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L'ENTRETIEN DE LA SEMAINE
Me MANSOUR KESSANTI, AVOCAT � LA COUR DE BLIDA, � SOIRMAGAZINE �La loi autorise les h�ritiers � partager la chose de la mani�re qu�ils veulent�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 02 - 2012

L�h�ritage concerne pratiquement tout le monde et chaque citoyen est appel� un jour � �tre confront� au partage des biens laiss�s par les ascendants. Un partage qui dans la plupart des cas ne se fait pas sans heurt. Certaines familles se sont disloqu�es, d�chir�es, connaissant parfois des situations dramatiques. Afin de mieux appr�hender cet aspect mat�riel de la vie, nous avons demand� � Me Mansour Kessanti, avocat � la cour de Blida, agr�� � la Cour supr�me, de nous apporter son �clairage.
Le Soir d�Alg�rie: Me Kessanti, pouvez- vous nous donner un aper�u g�n�ral sur l�h�ritage ?
Me Kessenti : L�h�ritage, de mani�re g�n�rale, fait appel au d�part � deux notions essentielles : le patrimoine ou actif successoral d�une part, et la famille, d�autre part. C�est la transmission des biens d�une personne qui d�c�de � sa famille qui constituent ce que l�on appelle commun�ment h�ritage. Cette transmission des biens d�une personne d�c�d�e � sa famille a connu au cours de l�histoire, et au niveau des diff�rentes soci�t�s, des contenus diff�rents. Alors que dans certaines soci�t�s, on peut parfaitement organiser toute sa succession de son vivant par le moyen du testament notamment, la loi n�interviendra donc pour le partage du patrimoine du d�funt qu�en l�absence de toute volont� qu�aura manifest�e celui-ci en vue du r�glement de ce partage, selon le choix qu�il aura fait ; par contre, chez nous, c�est la loi qui va d�terminer � titre principal et avec pr�cision non seulement les personnes ayant vocation � succ�der au d�funt, mais �galement les quantit�s revenant � chaque ayant droit, le testament � le cas �ch�ant � ne pouvant s�appliquer que pour le tiers de la succession. C�est l� toute la mati�re du droit des successions qui est assez complexe, ayant fait l�objet de nombreuses �tudes et trait�s, et qui a pour sources chez nous successivement la loi coranique, le testament, auxquels il convient d�ajouter le habous ou wakf.
Et quelle est la l�gislation applicable en Alg�rie ?
Le droit applicable en mati�re successorale en droit alg�rien est contenu essentiellement dans les dispositions des articles 126 et suivants de la loi 84-11 du 08 juin 1984 portant code de la famille, celles des articles 775 � 777 du code civil relatives au testament et renvoyant d�ailleurs au code de la famille, ainsi que la loi 91-10 du 27 avril 1991 compl�t�e et modifi�e, relative aux biens wakfs. L�ensemble de ces textes a pour base commune la charia. Ainsi, les r�gles du code de la famille qui pr�cisent les cat�gories d�h�ritiers, les parts d�volues aux diff�rents ayants droit, etc. ont pour fondement principal le Coran � notamment les versets 7, 11, 12, 33 et 76 de la sourate IV (Les femmes), alors que la sunna constitue le fondement de la notion de testament de m�me, d�ailleurs, que la l�gislation des habous (ou biens wakfs) est elle-m�me enti�rement inspir�e de la charia
Pouvez-vous nous expliquer davantage l�aspect habous ?
Si la transmission du patrimoine aux h�ritiers se fait en fonction des r�gles pr�vues par la loi quant � la d�termination de ces derniers, par contre le bien qui a �t� �habouss� par son propri�taire rel�ve d�une l�gislation qui lui est propre, notamment parce que contrairement aux textes r�gissant la succession qui fixent les ayants droit, leur quote-part et la transmission de l�actif successoral en pleine propri�t�, le bien �habouss� va subir un d�membrement par la volont� du constituant, car seul l�usufruit du bien sera transmis aux h�ritiers nomm�ment d�sign�s par l�acte de habous. Dans ce cas, la nue propri�t� est r�serv�e au profit d�une institution ou �uvre pieuse qui b�n�ficiera �galement de l�ensemble des revenus rapport�s par le bien, apr�s distraction des frais engendr�s par son entretien, les d�volutaires du habous n�ayant que le seul usage ; c�est d�ailleurs pour cela que l�une des premi�res actions entreprises par l�administration coloniale sur le foncier alg�rien a �t� d��vincer les d�volutaires des habous de ces biens en favorisant leur partage et m�me leur ali�nation en pleine propri�t� ; ces op�rations faites, on d�clare alors le habous caduc et la validation des transactions m�me celles de la disposition �taient alors prononc�es par les juridictions. Au lendemain de l�ind�pendance, le juge alg�rien revenait au respect des r�gles de l�institution du habous et de la volont� du constituant en d�clarant que c�est l�acte de disposition qui devenait nul et non le habous qui devenait caduc.
Il existe plusieurs types de personnes ayant la vocation h�r�ditaire, pouvez-vous nous les �num�rer ?
Ainsi qu�il a �t� pr�cis� plus haut, la vocation � h�riter se base sur le lien familial avec le d�funt qui est le lien de parent� et la qualit� de conjoint ; un certain nombre de conditions sont impos�es par la loi qui pr�voit m�me l�exclusion de la vocation h�r�ditaire dans certains cas (auteur ou complice d�homicide sur le d�funt, non d�nonciation de son meurtre�). La loi va �galement classer les h�ritiers en diff�rentes cat�gories, � savoir les r�servataires (ou h�ritiers fardhs), les h�ritiers universels (acebs) et les h�ritiers par parent� ut�rine (que l�on appelle dhaoui el-arham). Les h�ritiers r�servataires sont ceux qui ont droit � une part fixe de l�h�ritage (ce sont donc des h�ritiers prot�g�s), les parts de succession �tant au nombre de six (la moiti�, le quart, le huiti�me, les deux tiers, le tiers et le sixi�me). Les h�ritiers universels ( acebs) sont ceux qui ont droit � l�ensemble de l�h�ritage en l�absence d�h�ritiers r�servataires ou � ce qui reste de la masse successorale apr�s distribution des parts fixes ; notons ici qu�avant la r�v�lation du Saint Coran, tous les biens du d�funt �taient partag�s entre les seuls h�ritiers acebs, les femmes en �tant exclues.
Justement, les rites de la religion islamique diff�rent en mati�re de jurisprudence. En quoi sont-ils dissemblables dans le cas de l�h�ritage ?
Le l�gislateur alg�rien a introduit dans le code de la famille de 1984 de fa�on officielle une autre cat�gorie d�ayants droit qui �tait jusqu�alors exclue dans le rite mal�kite, contrairement aux rites han�fite et hanbalite : les parents du d�funt par les femmes, ou cognats (la petite fille � fille de la fille du d�funt �, la fille du fils de la fille, etc.) qui interviennent en l�absence de tout autre h�ritier ; en l�absence de tout h�ritier, le patrimoine du d�funt est alors d�volu � l�Etat ( beit el-mel).
Comment la proc�dure est-elle appliqu�e en mati�re d�h�ritage ?
Le tribunal territorialement comp�tent pour conna�tre des affaires de succession est celui du domicile du d�funt (article 40 alin�a 2 du code de proc�dure civile et administrative et 498 du m�me code). Toutefois, le partage peut �galement �tre effectu� devant un notaire notamment en cas de partage � l�amiable. De la lecture combin�e des articles 126 du code de la famille qui dispose que �les bases de la vocation h�r�ditaire sont la parent� et la qualit� de conjoint� et de l�article 722 du code civil qui autorise le partage de la chose commune, on pourrait penser qu�il suffit donc de produire les pi�ces d��tat civil (ou une fr�dha) justifiant le lien de parent� avec le d�funt, et les titres de propri�t� de ce dernier pour que soit ordonn� le partage de ses biens entre ses ayants droit. Or, tel n�est plus le cas depuis quelques ann�es o� la production d�une �d�claration de succession� dress�e par acte authentique est �galement exig�e, sous peine de rejet de l�action. En fait, cette nouvelle exigence ne trouve nulle part sa justification juridique, et le motif tir� des dispositions de l�article 91 du d�cret 63/76 est inop�rant, le jugement de partage ou l�acte notari� devant faire l�un et l�autre l�objet d�une publicit� fonci�re, proc�dures � l�occasion desquelles les copartageants devront obligatoirement s�acquitter des droits de mutation. Ainsi, les juges des cours et tribunaux persistent � exiger la production d�une �d�claration de succession�, alors m�me que la Cour supr�me � pourtant organe f�d�rateur et unificateur de notre droit �, et dont la jurisprudence est source de droit et devrait �tre appliqu�e par la force de la loi par les juridictions inf�rieures, affirme pour sa part l�inutilit� de la d�claration de succession en d�clarant express�ment que� �la d�claration de succession n�est pas une condition n�cessaire pour la recevabilit� de l�action en partage� � (arr�t Cour supr�me � 17 /01/2007 � foncier � 391 380). Par contre, la production d�une fr�dha est essentielle car elle indique l�identit� des ayants droit du d�funt, leur lien de parent�, ainsi que leurs quoteparts respectives dans la succession calcul�es selon les principes indiqu�s plus haut. Un expert sera alors d�sign� pour �laborer un projet de partage entre les h�ritiers qui sont autoris�s � partager le bien h�rit� de la mani�re qu�ils veulent (en cas d�accord entre eux) ou sur la base de la fr�dha du d�funt et d�un tirage au sort (en cas de d�saccord).
Un dernier mot...
Le droit des successions est une mati�re tr�s complexe, ce qui a �t� dit plus haut ne constitue que quelques g�n�ralit�s sur cette mati�re. Les droits et quotes-parts des h�ritiers sont d�termin�s par la loi de mani�re extr�mement pr�cise� et m�me math�matique. Ces parts �tant exprim�es par des fractions qui ont le m�me d�nominateur qui correspond au m�me total des parts et dont la somme doit correspondre � la totalit� de l�h�ritage ou as h�r�ditaire. S�il est difficile pour ne dire impossible de faire �voluer les r�gles qui �tablissent les quotes-parts des ayants droit (dans le sens r�clam� par des organisations f�ministes qui militent pour l��galit� des parts dans la succession entre hommes et femmes) en raison du caract�re sacr� du principe combattu, la loi autorise les h�ritiers � partager � s�ils sont tous d�accord � la chose comme de la mani�re qu�ils veulent (art 723 du code civil).


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