Par Hassane Zerrouky Maintenant que le retrait de Mouammar Kadhafi est un fait in�luctable, la vraie question est de savoir si la chute de l�ancien r�gime va ouvrir la voie � l�instauration de la d�mocratie et d�un Etat de droit en Libye. Certes, � la conf�rence de Paris, le Conseil national de transition (CNT) libyen a annonc� l��lection d�une assembl�e constituante dans huit mois et des �lections pr�sidentielle et l�gislatives d'ici 20 mois. Mais le processus de transition sera sans doute beaucoup plus compliqu�. Et ce, au moins pour plusieurs raisons. La Libye sort doublement exsangue. Politiquement d�abord : la Djamahirya (l�Etat des masses), fond�e par Kadhafi, reposait sur une institution qui n�en �tait pas une, le �Congr�s g�n�ral du peuple�, � la fois parti politique et institution �tatique, avec une direction tournante de la base au sommet, de fa�on � emp�cher toute cr�ation de clans ou de groupes d�int�r�ts. Il avait ainsi cr�� une organisation socio-politique unique au monde, archa�que dans le fond et la forme, cens�e transcender les clivages tribaux et de classe, niant la moindre libert� �l�mentaire et l�gitimant par avance toutes sortes de violation des droits humains. Exsangue �galement du fait de l�obstination de Kadhafi et de son clan � n�avoir pas compris que le monde avait chang�, que les concessions faites � l�Occident � coop�ration dans la lutte anti-Qa�da, ouverture du march� p�trolier aux compagnies occidentales � n��taient d�aucun secours et, partant, � avoir voulu se maintenir au pouvoir. Une obstination qui a fini par provoquer l�intervention militaire occidentale � laquelle il a tent� d�opposer en vain une �guerre de r�sistance� ! Au final et du fait du vide politique existant, dans un pays o� tout est � construire, o� en l�absence de soci�t� civile, de partis politiques � ils n�existent que sur le papier � o� les rivalit�s tribales sur fond de mont�e en puissance de l�islamisme toutes tendances confondues structurent aujourd�hui le champ politique, le CNT aura fort � faire. R�gler les probl�mes imm�diats � r�tablir l��lectricit�, l�alimentation en eau potable, l�approvisionnement des march�s en denr�es de base dans un contexte d�explosion des prix �, assurer le paiement des salaires des fonctionnaires afin d�assurer un retour graduel � la normale dans un contexte d�ins�curit� r�elle � les armes circulent comme jamais � engager un processus de r�conciliation nationale, tout cela demande du temps, une organisation et l�implication du plus grand nombre. Toutes choses qui, une fois pass�e l�euphorie cr��e par le d�part de Kadhafi, ne vont pas se mettre en place par enchantement, sans susciter des clivages socio-politiques entre ces forces en devenir aspirant au contr�le du pays, sans heurts donc entre ces m�mes forces, dans un contexte d�explosion d�aspirations de toutes sortes impossible � satisfaire sur le court terme. Et dans cette situation, rien ne dit qu�un CNT un peu trop m�diatis� pour les besoins de la cause, soit en mesure d�y faire face. Un, parce qu�il n�est pas politiquement homog�ne. Deux, parce que l�anti- kadhafisme qui tient lieu de programme ne r�sistera pas aux contradictions socio-politiques � venir. Trois, parce que les islamistes du Groupe islamique des combattants libyens (CGIC), principale force organis�e du CNT, vont peser de tout leur poids sur l��volution du rapport des forces au sein de la nouvelle Libye. Abdelhakim Belhaj, chef du CGIC, est le commandant du Conseil militaire g�rant la ville de Tripoli. Ses deux autres compagnons d�armes, anciens du GICL, Ismail Salabi et Abdelhakim Al Assadi, dirigent respectivement la r�bellion � Benghazi et � Derna. Et au sein m�me du CNT, ils sont repr�sent�s par trois des leurs dont Ali Salabi, l�homme qui avait n�goci� la lib�ration de Belhaj avec Seif el-Islam, en contrepartie de son renoncement au djihad ! Encore une fois, en Libye, il ne s�agit pas d�une �histoire fl�ch�e � (dixit Benjamin Stora) o� tout indiquerait que l�on va vers la direction souhaitable. Les Libyens se sont certes affranchis d�un Etat dictatorial � l�id�ologie d�lirante et d�une brutalit� extr�me, mais la route vers la d�mocratie sera longue et complexe. Quant � l�Occident, ce qui lui importe le plus, c�est de remodeler, au nom de la d�mocratie, la carte m�diterran�enne en fonction de ses int�r�ts, quitte � jouer la carte de l�islam politique comme l�a r�cemment sugg�r� Alain Jupp� !