16 f�vrier 1996, lotissement Tala � Tizi-ouzou, en contre-bas de ce que les Tizi-Ouz�ens appellent �la d�cente du stade�. Une petite agence de communication. Universalcom, r�cemment cr��e et install�e dans une location � l�int�rieur d�une villa du lotissement. Assez t�t dans la matin�e, Achour Belghazli et Dalila Drid�che pr�parent le planning de la journ�e. Ont-ils entendu le v�hicule s�arr�ter � l�entr�e ? Ou ne se sont-ils rendu compte de la venue de ces �visiteurs� qu�une fois qu�ils se sont pr�sent�s � eux ? Quel �tait l�allure de ces �policiers�, ou de ces �repr�sentants de l�autorit� ? Elle a d� �tre suffisamment cr�dible pour qu�Achour se plie � un contr�le en r�gle. Statut de la Sarl, v�rification d�identit�, et probablement un interrogatoire qui a pu prendre un certain temps, au bout duquel ces visiteurs d�cident d�accomplir leur forfait. �Un acte sacrificiel � qui en �quivaudrait des milliers en ce 27e jour du Ramadan. Ils abattent Achour et Dalila, et s'en vont� Tr�s peu de t�moignages. Dans quel v�hicule sont-ils venus ? Dans quelle direction sont-ils partis ? Les voisins ont-ils entendu les coups de feu ? Quelqu�un a-t-il vu� entendu� quelque chose ? L�odeur de la poudre ne s��tait pas dissip�e lorsque, Salah, l�un des soci�taires dans l�agence arrive, il d�couvre le drame qui s�est d�roul� � l��tage. Achour et Dalila gisent dans leur sang. Combien de temps met-il � ressortir ? Saisi par l�horreur, a-t-il � ce moment-l� la notion du temps ? Il ressort avec cette sensation d��tre seul au monde, et cherche un endroit d�o� t�l�phoner. Combien sont-ils � �tre pass�s � l�agence dans ce laps de temps ? Rachid Hammdad, qui n�est plus des n�tres, lui aussi. Mokrane Gacem, qui s�est �tonn� de trouver la porte ferm�e. Kaci, avec un de ses amis, et d�autres que j�oublie. L�agence �tait un point de chute pour de nombreux camarades d�Ettahadi-Tafat, qui restait encore, aux yeux de beaucoup, le Pags. Elle l��tait au point de donner l�impression, � qui voulait regarder, qu�elle pouvait �tre la direction locale de ce mouvement de r�sistance. Derri�re cette porte en verre, le drame s��tait d�j� jou�. Et, lorsque, avec l�arriv�e de la police, les camarades le surent, chacun se voyait en survivant. Mais Achour et Dalila, eux, �taient morts. Froidement assassin�s. Achour Belghazli avait un long parcours militant. En 1980, alors qu�il travaillait dans le secteur du b�timent, son engagement le conduit devant la Cour de s�ret� de l�Etat. Il est l�un des 24 d�tenus du Printemps amazigh de 1980. Son engagement se fera constant avec une sensibilit� sociale prononc�e. Il se forgera au contact et aux c�t�s des nombreuses organisations de gauche de l��poque. Son statut de travailleur est mis � profit par ses adversaires, au sein du MCB, pour tenter de frapper de discr�dit ses id�es socialisantes. Il sera accus� d��tre un provocateur, un flic. Proc�d�, malheureusement, trop souvent substitu� au combat d�id�e. Dans l��preuve, il fait preuve d�une force morale exceptionnelle et d�un d�vouement sans pareil. En 1986-1987, il participera � une dynamique de rapprochement entre une partie de l�aile gauche du MCB et le Pags, une p�riode de d�bat et d��changes intenses, qui nous a conduits � adh�rer � ce parti entre juillet et ao�t 1987. Apr�s la l�galisation, Achour sera parmi les plus avis�s sur les imp�ratifs de changement qui se posaient au parti. Artiste dans l��me, ami d'artistes connus, A�t Menguellet, Matoub, Athmani et autres, il �tait un excellent percussionniste. Son �coute des bruissements de la soci�t� et des masses �tait particuli�re. Tr�s t�t, il comprit le danger islamiste, et il ne cessait de dire l�urgence de sa prise en compte. Le 27 d�cembre 1991, au soir, il �tait dans cette petite poign�e de militants qui, au nom de la �section de la ville de Tizi- Ouzou�, avait d�cid� de lancer un appel � la cr�ation du �Comit� de d�fense de la R�publique� ; un appel lanc� en dizaines de milliers d�exemplaires. Il savait le danger, il le connaissait. Nous avions, d�j�, parfait notre connaissance des noms des cimeti�res d�Alg�rie. Avec les camarades, il cherchait � obtenir une arme. Nous attendions la r�ponse d�un historique, qui se pr�sentait comme l�un des concepteurs d��une ceinture de protection de la capitale�. Les amants quotidiens, contraints et forc�s de la mort que nous �tions, pouvaient bien esp�rer obtenir de l�Etat un moyen de se d�fendre. Mais, pour seule r�ponse, il nous sera propos� de constituer un comit� de l�gitime d�fense. Les autorit�s pouvaient nous admettre dans des groupements territoriaux � GLD, CVA, peut�tre m�me gardes communaux �, mais il leur �tait inacceptable de reconna�tre que nous �tions cibl�s pour nos id�es, notre engagement militant, et de nous consid�rer dans notre engagement patriotique. Achour et Dalila �taient des proies faciles. D�autres parmi les camarades auraient pu y laisser leur vie. Dans les magasins des PMAK (kalachnikov) de ces �policiers� du 27e jour du Ramadan, une munition artisanale qui trahit l�identit� v�ritable de ces assassins. Des munitions faites de tiges d�acier d�coup�es usin�es pour remplacer des balles qui devaient leur faire d�faut. Qu�importe, Achour et Dalila �taient l� des offrandes faciles, et leurs assassins jouissent, certainement, aujourd�hui du pardon et de la concorde g�n�reusement offerts par un pouvoir f�lon.