Par Hassan Remaoun, universitaire Le g�n�ral Khaled Nezzar a �t� interpell� le 20 octobre 2011 lors d�un s�jour en Suisse, en raison d�une plainte pour torture d�pos�e par deux membres de la mouvance de l�ex-FIS. Au-del� du droit de chaque �tre humain de demander justice pour ce qui pourrait relever d�atteintes � sa personne, cinq raisons au moins nous poussent � r�agir pour d�noncer les modalit�s et autres consid�rants de cette interpellation : 1- L'indiff�rence apparente des autorit�s publiques en Alg�rie face � une interpellation pour des faits qui auraient eu lieu au moment o� le concern� exer�ait des responsabilit�s officielles en Alg�rie, comme ministre de la D�fense, puis membre du Haut Conseil d��tat (HCE) et que notre pays �tait dans la tourmente, isol� � travers une sorte d�embargo international. Ni les autorit�s helv�tiques, ni celles de bien d�autres pays n�avaient � l��poque cherch� � comprendre ce qui se passait chez nous durant plus de dix ans pour s�inqui�ter des droits de l�homme. 2- C�est la seconde fois que le g�n�ral Khaled Nezzar est interpell� lors d�un voyage � l��tranger (il l�a d�j� �t� en France) et de la part de juridictions dont nous d�plorons qu�elles n�aient jamais cibl� les commanditaires et apologistes de l�action terroriste en Alg�rie, alors m�me qu�ils r�sidaient dans leurs pays et faisaient leurs d�clarations bellicistes au vu et su de tout le monde.Une telle mansu�tude �tait-elle motiv�e par le fait que ces r�seaux terroristes ne s�attaquaient pas � leurs concitoyens, du moins jusqu�� ce que les choses changent en profondeur, notamment apr�s les attentats du 11 septembre 2001. Mais revenons aux conditions de ces deux interpellations du g�n�ral Khaled Nezzar et ancien membre du gouvernement qui semblent similaires et rappellent d�autres cas d�interpellation d�Alg�riens selon le m�me sc�nario. Nous pensons que, sans v�ritable preuve palpable, des r�sidus de l�ancien FIS ou d�autres organisations annexes, soutenus par des ONG souvent autoproclam�es, parfois r�tribu�es par des �tats ou par des fondations peu cr�dibles, instrumentalisent les justices europ�ennes qui voient l� un moyen d�exhiber un blason de �d�fenseurs � des droits de l�Homme. Apparemment cependant, selon le principe �deux poids, deux mesures�, comme le montre le recul de la justice suisse dans l�affaire du fils Kadhafi, au temps de la �splendeur� du p�re, pour des faits av�r�s et qui s��taient pourtant d�roul�s � l�int�rieur m�me du territoire helv�tique. Elle ne s�attaque pas non plus aux Bush, Cheney, Sharon et autres, alors en fonction au moment o� les violations des droits humanitaires les plus �l�mentaires �taient commises � Abu Ghreib en Irak, � Guantanamo, en Palestine ou au Liban� Il faudrait donc croire que Khaled Nezzar constitue d�abord une cible privil�gi�e pour ceux qui voient en chaque militaire du tiers-monde un Pinochet potentiel. 3- L�argument qui suit ici pourrait para�tre d�suet et ringard � l��re de la mondialisation et du village plan�taire. Nous nous autorisons � penser cependant que l�Alg�rie qui a pay� le prix le plus �lev� pour cela, a absolument droit � l�exercice de sa souverainet� nationale. Ce n�est pas parce que nous n�avons malheureusement pas encore des institutions toujours performantes, sur le plan judiciaire notamment, et dont nous avons le devoir urgent d�ajuster au niveau des normes mondiales en la mati�re que d�aucuns s�arrogeraient le droit de nous imposer une souverainet� limit�e, et que n�importe quel magistrat en Europe ou ailleurs puisse s�octroyer le droit �d�enqu�ter � sur nos organes de souverainet� (en substance ici l�Etat alg�rien et l�Etat-major de l�arm�e). On imagine mal que ces pays et leurs citoyens acceptent que la justice alg�rienne s�avise d�interpeller des responsables fran�ais ou helv�tiques de haut niveau, sous pr�texte d�enqu�ter sur les �valises� d�origine africaine qui ont financ� maintes campagnes �lectorales en France, ou sur le r�le des banques suisses dans le fonctionnement des r�seaux internationaux de blanchiment d�argent (y compris d�origine alg�rienne). Il y aurait certes aussit�t une lev�e de boucliers pour tenter de nous remettre �� notre place�. En fait, tout donne l�impression que l�on vit encore � l��ge des trait�s in�gaux et de la justice d�territorialis�e pratiqu�e longtemps par les Europ�ens dans le monde colonial, et � juste titre d�nonc�e jadis par les Chinois ainsi que par les Alg�riens, dans les diff�rents programmes du Mouvement national et dans la Proclamation du 1er Novembre 1954 qui exigeaient l�abrogation des textes l�gitimant cet �tat de fait scandaleux. Notre �tat national, au sens moderne de la notion, n�a que cinquante ans, son existence a �t� tr�s durement arrach�e : d�s lors, il nous revient de le prot�ger et de le critiquer pour toujours le faire avancer, non pour lui faire faire des rat�s ou contribuer � le d�truire. Mais ce combat est interne. 4/ Toujours dans cet ordre d�id�es, certains de nos compatriotes ont trop tendance � se r�f�rer au principe de �l�ing�rence humanitaire�. Nous ne sommes pas suffisamment dupes pour ne pas savoir distinguer entre ceux qui sont attach�s � l�id�ologie des droits humains (et qui le font pour des causes plus ou moins l�gitimes), et ceux, les plus nombreux et organis�s sans doute, qui le font pour des raisons tactiques. Le credo de ces derniers, m�me s�il est souvent dissimul�, demeure fondamentalement la Charia, au sens le plus galvaud�, et l��tat islamiste, th�ocratique dont on nous a fait payer le prix, particuli�rement cher et sanglant en Alg�rie et ailleurs dans le monde musulman. Et ce prix continue � �tre impos� � des populations pacifiques en plusieurs points du globe. D�aucuns ont trop tendance � oublier les dizaines de milliards de dollars de destructions d�infrastructures et les dizaines de milliers d�Alg�riens et d��trangers morts dans les conditions les plus horribles ainsi que les centaines de milliers d�exil�s � l�int�rieur du pays ou � l��tranger que l�aventure islamiste et le rejet violent du pluralisme, de la tol�rance, des libert�s individuelles et collectives ainsi que la faible teneur de l�Etat de droit ont provoqu�s chez nous. Le probl�me est qu�on tend de plus en plus � d�sarmer la soci�t�, les plus jeunes notamment, quant � l�analyse et � la critique de ce pass� crucial, et que cette culture de l�amn�sie est porteuse de graves m�saventures pour l�avenir. Ceci d�autant plus que les principaux responsables de ces horreurs esp�rent plus que jamais revenir sur la sc�ne politique sans jamais avoir reconnu l�atrocit� de leurs actes, et sans avoir chang� quoi que ce soit aux principes fondamentaux de leur id�ologie productrice de fatwas condamnant � mort ceux qu�ils jugent apostats et incroyants. En tout �tat de cause, ceux qui id�alisent le fonctionnement d�organismes tels que l�ONU, perdent de vue que l��laboration du droit au sein de cette institution est intimement li�e � des rapports de force � l�int�rieur de la �communaut� internationale �, c'est-�-dire dans le club des puissances �qui comptent� en ce bas monde et en fonction de leurs strat�gies et int�r�ts conjoncturels. Pour comprendre le processus dans son ensemble, la r�f�rence � Hobbes nous est malheureusement encore plus utile que celle � Locke. Contrairement � ce qui est appr�hend� comme ��vident �, le monde n�est pas toujours r�gi selon les principes du droit et la transparence d�un march� r�gulateur � l�infini. Le syst�me mondial demeure malheureusement largement r�gi par la norme des rapports de force et la contrainte extra-�conomique, g�n�ratrice de pratiques renti�res et des fonctions assign�es y compris � l�islamisme dans ses diff�rentes variantes, et dont ce qui se passe en Alg�rie ne semble constituer qu�un p�le reflet. Dans ce chaos mondial, les v�ritables partisans des droits humains sont en m�me temps, quoi qu�on en pense, ceux qui d�fendent les droits des peuples et le principe de justice et de solidarit� sociale. Aussi, quiconque pr�tend � la d�fense des droits humains doit-il veiller � ce qu�ils ne soient pas instrumentalis�s � des fins inavouables et brandis par ceux-l� m�mes qui d�nient toute l�gitimit� � l�Etat de droit en substituant � la cat�gorie de �citoyen� celle de �sujet� ou de �croyant� et en rel�guant au plus bas de l��chelle sociale la statut des femmes et des diff�rentes minorit�s. 5- Nous ne sommes cependant pas de simples r�veurs coup�s de tout principe de r�alit�. Nous ne nions nullement les rapports que nous sommes tenus d�entretenir avec le reste du monde pour �tre � la hauteur des enjeux de notre �poque. Nous consid�rons n�anmoins que la mondialisation ne doit pas �tre subie, mais partag�e et que nous devons y participer avec les autres pays du Sud et du Nord de la plan�te de mani�re active, une telle position est intrins�quement li�e � la d�fense de notre souverainet� et de notre dignit� nationale et, de ce point de vue, gare aux peuples qui ne savent pas se respecter et se faire respecter. Cela suppose bien entendu d��uvrer � promouvoir un Etat fort et responsable, une soci�t� � la hauteur de nos ambitions, capables de d�fendre par eux-m�mes les droits humains, la lutte contre la corruption et la gabegie et de garantir la mise en place d�un d�veloppement partag� bas� sur le travail et la solidarit� sociale. Nous pouvons, bien entendu, concevoir le fait que des juridictions ext�rieures qui fonctionnent selon le principe de l��tat de droit puissent �tre int�ress�es par ce qui se passe chez nous. Mais en collaborant avec notre justice, et non en se substituant � elle. Dans le monde arabe, ce qui s�est pass� en Irak et en Libye doit nous inciter � �tre plus que jamais vigilants quant � la pr�servation de notre souverainet� nationale. Ceci sans nous enfermer dans l�autisme et dans le chauvinisme, car nous avons aussi des amis � l��tranger qui eux-m�mes cherchent la paix et le progr�s pour tous, dont l��coute et la prise en compte des remarques qu�ils leur arriveraient de nous destiner pourraient �tre utiles et productives. A nous de savoir discerner, � partir d�une analyse du terrain et des objectifs de progr�s que nous voulons pour notre soci�t�, les choix � faire, tant en mati�re de d�fense des droits humains que dans les autres domaines que nous souhaiterions promouvoir.