De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed On n�en finit pas de d�couvrir les secrets de la Fran�afrique, ce syst�me d�cri� de r�seaux d�influence maintenus par la France avec ses anciennes colonies. Les langues se d�lient toutefois �tonnamment maintenant. Une odeur de soufre souffle sur la France � neuf mois de la pr�sidentielle. ��a pue�, d�clarent m�me certains politiques ; ��a sent la manipulation � de Sarkozy, disent beaucoup d�autres. L�interview qu�a donn�e Robert Bourgi, un des piliers de la Fran�afrique, h�ritier de Foccart et actuel conseiller officieux de Nicolas Sarkozy, fait scandale. Si les pratiques qu�il r�v�le dans l�interview donn�e au JDDde cette semaine sont de notori�t� publique connus depuis les nombreux �crits sur la Fran�afrique, les d�tails qu�il fournit, cependant, sont dignes de comportements mafieux, inimaginables pour de hauts responsables politiques. Mais, rel�vent beaucoup d�observateurs, il y a un hic : ce quasi-mercenaire qui a servi tous les dirigeants fran�ais depuis de Gaulle ne met � l�index dans son d�ballage que deux hommes, Chirac et de Villepin, et accessoirement un troisi�me, Jupp�. Il le fait en plein proc�s Chirac sur les emplois fictifs ; � trois jours de l�arr�t de la cour d�appel dans l�affaire Clearstream et, enfin, avant la sortie du livre du journaliste Pierre P�an �La R�publique des mallettes�. Une co�ncidence ? Difficile � croire. Comment ce monsieur Bourgi, avocat franco-libanais de formation, a convoy� jusqu�� l�Elys�e pendant des ann�es les millions des chefs d�Etat africains ? Son r�cit est proprement scandaleux : �Pendant trente ans, Jacques Foccart (l�homme exclusif des affaires africaines de De Gaulle, d�c�d� en 1997) a �t� en charge, entre autres choses, des transferts de fonds entre les chefs d�Etat africains et Jacques Chirac. Moi-m�me, j�ai particip� � plusieurs remises de mallettes � Jacques Chirac, en personne, � la Mairie de Paris�. Lorsque le journaliste lui demande s�il le faisait directement, Bourgi r�pond �oui, bien s�r�, et donne des d�tails croustillants : �C��tait toujours le soir. �Il y a du lourd ?� demandait Chirac quand j�entrais dans le bureau� Il prenait le sac et se dirigeait vers le meuble vitr� au fond de son bureau et rangeait lui-m�me les liasses.� Et � la mort de Foccart que faites-vous avec Dominique de Villepin ? Et les remises de valises ont-elles continu� ? lui est-il demand�. �Elles n�ont jamais cess�. A l�approche de la campagne pr�sidentielle de 2002, Villepin m�a carr�ment demand� la marche � suivre� Par mon interm�diaire, et dans son bureau, cinq chefs d�Etat africains � Abdoulaye Wade (S�n�gal), Blaise Compaor� (Burkina Faso) Laurent Gbagbo (C�te d�Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo- Brazzaville) et bien s�r Omar Bongo � ont vers� environ 10 millions de dollars pour cette campagne (pr�sidentielle de Chirac) de 2002.� Et cette pr�cision cocasse s�il n��tait question de dirigeants qui gouvernent notre continent : �Un exemple qui ne s�invente pas, celui des djemb�s (des tambours africains). Un soir, j��tais � Ouagadougou avec le pr�sident Blaise Compaor�. Je devais ramener pour Chirac et Villepin 3 millions de dollars. Compaor� a eu l�id�e, connaissant Villepin comme un homme de l�art, a-til dit, de cacher l�argent dans quatre djemb�s� Les tamtams �taient bourr�s de dollars. Une fois dans son bureau, Villepin a dit �Blaise d�conne, c�est encore des petites coupures�. � Suivent apr�s de tr�s nombreux d�tails tout aussi surr�alistes les uns que les autres, sur chacune des op�rations de remise d�argent directement � Chirac ou � Villepin, les valises bourr�es d�argent et planqu�es derri�re les fauteuils parce que des gens �taient dans le bureau de Villepin ; ou encore les cadeaux qu�il aurait eu � remettre � l�un ou l�autre des deux responsables : b�ton de mar�chal ; superbes masques africains, livres rares et manuscrits de Napol�on ou encore �cette montre Piaget offerte par Bongo qui devait r�unir environ deux cents diamants. Un objet splendide, mais difficilement portable en France�. Enfin, lorsque le journaliste lui demande : �Les financements africains auraient-ils cess� pour la campagne de 2007 ? Difficile � croire, d�autant que Sarkozy � peine �lu, s�est rendu au Gabon et a annul� une partie de la dette gabonaise�, l�homme de l�Afrique et porteur de mallettes aux dirigeants fran�ais a eu cette r�ponse : �Je dis ce que je sais. Ni Omar Bongo ni aucun autre chef d�Etat africain n�a remis d�argent � Nicolas Sarkozy ni � Claude Gu�ant.� Tout le monde veut bien le croire mais pourquoi celui qui se dit avoir vid� sa conscience d�un secret trop lourd et qu�il l�a fait parce qu�il a eu honte le fait-il maintenant ? En attendant, Jacques Chirac (qui semble avoir retrouv� sa m�moire) et Villepin ont d�cid�, dimanche soir, de d�poser plainte en diffamation contre Robert Bourgi. Par ailleurs, si le porte-parole de la pr�sidence s�n�galaise d�ment ces accusions �compl�tement fausses pour le S�n�gal� par un communiqu� qui devra, promet-il, �tre suivi par un autre, un ex-proche du r�gime d�chu de Laurent Gbagbo de C�te d�Ivoire confirme qu�il y a bien eu transfert de trois millions d�euros pour la campagne de Jacques Chirac en 2002. Ambiance, ambiance�