avaient recul� en juin, sont repartis � la hausse les 15 premiers jours de juillet et les prix du riz, en baisse entre f�vrier et mai, augmentent � nouveau. (**) Kenneth Rogoff, Cette crise est plus qu'une r�cession, Les Echos, 3 ao�t 2011. (***) Denis Clerc, L�inflation contre la dette, Alternatives Economiques, 9 ao�t 2011.